La guerre des mots

29 novembre 2012

Désindustrialisation, déséquilibre du commerce extérieur, développement du chômage et de la pauvreté… La France est bien dans le rouge ! 

Mais ce n’est pas en reprenant le slogan de la droite et du MEDEF sur « le choc de compétitivité », ni en adoptant les mots biaisés de « baisse des charges », de « coût du travail » que les socialistes et les Verts au pouvoir vont résoudre le problème. Pourquoi ?

Parce que d’abord, il ne s’agit pas de « charges », mais de « cotisations sociales ». « Salaire direct » et « cotisations sociales » sont la juste rémunération du travail accompli. C’est la part des salariés dans le partage de la plus-value produite par leur travail, et non une forme de charité patronale qui financerait notre sécurité sociale, comme le laissent entendre les médias aux mains de Bouygues, Pinot & Co. Il s’agit donc de « votre salaire », et non de « coût du travail », comme le rappelle la sociologue Christine Jakse dans le “Monde Diplomatique” de novembre : « Cette métamorphose du langage n’est pas anodine. Aussi sûrement qu’un coût appelle une réduction de la « charge » qui pèse (sur le travail) « écrase » (les chefs d’entreprises) et étouffe (la création), suggère l’allègement ou, mieux encore, l’exonération (…).

Ces associations verbales et mentales élevées par les médias au niveau d’évidences ont banalisé une vision du monde » Vison qui débouche sur un mauvais diagnostic et des remèdes inadaptés. Vision qui pousse tous les gouvernements successifs à penser qu’il suffirait de baisser les salaires pour qu’aussitôt, par magie, des millions d’emplois voient le jour ! Pour en savoir plus sur ce point, le livre de Christine Jakse “L’enjeu des cotisations sociales”, Éditions du Croquant, arrive fort à propos. Malheureusement, les nouveaux chiens de garde qui squattent les médias se gardent bien d’en faire la promo.

Effectivement, rien ne prouve que les 100 milliards (1) d’aide aux entreprises chaque année (environ deux fois le budget de l’Éducation nationale) serviront à investir, à innover et à la création d’emplois… d’autant que ces subventions et exonérations de cotisations sont accordées sans discernement, sans contrôle et sans contreparties.

Par contre, l’on est sûr qu’une baisse de la part salariale appauvrira encore plus la population et provoquera une récession qui, à terme, mettra les entreprises les plus faibles en faillite et détruira notre modèle social. Par contre, on est aussi certain que les propriétaires d’entreprises qui tournent et leurs actionnaires se serviront grassement avant d’investir et de verser quelques miettes aux salariés… Jusqu’où iront-ils ?

De plus, ces intégristes de l’économie obsédés par l’austérité commettent une erreur de diagnostic, car, contrairement à leurs affirmations, la revue “Alternative économique” de novembre 2012, page 7, nous apprend que les Français restent les plus productifs au monde : « En 2012, un Français qui occupe un emploi aura produit (en moyenne) 75.000 euros de richesses, contre 63.000 seulement en Allemagne, et 65.000 dans la zone euro… ».

De surcroît, selon le Bureau of Labor Statistics Américain (BLS), en 2010, une heure de travail dans le secteur manufacturier coûtait 40,6 dollars en moyenne en France, contre 43,6 euros en Allemagne.

Le déclin industriel de la France n’a donc rien à voir avec leur fameux coût du travail ? En fait, le problème est ailleurs. Alors, le PS, les Verts, au boulot ! Il y a du grain à moudre…

Pourquoi par exemple ne parle-t-on pas du coup du capital (la rémunération des actionnaires et des Directions d’entreprises qui augmente scandaleusement) ? Et si nous débattions aussi de toutes les autres causes de la désindustrialisation telles que par exemple les conséquences de la financiarisation de l’économie ! De la politique monétaire et salariale inadaptée, etc.? (À suivre)

Didier Le Strat

(1) La Cour des comptes pointe déjà, en 2007, 63 milliards d’aide aux entreprises. A cela, il faut rajouter l’augmentation des exonérations de 8 milliards sous Sarkozy, plus les 20 milliards de crédits d’impôt du nouveau président, total : 93 milliards, l’équivalent de 3 millions d’emplois à 3.000 euros par mois : salaire direct+salaire différé (les cotisations sociales patronales).


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