La canne pour se faire battre ? Ou pour rebondir ?

11 juillet 2017

Tant qu’aucun accord ne sera trouvé, Tereos n’aura pas de cannes pour ses usines.

Nous subissons presque tous les ans les conséquences du bras de fer entre les planteurs et le groupe Tereos. Chacun défend logiquement sa position, mais le blocage des routes et par voie de conséquence de l’économie n’est pas une solution.

Après un accord que j’espère voir au plus vite, il conviendrait de s’intéresser à l’avenir, et pas seulement aux 5 prochaines années. On sait que la production mondiale de sucre est excédentaire et avec un cours mondial assez bas en raison d’une production abondante dans des pays à bas coût de main-d’œuvre.

La production locale ne tient que grâce à des subventions. Donc à terme il sera difficile de maintenir les subventions européennes ou nationales pour une production cannière dans un contexte de réduction des dépenses publiques.

Comment s’en sortir ?

« la cann nout’ kultur ! », on a vu ce slogan fleurir sur les bus ou les affiches. Et c’est vrai, Réunion sans la canne ne serait plus la Réunion. Elle fait vivre plus de 20 000 personnes et façonne le paysage. La canne à sucre est une plante vivace qui reste en place environ 6 ans et elle maintient les sols en cas de cyclone ; cela lui confère un avantage indéniable vis-à-vis des cultures maraîchères. Et si une partie des surfaces exploitées en canne était reconvertie dans de la culture maraîchère (qui elle est plus rentable) pour tendre vers l’autosuffisance alimentaire, ce ne serait possible que dans les parcelles plates ou très peu pentues… et l’île n’est pas vraiment plate !

Il semble donc logique de maintenir cette culture, mais en développant d’autres débouchés. Le marché du rhum n’offre pas des perspectives suffisantes, en revanche la fabrication d’agrocarburant à base d’alcool (= éthanol) est une piste à approfondir. C’est ce qu’a fait le Brésil où presque tous les véhicules fonctionnent avec un mélange d’environ 15 %d’essence et 85 % d’éthanol. D’ailleurs, le groupe Tereos y est implanté depuis une dizaine d’années et a diversifié ses produits avec plusieurs unités de production d’éthanol.

Quelques chiffres :

- un hectare de blé produit 2,5 tonnes d’éthanol, un hectare de canne à sucre près de 6 tonnes
-un seul litre d’essence utilisé pour sa production ou sa transformation en alcool produit 9,2 litres d’éthanol grâce aux bagasses utilisées pour produire l’énergie nécessaire au processus et parfois produire en plus de l’électricité.
- 25 000 ha environ sont consacrés à la culture de la canne à sucre à la Réunion, d’où une capacité de production de 200 000 tonnes d’éthanol si toute la production était transformée
- importation de produits pétroliers à la Réunion : essence 100 000 tonnes, gazole 80 000 tonnes, kérosène 200 000 tonnes (et aussi 800 000 tonnes de charbon… mais c’est un autre problème !)
Ces chiffres montrent qu’il y a là un marché potentiel.

Mais pour quel coût de production ?

Tout l’enjeu est là. Le prix de vente est contraint par les prix de vente à la pompe de l’essence, du gazole et des taxes sur ces produits. Le coût de fabrication dépend du cours du pétrole. Avec un cours à environ 50 dollars le baril, l’agrocarburant n’est commercialisable aux prix actuels à la pompe que si les collectivités publiques (État, Région) baissent voire suppriment les taxes sur ces produits. Or ces taxes ont un poids important dans leur budget. Si le cours du pétrole remonte, les agrocarburants deviennent de plus en plus compétitifs. Et à longue échéance, avec l’épuisement progressif des réserves mondiales le cours du pétrole ne peut que monter.

Ces agrocarburants ont en outre un intérêt écologique, le CO2 rejeté lors de leur combustion étant absorbé lors de la croissance de la plante : c’est le principe d’une énergie renouvelable.

Néanmoins le terme biocarburant souvent utilisé pour désigner les agrocarburants est impropre… ils ne sont pas vraiment « bio » au sens où on l’emploie généralement !

C’est donc un vrai choix politique qu’il va falloir faire, d’autant plus difficile que les enjeux vont bien au-delà d’un mandat électoral.

Jean Claude Martigné, Saint Paul

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