L’éducation n’est pas une marchandise !

11 août 2003

Commerce et éducation, deux termes que tout devrait opposer. Mais l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) prévoit la privatisation de tous les services, dont la santé et l’éducation. Si les négociateurs de cet accord prétendent que l’école sera épargnée, ils précisent dans le même temps : « sauf s’il y a déjà concurrence entre l’État et d’autres pourvoyeurs de services », ce qui se trouve être le cas dans notre pays du fait de la coexistence entre écoles publiques et privées.
Chaque pays signataire s’engage donc à « ouvrir le marché à tous les fournisseurs qui le souhaitent » (article 16) et, puisqu’il est écrit que les subventions publiques ont des effets de distorsion sur la concurrence (art. 15), une école privée pourra exiger de l’État une aide publique compensatrice si elle s’estime avoir été lésée (art. 23-3).
Enfin, le Secrétariat du Commerce des Services écrivait dans une note du 23 septembre 1998, qu’il s’agissait aussi « d’accroître l’adaptabilité aux marchés et de mettre en place des structures et des programmes disciplinaires jugés plus en accord avec les nouvelles tendances des affaires (sic), de la science et de la société ».
En termes plus concrets et actuels :
• L’éducation est un marché estimé à 2.000 milliards de dollars (on ne parle plus de droit fondamental ni de devoir d’une société mais de marché et de concurrence).
• L’E.R.T. (European Round Table, lobby patronal européen) définit l’éducation comme un « service rendu à l’entreprise » et cela se décline déjà en France avec le MEDEF, qui signe des conventions avec les autorités éducatives pour inculquer dès le plus jeune âge l’esprit d’entreprise ou pour intervenir directement dans la formation professionnelle, avec l’aide de tous les gouvernements successifs ("lycées de métiers" de Jospin, décentralisation de Raffarin).
• Les missions de l’École sont redéfinies : il s’agit de se limiter au « socle commun », constitué du lire-écrire-compter (avec un peu d’anglais et d’informatique), auquel s’ajoute la « formation tout au long de la vie » acquise sur son temps et ses deniers personnels. La notion riche et complexe de savoirs disparaît au profit de la notion de compétences sans cesse périssables. Pour coller aux besoins immédiats des entreprises, pour suivre les évolutions technologiques, pour rester employable, il faudra effectivement acheter sans cesse de nouvelles formations. Les diplômes nationaux vont céder du terrain aux cartes de compétences qui détermineront un profil professionnel à partir duquel chacun négociera son contrat et son salaire (et ce sera la fin des conventions collectives).
• On parle de plus en plus d’autonomie des établissements, avec tout ce qui suit : inégalités des formations offertes, inégalités des modes de fonctionnement et des modes de subventions, dépendance accrue aux collectivités territoriales et à leurs politiques, dépendance accrue au monde économique local, mise en concurrence des établissements entre eux, renforcement des pouvoirs hiérarchiques locaux. Les formations offertes seront liées au bassin d’emploi et donc aux entreprises locales, la valeur des diplômes ou des formations variera selon la région ou l’établissement. Les prix demandés pour se former suivront.
Aux États-Unis, les frais d’inscription en Université varient grandement selon la "cote" de chacune. Il est courant de voir les jeunes faire le tour des banques avant de se lancer dans des études afin d’y décrocher un prêt qu’ils rembourseront sur des années (prix moyen : 50.000 dollars).
À Cancun (Mexique), du 10 au 14 septembre 2003, la sixième conférence ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) doit notamment prendre des décisions sur la libéralisation internationale des activités de services. Ce sommet ne peut se dérouler dans le silence : le rassemblement "Larzac 2003" contre l’OMC (les 8, 9 et 10 août) s’inscrit dans la continuité des luttes pour une autre mondialisation, mais aussi des luttes sociales de mai et juin 2003. La participation de la Fédération SUD Éducation à ce rassemblement vise à ancrer le mouvement social dans la lutte contre la mondialisation libérale pour affirmer que l’éducation n’est pas une marchandise.


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