L’argent de nos retraites dans les mains des financiers ?

16 avril 2003

La France est une démocratie représentative où la souveraineté réside dans le peuple et dans lui seul. Mais trop souvent les représentants du peuple l’oublient et, confisquant la démocratie à des fins idéologiques et partisanes, contribuent par leurs votes à mettre en œuvre des politiques dont la majorité du peuple ne veut pas. Ce divorce entre l’opinion publique et ses représentants élus explique pourquoi, depuis 1986, chaque majorité parlementaire s’est retrouvée reléguée dans l’opposition lors de la consultation électorale suivante.
Cette saine tradition, qui vise à rappeler périodiquement où réside la souveraineté nationale, est en passe de se poursuivre sous la présente législature, tant est béant le fossé entre l’action gouvernementale, son soutien parlementaire et les exigences de la population sur deux sujets sensibles qui nous préoccupent plus particulièrement : la décentralisation et les retraites.
La décentralisation dans le domaine de l’éducation est massivement rejetée par les personnels et par l’opinion publique, car nous savons dans quel contexte le gouvernement la met en œuvre. Le transfert annoncé de 110.000 personnels aux collectivités locales (qui dans de nombreux cas, dont La Réunion , ne sont pas demandeuses) n’est que le prélude au désengagement total de l’État et au transfert de l’ensemble du service public d’éducation et de tous ses personnels. Les collectivités locales héritant ainsi d’une charge financière qui se révélera vite insupportable, n’auront pas d’autre choix que d’accepter la privatisation du service public d’éducation. C’est là l’objectif final, soigneusement camouflé, du gouvernement, de la Commission de Bruxelles et de l’O.M.C. où l’on négocie de multiples abandons, dans notre dos et sans la moindre concertation.
Les retraites sont un autre lieu où les a priori idéologiques et partisans priment sur tout. La situation est artificiellement dramatisée et la présentation qui nous en est faite est mensongère. Plusieurs rapports remis aux Premiers ministres successifs le prouvent. Mais ces rapports ont été systématiquement étouffés, car ils démontrent que le système de retraite par répartition est viable et ne nécessite pas le recours au système par capitalisation. Celui-ci n’est voulu que par le MEDEF et par les spéculateurs en bourse. Nous, travailleurs, ne voulons pas voir l’argent de nos retraites tomber entre les mains des financiers, au risque de se volatiliser comme ce fut le cas pour les fonds de pension d’Enron.
Au-delà de la mise en relation simpliste du nombre des retraités avec celui des cotisants, d’autres chiffres sont à prendre en compte. Au cours des dix dernières années :
- le PIB a progressé de 21,4 % ;
- la progression de la part salariale a été de 0% ;
- l’espérance de vie a augmenté seulement de 2,9%,
- la productivité du travail s’est accrue de plus de 60 % (en 20 ans).
Le vrai problème, c’est moins le financement des retraites que celui de la répartition trop inégalitaire des richesses produites par la nation.
Le problème de l’égalité de traitement entre travailleurs du secteur public et travailleurs du secteur privé est posé d’une manière inacceptable. Le gouvernement, après avoir "déshabillé" les travailleurs du privé en 1993 en portant à 40 annuités la durée des cotisations autorisant leur droit au départ en retraite à taux plein, veut aujourd’hui "déshabiller" les travailleurs du public en leur appliquant la même mesure. Nous le refusons.
La seule mesure acceptable d’égalité de traitement c’est le retour à la situation d’avant 1993 pour les travailleurs du privé et le maintien des 37,5 annuités pour tous.
Soulignons aussi que les fonctionnaires entrés au service de l’État il y a parfois 25, 30 ou 35 ans (et qui s’apprêtent à partir en retraite dans les toutes prochaines années) l’ont fait sur la base d’un contrat de travail qui réglait leur déroulement de carrière et leur retraite. Modifier unilatéralement ce contrat de travail est moralement et juridiquement inacceptable.
Nous demandons instamment à nos parlementaires de la majorité gouvernementale de bien vouloir émettre lors des débats au sénat et à l’assemblée nationale des votes en conformité avec nos revendications ci-dessus exprimées. Nous croyons devoir leur rappeler qu’ils tiennent leur mandat des électeurs, et non de Messieurs Raffarin ou Juppé. Nous ne saurions admettre que l’alibi de la "discipline de parti" les conduise à fouler aux pieds les exigences de leurs électeurs.


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