L’Afro-descendance ou la mémoire oblitérée ?

27 mai 2014

En 2013, l’UNESCO vote la décennie de l’Afro-Descendance (2013-2023).

L’association RASINE KAF qui célèbre tous les ans depuis les années 2000, le 25 mai, la Journée de l’Afrique se retrouve naturellement dans ce programme de l’UNESCO qui consiste à

- « Reconnaître le rôle des personnes d’Ascendance Africaine dans le développement mondial et débattre de l’accès à la justice pour les actes de discriminations actuels et passés qui ont abouti à la situation présente » (Mirjina Najcevska, Présidente du groupe de travail d’experts des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine).

- Faire connaître la civilisation africaine à travers sa culture et ses permanences à La Réunion.

- Promouvoir le travail des associations qui développent les ressources africaines.

Malgré cette proclamation, il faut malheureusement constater que nous nous trouvons à La Réunion dans un effacement constant de cette africanité originelle, car les descendants d’Afrique et de Madagascar (qui fait partie de l’Union Africaine) représentaient 80% de la population à la veille de l’abolition de l’esclavage, rejoints plus tard par les engagés venus de Mozambique et de bien d’autres pays d’Afrique.

Alors on peut se demander quel est l’intérêt ou plutôt la fonction de cette amnésie ? A l’heure où l’on célèbre régulièrement la fête de Guan DI, le Dipavali, l’Aïd el Fitr, et la France et l’Europe, autant de fêtes qui honorent notre diversité culturelle, notre nation « arc en ciel », on voudrait pouvoir continuer à ignorer superbement les descendants d’Afrique qui ne cherchent qu’à partager avec ces autres composantes culturelles ancrées à La Réunion, cette culture millénaire qui constitue notre fierté.

L’Afrique n’existe pas dans les musées de La Réunion, aux Lazarets de la Grande Chaloupe, elle n’est même pas nommée dans le métissage végétal, elle se limite à deux photos sur un mur du Lazaret et elle est carrément trouée, c’est le cas de le dire, dans la signalétique située à l’entrée du musée.

Par ailleurs, les nombreuses demandes que nous avons effectuées depuis les années 2000 auprès des Institutions pour faire du 25 mai, Journée Internationale de l’Afrique, un événement culturel pour la connaissance et la valorisation de l’Afrique et de ses ressources réunionnaises reçoivent toujours la même réponse : « l’Afrique, c’est le 20 décembre, votre Fête c’est la Fèt Kaf, c’est la fête de l’abolition de l’esclavage », reléguant ainsi l’Africain à l’esclave libéré en 1848 qui aurait donc sa fête ce jour-là et pas un autre s’il vous plaît, qu’il retourne tranquillement dans les méandres de l’oubli, jusqu’à la prochaine commémoration de l’esclavage, cette fête qui change de nom tous les ans en fonction de l’endroit où elle se passe.

Comment expliquer aujourd’hui encore 166 ans après le crime de l’esclavage, 13 ans après sa reconnaissance officielle que l’on veuille toujours vissé l’Africain à l’esclave.

L’Afrique, civilisation millénaire, berceau de l’humanité ne peut être systématiquement réduit à l’esclavage. Ce que l’Africain a apporté à La Réunion, c’est une langue ancrée dans la langue créole, c’est une musique portée par des artistes de talent, c’est une conception du monde véhiculée par une manière de vivre, d’éduquer ses enfants, de nourrir sa famille, c’est tout cet indicible qui nous anime au fil des jours.

L’Afrique, c’est une civilisation qui des antiquités à nos jours a contribué aux progrès de l’Orient, de l’Occident, de l’Inde et de l’Asie et qui se consacre à l’heure actuelle à sa propre Renaissance proclamée par L’Union Africaine.

Force est de constater que nous nous éloignons chaque jour, un peu plus, de cette Afrique là qui est pourtant si proche, à fleur de peau.

Alors comment porter fièrement cet héritage qu’elle nous a légué, le Maloya, Patrimoine Mondial de l’Unesco, le culte des ancêtres, les talents sculptés dans les pierres des édifices qu’ils soient religieux ou administratifs, ces chemins qui nous mènent nécessairement au travail que les Africains ont accompli, à la résistance qu’ils ont menée, à la vie qu’ils ont reconstituée ?

Pourquoi cet oubli de nos origines africaines, pourquoi ce déni constant de la mémoire et de la culture de nos ancêtres ?

Alors quoi, l’Afrique oubliée de nos mémoires, l’Afrique cadenassée dans les armoires institutionnelles, l’Afrique privée de représentations, perdue dans la signalétique réunionnaise, l’Afrique absente des programmes d’enseignement de l’Education Nationale, est-ce bien cette Afrique-là qui coule dans nos veines ?

Pour sortir du silence et du mépris trop longtemps entretenu, nous vous invitons à nous rejoindre nombreux le vendredi 30 mai 2014 à Lespas Leconte de Lisle pour une rencontre-débat autour de l’Afodescendance et le samedi 31 mai sur le débarcadère à Saint-Paul afin de fêter dignement l’Afrique Réunionnaise.

 Le bureau de RASINE KAF 


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Messages

  • Bonjour. La liberté d’expression est une de nos libertés fondamentales. Suite à l’annonce, le 17 janvier 2018, de la suspension de la démolition de la prison Juliette Dodu sur les principales pages facebook d’actualités de la Réunion, j’ai posté un commentaire qui a été partout marqué comme indésirable. Pourtant je n’ai insulté personne, le commentaire n’était pas vulgaire ni diffamatoire. En fait je pense qu’il n’ont pas apprécié le caractère véridique de mes propos acides. Je vous laisse juger. (Bonjour. « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». (Aimé Césaire). Ce n’est pas moi qui ai qualifié cette prison de "honte de la République". Que la "honte de la République" reste debout et qu’elle reste dans nos mémoires. Puisqu’on parle de mémoire, les vestiges d’une autre honte de l’État français se trouvent à la Montagne, plus précisément à l’îlet à Guillaume. Une prison pour enfants (1864-1879). Bruno Maillard, historien, compare les conditions de détention des petits bagnards à celles des camps d’Hitler ou de Staline. (« Ils sortiront des hommes ». Les enfants du pénitencier de l’Ilet à Guillaume (île de la Réunion) / Criminocorpus). C’est loin… c’est vrai. Mais c’était après l’abolition de l’esclavage et pourtant ces enfants, noirs pour la plupart, étaient de fait des esclaves. Ça aussi c’est vrai.)


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