La Fontaine, plus actuel que jamais

7 janvier 2004

« La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut »
Qui ne se souvient de ces deux vers de notre grand fabuliste, qu’il nous arrive encore de réciter par cœur et qui nous laissent toujours quelque peu perplexes ? Mais c’est aujourd’hui, en ce 21ème siècle, qu’ils prennent véritablement tout leur sens, dans le monde implacable des affaires.
L’auteur développe ici le point de vue de la Fourmi, pour laquelle prêter est un défaut, celui qu’elle a le moins à se reprocher évidemment. Aux yeux de celle-ci, la Cigale ne manque vraiment pas d’audace et fait preuve en la circonstance d’une grande naïveté.
Comment ! Oser lui demander d’effectuer un prélèvement sur son capital, avec redistribution ! Mais c’est l’entraîner dans les aléas d’un prêt à intérêt et l’introduire de gré ou de force dans la pratique de l’échange, de la circulation des biens !
Encore si la Cigale était une cliente solvable ! Elle sera toujours victime de son insouciance, de son imprévoyance, et elle ne regarde jamais à la dépense. Et puis, comme dit si bien le proverbe : on ne prête qu’aux riches.
Pourtant sa requête ne paraît pas à première vue exagérée : « Quelque grain pour subsister / Jusqu’à la saison nouvelle ». Un simple prêt, qu’elle s’engage à rembourser au plus tôt, avec les intérêts : « Je vous paierai, lui dit-elle / Avant l’oût (la récolte), foi d’animal, / Intérêt et principal ».
Mais la Fourmi ne l’entend pas de cette oreille et reste intraitable, en vraie représentante et digne défenseur d’un régime économique protégé par les garanties du travail et basé sur le principe de réalité. Même si la Cigale fera le déplacement pour se rendre chez elle, jusqu’à la supplier et faire appel à son sentiment de charité chrétienne, elle ne parviendra jamais à l’émouvoir.
Car la règle d’or ici, c’est bien celle qui régit les rapports de force dans notre société, où le riche n’est pas sur le même plan que le pauvre ; la règle qui prévaut dans le monde des affaires et qui, en bonne logique capitaliste, entraîne inévitablement la dégradation des termes de l’échange entre les pays du Nord et les pays du Sud.
C’est donc une leçon de réalisme que nous donne La Fontaine, ou plus exactement de "realpolitik" si le terme n’était pas anachronique. Par ses deux vers, que nous citions plus haut, et qui n’ont plus pour nous la moindre équivoque, le voici de plain-pied - trois ou quatre siècles en avance - avec notre époque.


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