L’après-présidentielle, un consensus au centre pour une politique libérale-sociale

25 mai 2017, par Reynolds Michel

Un premier ministre de droite, des ministres venant du centre, de la gauche socialiste et de la société civile, le nouveau président Macron a gagné un pari majeur en mettant en échec l’axe droite-gauche qui organisait la vie politique sous la Ve République. Son objectif avoué est la décomposition de ces deux pôles dominants voués jusqu’ici à l’alternance en vue d’une recomposition de la vie politique au centre. Sa vision est celle d’une société apaisée, d’une démocratie consensuelle où les frontières entre gauche et droite n’ont plus de réalité.

S’il obtient, lors des élections législatives de juin, une majorité absolue à l’Assemblée nationale, la recomposition du système politique français sera définitivement sur les rails et sa vision d’une démocratie apaisée un peu plus accréditée. Et surtout, le président Macron sera à la tête d’une majorité centriste, européenne et libérale-sociale et il aura tous les pouvoirs pour mettre en œuvre sa politique ‒ de droite sur le plan économique et de gauche sur le plan culturel, pour user d’une opposition qui a encore du sens. Or, nous le savons, aujourd’hui, les marchés financiers conduisent par leur fonctionnement à l’enrichissement financier de certains mais font courir des risques énormes à d’autres.

La politique libérale-sociale

Sur le plan économique, le programme du président Macron se positionne nettement à droite. Il veut aller plus loin et plus vite dans le « tout marché » : en libérant le marché des capitaux par la réduction de l’impôt sur les sociétés, en libéralisant le marché du travail (une priorité) et en ouvrant davantage le marché des produits (CETA…). Concernant le marché du travail, il promet de gouverner par ordonnances, tout en rompant avec la hiérarchie des normes (primauté de l’accord d’entreprise sur la régulation supérieure, même si ce dernier est plus favorable au salarié) et tout en laissant le soin à l’Etat de reprendre aux partenaires sociaux la gestion de l’assurance-chômage. Bref, une rupture avec le paritarisme et la démocratie sociale. « Nous ne sommes pas dans une République contractuelle », a-t-il déclaré. Au niveau européen, il ne prévoit pas de régulation fiscale.

Pour compenser les effets pervers de cette dérégulation, quelques réformes sont annoncées : l’extension du système d’assurance-chômage aux indépendants et salariés démissionnaires ; la formation ; une allocation de transition ; l’aide à la recherche d’emploi ou des investissements dans l’éducation. Nous ne trouvons dans le programme du président Macron aucune démarche d’analyse des inégalités produites par le jeu combiné des trois marchés pointés ci-dessus. Sur le défi écologique, presque rien, sinon la volonté de respecter l’accord de Paris sur le réchauffement. L’arrivée de Nicolas Hulot apporte indéniablement un souffle écologique au programme du président Macron. La tâche de Monsieur Nicolas Hulot est de répondre à la fois à l’urgence écologique et à l’urgence sociale, les deux faces d’une même pièce, dit-on de plus en plus aujourd’hui.

Une société ouverte et optimiste

Sur le plan culturel, le président Macron plaide pour une société ouverte résistante à toutes les fermetures ‒ racisme, xénophobie, islamophobie, nationalisme…‒, une société en mouvement disposée à l’hospitalité, à l’accueil des migrants. Il assume également l’irréductible diversité des cultures et des destins individuels. D’où son engagement à engager la ratification de la charte des langues régionales (Discours à Vescovato, en Corse, le 7 avril 2017). En outre, il considère le libéralisme des mœurs comme un progrès décisif et ne fait pas de la laïcité une nouvelle religion.

« Nous sommes les patriotes, ceux qui, fiers de leur pays, ont toujours refusé le repli.(…) Parce que la République, elle est indivisible et en même temps plurielle, n’en déplaise à certains. Et le combat qui est aujourd’hui le nôtre, sur tant et tant de sujets, sur la Corse, sur la citoyenneté, parfois sur la laïcité, c’est un combat profond qui est au cœur de la République française.(…) Le patrimoine culturel et linguistique de nos territoires enrichit notre pays, bien plus qu’il ne le menace. (…) Une démocratie ne doit pas non plus craindre d’apporter des réponses différentes à des besoins différents. L’égalité, ça n’est pas l’uniformité. (Discours d’E. Macron à Furiani (Corse), le 07/04/2017).

