Emploi

La pérennisation des emplois-verts : un problème de fonds

À l’occasion d’une visite de la Région sur le terrain

26 mars 2003

Pour qui sillonne La Réunion de part en part, sur les routes secondaires ou sur les axes plus fréquentés, difficile d’y échapper : les emplois-verts sont là, ils travaillent et contribuent à modeler le paysage, à embellir les sites, à réhabiliter un coin de ravine, à donner une cure de jouvence à un panorama…
Chaque année, le Conseil régional consacre pas moins de 40 millions de francs à ce dispositif, dont personne aujourd’hui ne remet en cause l’utilité. Seulement, si chacun peut constater de ses propres yeux le travail accompli, il convient aussi d’en mesurer les limites qui tiennent essentiellement en une question : et après ?
Chaque visite effectuée par les représentants du Conseil régional sur le terrain amène inévitablement à cette question. Illustration par l’exemple lors d’une visite effectuée la semaine dernière par une délégation de la Région à Saint-André, avec l’association du Comité de quartier de la Rivière du Mât les Bas.
Créée en 1999, cette association a démarré avec cinq CES (contrat emploi solidarité) et dispose aujourd’hui de 22 CES, 33 CEC (contrat emploi consolidé), deux emplois-jeunes et six encadrants. À son actif, plusieurs chantiers menés les sites de Ti Trou, le long des berges de la rivière du Mât, sur la route de Salazie, au chemin Jeanson, non loin de l’embouchure de la rivière du Mât, et sur la rivière Saint-Jean, à Cambuston.

Développer le lien social

« Tout est parti d’une réflexion menée avec les habitants du quartier de la Rivière du Mât les Bas », explique Jean-Marc Nourby, bénévole de l’association. Une population souvent démunie, généralement bénéficiaire du RMI.
L’action décidée par les responsables de l’association présidée par Jean-Marc Lebihan tient en une formule : développer le lien social au sein de la population concernée. Et comment ? En permettant à des personnes pour qui la notion même de travail et de salaire avait perdu tout son sens de se réinsérer socialement et de retrouver fierté et dignité par un travail dont le résultat est visible par tous.
Sur le site de Ti Trou, par exemple, 10 CEC et un encadrant ont donné un nouveau visage au site, en défrichant les berges de la rivière du Mât, libérant et valorisant ainsi plusieurs milliers de mètres carrés désormais accessibles aux promeneurs et aux pique-niqueurs.

« On pourrait pérenniser plusieurs emplois »

Quelques kilomètres en aval, le paysage est différent. On est loin de l’humidité de la vallée de la rivière encaissée dans un canyon. Quelques filaos, des pieds d’encens, de la broussaille, et beaucoup de saletés. Nous sommes sur le site de chemin Jeanson, jouxtant le quartier de la Rivière du Mât les Bas.
Là, ils sont 7 CES et 8 CES qui, sous la conduite d’un encadrant, font jaillir d’un terrain vague une aire de pique-nique et un parcours de santé qui serpente dans l’herbe, le long du lit de la rivière, pour arriver jusqu’à l’embouchure. Ils ne ménagent ni leur temps, ni leur peine pour mettre en valeur le site.
« À Ti Trou, depuis que notre association est sur les lieux, la fréquentation du site a augmenté de 32%, note le président Jean-Marc Lebihan. Nous avons procédé à une réhabilitation des kiosques, des bancs et sécurisé les lieux… Rien que sur ce site, on pourrait pérenniser plusieurs emplois, pour l’entretien ».

« La formation est une obligation »

Chacun reconnaît le travail accompli, mais tout le monde se pose la même question : et après ?
Pour Hilaire Maillot, vice-président du Conseil régional, président de la commission du développement local, la question est simple : « Comment pérenniser des emplois si les gens ne sont pas formés ? »
À quoi Éric Narassamy, formateur, répond par des exemples concrets : « Nous avons mis en place des projets de formation avec des modules d’élagage, de secourisme et de resocialisation… ».
Mais comme le font remarquer ceux qui sont confrontés à ce public de manière quotidienne, il n’est pas toujours aisé de faire comprendre aux bénéficiaires de ce dispositif la nécessité de suivre une formation. « Pourtant, dans le contrat qu’ils ont signé, la formation est une obligation », fait remarquer Jean-Marc Lebihan.
« Nous devons aller au devant des 130.000 illettrés que compte notre île », souligne pour sa part Hilaire Maillot, qui rappelle qu’il s’agit d’une orientation de la Région qui, pour ce faire, doit pouvoir trouver un relais efficace avec les associations qui œuvrent sur le terrain.

« Ce ne sont pas les idées qui manquent »


Mais les associations doivent aussi pouvoir présenter des projets, afin que la collectivité puisse globaliser son aide et ne pas être contrainte d’agir au coup par coup. Une façon aussi pour la Région d’avoir une meilleure lisibilité dans les projets qui lui sont soumis…
Du côté des associations, ce ne sont pas les idées qui manquent. Preuve d’un réel dynamisme. Preuve aussi des besoins immenses pour offrir de nouveaux services et répondre ainsi à une certaine demande que le secteur marchand ne peut satisfaire.
Par exemple, l’association du Comité de quartier de la Rivière du Mât les Bas mène actuellement deux projets en chantier. Le premier consiste en un accompagnement scolaire, afin de permettre à des enfants de milieux plutôt défavorisés d’avoir accès à un fonds documentaire et au multimédia. Une action qui viendrait en complément du travail scolaire et qui nécessiterait, de la part des bailleurs de fonds (collectivités, CAF…) un financement à hauteur de 400 000 F par an.
L’autre projet consiste en la création d’un "café musique", un lieu permettant aux musiciens et aux talents naissants de s’exprimer, d’avoir un endroit pour répéter, avec en échange, l’organisation de concerts gratuits. « Il existe une réelle demande, mais il n’y a pas de structures pour cela », note Jean-Marc Nourby.
Ce ne sont pas les idées qui manquent. Les financements ne sont pas extensibles, mais ils existent aussi. Reste la volonté politique, qui ne peut dépendre que d’une seule collectivité, de vouloir pérenniser ensuite ces emplois…


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