« Je veux mon sapin »

19 décembre 2020, par Julie Pontalba

C’est la fin de l’année et ça sent bon Noël ! Sapin, chocolats, cadeaux, et pétards bien sûr. Avant l’évènement, il faut travailler encore un peu.
Elue à la mairie de Saint Denis, j’ai des audiences à faire régulièrement. Je reçois les dionysiens suivant un planning administratif ; je les écoute et j’essaie de trouver avec eux des solutions à leurs problèmes.

Hier, je recevais à la mairie annexe de Montgaillard. Une jeune femme arrive, pimpante ! Un sourire rayonnant qui détend l’atmosphère. Un vrai soleil dans une salle de réception décorée d’un petit sapin. Mais quel problème peut bien avoir une telle personne ?

Elle m’explique qu’elle n’a pas de domicile fixe. Suite à une dispute conjugale, violente, elle a quitté le domicile familial avec fracas. Elle a pris ses deux enfants et c’est tout. Ce soir-là, elle a tout laissé derrière, sans regret. Elle est partie chez sa mère, sûre de trouver un accueil plus tranquille. La solidarité familiale joue beaucoup, avant un abri pour femmes battues. Cependant, cette forme de solidarité a ses limites lorsque, au bout d’un certain temps, la pression sociale est trop forte pour la maman. Notre administrée anticipe la crise et elle part vivre chez sa sœur. C’est une cohabitation bien comprise mais pas durable. J’apprends que cela fait plus de deux ans maintenant que sa demande de logement est en rade.

Elle attend un déclic de cette rencontre. Voulant savoir un peu plus, je lui dis que je la trouve très courageuse, elle répond : « ma fille y travay bien lékol madame si ou koné, mi veut pas li lé tracassé. Kan li sa va le matin, mi veut li voit ke moin lé bien, kom sa, son tête lé lib, ou comprend madame ? Mi veut mon zenfan y réussi. » Dans tous les cas, ce sont les enfants d’abord.

L’émotion est palpable mais je reste dans mon rôle. Je lui demande quel type de logement, elle souhaiterait obtenir. J’avance un T3 ou un T4 qui serait le plus adapté. Et là elle me dit : « nimporte, même in studio, du moment moin na in logement. Moin aussi mi veu in sapin, pou mon zenfan ». Un instant, l’élue s’efface devant la mère que je suis. C’est dur. Il faut trouver les mots et les gestes appropriés à la circonstance, tout en montrant l’espoir.

Tous les 15 jours, je reçois des administrés. Souvent pour des problèmes sociaux. Aucune histoire ne se ressemble. Nous vivons, les uns à côté des autres, sans se connaître. La pauvreté a de multiples visages ; elle peut rayonner et doubler d’intelligence pour éviter qu’on la découvre. Seuls les mots trahissent les maux.

En cette fin d’année, j’aurais aimé que chacun ait son "sapin". Peu importe le sens qu’on lui donne. On a beau dire que le bonheur n’est pas matériel, il y a pourtant des moments où on aimerait que tout le monde soit égal.

Julie Pontalba

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Messages

  • "La misère est moins pénible au soleil" chantait Charles Aznavour. Nous sommes au soleil et la misère se fait de plus en plus ressentir, même si la solidarité familiale permet à certains d’essayer de mieux appréhender cette souffrance, les enfants sont les premiers concernés. Avec toute la volonté de la famille, si "marmite lé vide l’estomac y rest vide", si le corps lé vide, le coeur a du mal à se remplir de joie à l’approche des fêtes de fin d’année. Tout en se montrant digne pour cacher sa détresse à ses enfants, cette femme fait face à des jours sombre. Sa lumière se résume à un toit et à un arbre de Noel.

    Malheureusement, la construction de logements décents à la Réunion fait parti du système basé sur la spéculation.Les finances passent avant le social et les attentes des humains. La livraison des habitations se fait de plus en plus rare et il y a de plus en plus de demandes prioritaire. Notre camarade Paul avait anticipé sur ce problème en suggérant la construction de 10 000 logements par an pour faire face à la croissance démographique et également pour mettre fin à la voracité des vendeurs de sommeil. Sa recommandation n’a pas trouvé d’échos favorable auprès des instances dirigeantes et aujourd’hui nous payons ces erreurs du passé.

  • 1000 Euros pour un T4, c’est pas mal non ? Le même prix d’un loyer qu’en métropole ? Il y en a, il faut aussi aller à Paris ou dans les communes riches, comme Cannes, Neuilly pour voir plus cher encore. Comment voulez-vous que des smicards s’en sortent. 40% est le tau de la population vivant sous le seuil de pauvreté, 35, celui du chômage, 65 est celui chez les jeunes de 18-25 ans" et que propose-t-on comme perspective pour eux ? On n’a même pas le courage de leur dire la vérité, soit : partez, allez voir ailleurs, comme déjà pas mal d’autres, jusqu’au Canada, aux états-unis, en Chine etc. Retrouver sa dignité, gagner un bon salaire puis revenir en congé à la Réunion les poches pleines pour aider sa famille qui a aidé, puis se ressourcer plutôt que de se voir résigné, passer son temps dans son canapé, pour voir des séries débiles qui au final nous font perdre du temps, vivre par procuration devant son poste de télévision comme le chantait si bien JJ Goldman il y a plus de 30 ans déjà. En conclusion, il faut se débrouiller, oser partir faire sa vie ailleurs, pour garder sa fiérté, son honneur de ne pas vivre au dépend des autres, en simple consommateur de produits en promo ou pas de marque connue ou improbable, de produits tous importés, fabriqués par de la main d’oeuvre exploitée elle aussi, voilà la réalité, qui ne pousse pas à agir, hélas, enfin, on verra bien, qui parmi les jeunes osera faire le saut dans l’inconnu qui peut leur faire réussir. Au lieu de rester ici, passif, renfermé. Bon WE zot tout, Arthur.

  • Il faut lui souhaiter de bonnes fêtes et du courage pour achever 2020 qui aura été difficile pour elle, d’autres aussi hélas bien sur. La Covid ne fait qu’accélérer cela, confirmer les injustices. En ces jours d’achats superflus, qui engendrera autant de pollution, aussi bien concernant les produits consommés, programmés pour ne pas durer longtemps puis remplacés par des nouveaux, plus "mode", tendance, et bien sur les emballages, avec donc un maxi de plastique que l’on aura vite oublié alors qu’il continuera à dégrader l’île qui étouffe déjà de cette pollution visible ensuite dans les rues, les chemins, les ravines, les plages les sentiers GR et même jusqu’au massif du volcan et du Piton des neiges ! On marche sur la tête et on ne se soucie pas de demain, avec tous ces pb qui vont s’amplifier comme le chômage, les transports, les mico plastique, le réchauffement de la planète, aie aie aie, tout va très bien Me la Marquise ? Non, pas vraiment quand on y pense, Arthur qui tousse.


Témoignages - 80e année


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