Aux tenants du repli, le président Macron prône l’ouverture. Certains diront, à tort ou à raison, qu’il en faudrait un peu plus pour être vraiment de gauche sur le plan culturel.

Dans l’hypothèse d’une majorité relative

Par contre, si l’effet d’entraînement que confère chaque élection présidentielle fait défaut, c’est-à-dire si l’exécutif ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, divisée en 5 camps (LR, PS, FN, En Marche, République Insoumise), le premier ministre sera alors contraint de négocier dans la foulée un compromis de gouvernement avec la gauche de la droite (LR) et/ou la droite de la gauche classique (PS), ou tout simplement gouverner sans majorité stable, en négociant chaque réforme avec l’un ou l’autre camp (Pierre Guilhaume, L’après-présidentielle : que pouvons-nous anticiper ?, 03/04/2017).

Est-ce le retour à la quatrième République tant honnie ? Sans doute pas. Ce qui est certain, ce sera l’entrée dans le temps du grand débat, de la négociation et de la recherche de compromis. « Le vote est important mais ce n’est pas le scrutin qui fait la qualité de la démocratie, c’est le compromis social et la délibération », écrit la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury (L’Humanité, 29/11/2013). La société démocratique, n’en déplaise au président Macron, n’est pas la société apaisée.

« Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage », comme le souligne Paul Ricœur (cité par Anne-Marie Comparini, La démocratie en question, dans Antenne Sociale de Lyon 24/02/2017). Visiblement, la leçon du Maître n’a pas été retenue sur ce point.

Certains diront que le débat a eu lieu et que Emmanuel Macron a été élu président de la République avec près de 66 % des voix. Certes, il faut reconnaître qu’il a bénéficié d’un des scores les plus élevés de la Ve République, mais dans des circonstances bien particulières, comme l’a souligné le numéro un de la CFDT, Laurent Berger (Le Monde, 09/05/2017). Sur les plus de 65 % d’électeurs qui ont voté pour lui, plus de deux tiers l’ont fait par défaut, non pour son programme, mais pour écarter la menace du Front national.

La règle de jeu du scrutin majoritaire à deux tours veut qu’ « au premier tour, on choisit, au second, on élimine ». Au premier tour, les électeurs à partir de leurs préférences politiques ont porté Emmanuel Macron en tête avec 23, 86 % des voix devant Marine Le Pen (21,43 %). Au second tour, Emmanuel Macron a eu non seulement les voix de ses partisans, mais également les voix de celles et ceux qui, ne retrouvant pas leur choix du 1er tour, ont voulu éliminer Marine Le Pen. Et je ne parle pas de l’abstention estimée à 25,3 % (Ipsos) ‒ du jamais vu pour un second tour d’élection présidentielle depuis 1969 ‒ ni du vote blanc et nul estimé à 8,8 % des inscrits, soit 4,2 millions de votes (Ipsos) ‒ record absolu dans l’histoire de la Ve République. Bref, « une victoire large et fragile », titre La Croix (08/05/2017) et Laurent Joffrin, dans l’éditorial de Libération parle d’ « une dette envers le peuple ».

Le président Macron a donc le devoir impératif de tenir compte de ces électeurs, en élaborant avec leurs futurs représentants au parlement des compromis et des accords partiels. Les élections législatives de juin s’avèrent donc d’une extrême importance pour l’orientation politique du pays et pour la démocratie. En votant aux législatives de juin pour nos idées, selon nos convictions les plus profondes, nous pouvons recentrer le pouvoir vers l’Assemblée nationale où tous les partis seront représentés. Le pouvoir sera moins monarchique et plus proche des citoyens. « Le pouvoir doit demeurer sous surveillance », nous dit Paul Ricœur.

Reynolds Michel

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