L’Ecole à l’encan ou comment en finir avec l’Ecole de la République

8 juillet 2011

On peut s’inquiéter de la campagne de dénigrement dont le Baccalauréat fait actuellement l’objet, dénigrement permanent contre les enseignants, les redoublements, les résultats.
Les dysfonctionnements et les cas de fraudes qui ont affecté le déroulement de la présente session ne sauraient servir de prétexte à la suppression du Baccalauréat et justifier la mise en place d’un contrôle continu.
Le Baccalauréat donne accès à l’Université, dont il constitue le premier grade : il doit rester un examen national. S’il devient un simple certificat délivré localement à la fin des études — comme certains semblent le souhaiter —, le principe d’égalité républicaine risque d’être rompu.
La valeur du diplôme dépendra de la réputation de l’établissement dans lequel l’élève est scolarisé. Le Baccalauréat ne pourra plus garantir un accès égal aux études supérieures et perdra, de fait, son statut de premier grade universitaire. Le contrôle continu expose, de plus, les professeurs à d’éventuelles pressions exercées localement.
Le principe selon lequel un correcteur évalue les copies de candidats anonymes et non celles de ses propres élèves est la garantie d’une correction sereine et équitable.
Certes, cette exigence a un coût. L’organisation d’un examen national requiert des moyens importants. Mais faut-il, sous prétexte d’économiser l’argent public, sacrifier diplômes et examens nationaux ? Ne risquerait-on pas, alors, de renforcer le système des formations payantes dont les familles assument le coût ? C’est déjà le cas.

L’UFAL qui défend et promeut des valeurs républicaines d’égalité sociale tient à affirmer son attachement au caractère national des programmes, des épreuves, des examens et des diplômes.

Elle s’élève non seulement contre cette perspective de suppression du Baccalauréat, mais aussi contre les divers projets concernant les mesures qui risquent de priver les classes sociales les plus défavorisées du rôle de promotion de l’école primaire et du collège qui en est la suite naturelle.

Il est urgent que l’Ecole de la République retrouve son rôle d’instruction élémentaire. Que les dorénavant “professeurs” restent derrière ce terme qui se voulait flatteur, des “instituteurs”, des “maîtres” à qui seront confiés les enfants, tous les enfants, pour en faire des adultes, des citoyens : on l’oublie trop et depuis bien longtemps malgré les discours !

Que ces maîtres soient formés non seulement techniquement, ce qui doit être le minimum (connaître les matières enseignées et la façon de les rendre efficaces aux acquisitions futures), mais aussi pour développer la curiosité intellectuelle, pour donner l’envie de progresser quelle que soit la classe sociale d’où sont issus les enfants, et pour cela, avoir des exigences afin que l’école comble, autant que faire se peut, les inégalités sociales caractérisées par des déficiences de langage et de références qu’elle a vocation à combler.

Que ces maîtres, surtout si leur origine sociale n’est pas celle des plus démunis socialement de leurs élèves, soient psychologiquement et politiquement (1) en mesure de remplir la mission que Condorcet demandait à l’école dont il avait esquissé le projet en 1792, (2) — l’espèce n’en est pas éteinte, mais en voie d’extinction si on ne réagit pas —, cette école que la IIIème République à mise en place dans un vaste effort national, effort dont les sociétés qui ont suivi, à tous les niveaux, ont cru que la machine fonctionnait bien, alors que les ennemis des valeurs de la République sapaient doucement les bases de l’édifice : réduction du temps scolaire, ouverture de l’école aux marchands heureux de vendre leur marchandise à une population captive, dénigrement de l’école publique au bénéfice des écoles privées, confessionnelles ou non, instaurant des écoles de “classe” au détriment du melting pot scolaire (pardon pour le franglais) qui prépare les enfants à accepter les différences dans une société en constante mobilité sociologique, la prétendue fatigue des enfants pour réduire des programmes alors que c’est la vie sociale (télévision, sorties, loisirs variés pour les plus aisés) qui est à l’origine des difficultés d’adaptation à l’école et non l’adaptation de l’école ; vacances scolaires trop longues, jadis octroyées pour la participation des enfants aux travaux agricoles d’une société rurale où les mères restaient à la maison ou aux champs en travaux non salariés, vacances qui sont devenues les terrains des marchands de vacances qui imposent à l’école leurs exigences, fleurissement des officines de cours de soutien ou rattrapage, que fréquentent ceux qui en ont les moyens et génèrent des revenus énormes.

La destruction de l’Ecole publique est la destruction de la République et de sa valeur essentielle, l’Égalité, que tente d’assurer, de moins en moins, la réussite scolaire pour tous et surtout des plus socialement démunis qu’il faut aider dans les efforts qu’ils ont à fournir pour sortir d’un fatalisme social qu’on ne semble pas vouloir modifier.

H. Hervet IDEN honoraire, Pt de l’UFAL-974

(1) Sorte de mission, de mystique républicaine pour la promotion de tous.
(2) « Le devoir de la société, relativement à l’obligation d’étendre dans le fait, autant qu’il est possible, l’égalité des droits, consiste donc à procurer à chaque homme l’instruction nécessaire pour exercer les fonctions communes d’homme, de père de famille, et de citoyen, pour en sentir, pour en connaître tous les devoirs ». (Cinq Mémoires sur l’Instruction Publique)


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