L’égalité réelle devant l’emploi à La Réunion. À quand ? Et Comment ?

8 mars 2016, par Reynolds Michel

Photo Toniox

L’égalité réelle, bien sûr, surtout si elle est bien concrète ! Mais au juste : égalité de quoi ? C’est cette question là qui est centrale, comme le souligne fortement le prix Nobel d’économie en 1998, Amartya Sen. En effet, pour savoir de quoi on parle, la question de l’égalité réelle ne peut être traitée que si on la relie à la question : égalité réelle de quoi ? égalité réelle du niveau de vie réunionnais avec celui de l’Hexagone ? Égalité réelle des revenus de tous les Réunionnais ? Égalité réelle devant l’emploi ? Égalité réelle devant le logement ? Égalité réelle des ressources ?, etc.

C’est dire que l’égalité réelle en soi n’a aucun sens, à moins de définir rigoureusement dans quel domaine on cherche à la rendre effective. Autrement dit, rechercher l’égalité réelle passe nécessairement par l’identification des domaines ou d’espaces où l’égalité doit être rendue effective, car l’inégalité dans ces espaces s’avère inacceptable. Il convient conséquemment à la société dans son ensemble de désigner puis d’imposer les domaines ou espaces qu’elle considère comme primordiaux pour la réalisation de l’égalité réelle.

Les domaines ou espaces prioritaires où il convient de toute urgence de réaliser une égalité effective à La Réunion sont connus. Il s’agit de l’emploi, du logement et de l’éducation-formation… Arrêtons-nous sur le domaine prioritaire de l’emploi, retenu unanimement par les États généraux (2009) comme « le marqueur de toute politique de développement durable : celui-ci sera humain ou ne sera pas ». D’ici 2030, il faudra, toujours selon les États généraux de 2009, créer 160 000 emplois. Un défi impossible à relever, à moins d’agir sur les causes des inégalités devant l’emploi et de repenser si nécessaire notre modèle économique.

Le paradoxe réunionnais, on le souligne avec raison, repose sur le fait que la croissance relativement élevée du PIB s’accompagne d’un taux de chômage structurellement élevé, trois à quatre fois supérieur à celui de l’Hexagone et d’autres inégalités de même ampleur. La croissance qui était très proche de 6 % durant les années 70 et 80 est passée à 4,5 % en moyenne par an entre 1993 et 2008. Elle a connu un recul de 2,7 % en 2009, tout en affichant une reprise modérée en 2011. Quant au taux de chômage de la population active en général, il tourne autour de 30 % depuis quatre ans et avoisine les 60 % chez les jeunes actifs de moins de 25 ans depuis une dizaine d’années. Même durant la période entre 2000 et 2007, où il a connu une baisse de 8,5 points, il est resté structurellement élevé à 24 % en 2007 (CEROM, avril 2013).

C’est dire que ce chômage quasiment incompressible à la baisse a quelque chose à voir avec le modèle économique de rattrapage mis en œuvre jusqu’ici. C’est en quelque sorte le prix à payer de la politique menée au nom de l’égalité sociale. Le moins qu’on puisse dire est que les performances économiques du modèle ne bénéficient pas de façon équitables à l’ensemble de la population, dont le tiers vit de minima sociaux, soit 150 000 foyers et 240 000 personnes (Marie-Laure Hoarau, in Faire Savoirs, 2008). Ce recours massif aux minima sociaux n’est qu’une conséquence de l’absence d’emplois et de revenus d’activité insuffisants.

C’est à ce chômage de masse structurel, qui génère la précarité et ses conséquences désastreuses sur les personnes et le « vivre-ensemble », qu’il faut s’attaquer frontalement en agissant sur ses causes si l’on veut promouvoir l’égalité réelle devant l’emploi. La réponse par le traitement social et les « petits boulots » sans toucher à l’équilibre ou à la nature du système qui donne naissance à toutes les vulnérabilités de la société réunionnaise ne répond pas l’urgence de notre situation. Les fortes et scandaleuses inégalités de la société réunionnaise posent la question de la qualité du développement et de la société qu’on cherche à promouvoir.

Nous pouvons sûrement compter sur le dynamisme de notre secrétaire à l’Égalité réelle, Ericka Bareigts, pour faire bouger les choses dans la bonne direction, mais sans une forte mobilisation collective, on ne gagnera pas ce combat pour un développement harmonieux et solidaire de notre île.

Reynolds Michel

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