La montagne qui accouche d’une souris

26 octobre 2006

L’EXPRESSION est connue, qui sert couramment pour désigner les belles promesses qui ne sont jamais tenues, celles qui sont faites la plupart du temps de façon inconsidérée et, comble du comble, avec autant de force que d’assurance. Mais, sait-on seulement qu’elle vient d’une fable de La Fontaine, dont on a toujours plaisir à reprendre ces quelques vers :
‘‘Une montagne en mal d’enfant, sur le point d’enfanter, / jetait une clameur si haute / que chacun au bruit accourant, / crut qu’elle accoucherait, sans faute, / d’une cité plus grosse que Paris : / elle accoucha d’une souris.’’

Devant l’ampleur du scandale provoqué par l’affaire d’Outreau, qui avait fait trembler tout l’appareil judiciaire, et dont les ondes de choc avaient atteint jusqu’au sommet de l’État, le président Chirac avait promis : ‘‘vous allez voir ce que vous allez voir’’, une réforme de la justice de grande envergure. Tout au moins avant l’expiration de son mandat.
Or, onze mois se sont écoulés depuis l’acquittement par la Cour d’assises de Paris des six accusés condamnés en première instance pour pédophilie, et bientôt neuf mois depuis l’audition surmédiatisée du juge Fabrice Burgaud devant la Commission d’enquête parlementaire sans que rien ou presque ne se produise. Sauf, ces jours-ci, l’annonce faite par le garde des sceaux, Pascal Clément, de la présentation en conseil des ministres d’un projet de réforme mais qui ne comporterait plus cette fois les deux principales mesures annoncées en fanfare par les instances officielles. La première modifiant la composition du Conseil supérieur de la magistrature ; l’autre sur les sanctions à prendre contre les juges qui failliraient dans l’exercice de leur fonction. Puis soudain, patatras ! Nouveau coup de théâtre : l’intervention impromptue du premier ministre en personne qui revient en partie sur les déclarations toutes récentes de son collègue de la justice.
‘‘Cacophonie’’, s’écrie alors avec raison l’un des principaux responsables du Syndicat de la magistrature alors que son collègue avait déjà parlé d’un projet ‘‘déséquilibré’’ et que, de tous côtés, on déplore, une fois de plus, le manque de concertation, surtout sur un dossier aussi brûlant, tellement délicat qu’il nécessite le concours du plus grand nombre tant il s’agit là d’une affaire qui concerne chacun d’entre nous au premier chef. Mais tous ces atermoiements, tous ces cafouillages, cette valse-hésitation comme on dit, et ces contradictions à n’en plus finir, pour en arriver là ! Vraiment quel gâchis ! Il ne nous reste plus pour conclure qu’à reprendre les deux derniers vers de la fable : ‘‘C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ? / Du vent.’’

Georges Benne


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Messages

  • ok mais moi j’aimerais savoir de quelle livre la fable de la montagne qui accouche d’une est tirée


Témoignages - 80e année


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