La politique est-elle une guerre ?

9 février 2012

« La politique, c’est la relation ami-ennemi ; c’est ceux qui sont avec moi contre ceux qui sont contre moi ». Ainsi parle un philosophe allemand, Karl Schmit. La guerre, c’est : on est tous derrière un seul ; on se tait tous ; on arrête de débattre. Je vais prendre ceux qui sont avec moi pour dégommer ceux d’en face. Qu’est-ce qu’on serait bien si on éliminait les autres !
Un parti ne me plaît pas et pour cause. Pour l’instant, il n’est pas interdit d’existence, mais certains s’estiment en droit d’interdire à Marine Le Pen de s’exprimer.
Dans des communes de droite et de gauche, on semble s’évertuer à déclarer la guerre (le binaire). Cette conception politique rampe même au sein des partis et ne date pas d’aujourd’hui.
Elle date de la Révolution française, établissant le vote censitaire.
En 1830, si vous n’avez pas 200 francs, vous ne pouvez pas voter. En 1840, un prolétaire « non intelligent » n’a pas ce droit. Notre libérateur Sarda Garriga avait déjà fait le coup en 1848. Le lendemain de la Déclaration des droits des esclaves, il s’empresse de faire le tour de l’île pour encourager les affranchis à ne pas voter aux prochaines élections afin de maintenir l’équilibre social !
En 2012, un maire peut, lors d’un débat d’orientation budgétaire, faire taire un membre de son opposition, en lui suggérant d’attendre d’être au pouvoir pour s’exprimer !
La même division en deux blocs est entretenue au niveau national. Notre ministre de l’Intérieur entretient sciemment la vieille idée réactionnaire du choc des civilisations, consacrant la prééminence de l’Occident. En son nom, la France a été une grande puissance coloniale.
Le refus d’envisager le vote des immigrés résidents depuis plus de cinq ans aux élections locales coule de la même source. On peut certes les appeler à remplir leurs devoirs et à contribuer à la vie sociale, mais même s’ils y paient les impôts locaux, interdiction leur est faite de participer aux délibérations les concernant.
L’Autre doit être le même. Sinon, c’est un ennemi. La douce France ne peut être souillée par la différence à toutes les échelles du territoire.
Au plan international, continuons la guerre au prix de milliers de morts en Syrie, ou au cœur de la tragédie israélo-palestinienne, toujours au nom des mêmes fondamentaux barbares.
J’invite les lecteurs à mettre sur leur table de chevet le petit livre de Stéphane Hessel et Edgar Morin “Le chemin de l’espérance” prônant une politique citoyenne de salut public et appelant les partis à se décomposer pour se recomposer. Autrement, c’est leur mort assurée.
Ne tombons pas nous-mêmes dans des combats binaires, en disant qu’il y aurait des politiques conflictuels en face de politiques ouverts aux différences, à coup d’anathèmes et d’injures.
La sagesse nous appelle à faire baisser la fièvre de la conflictualité, et d’arriver à faire converger vers un but commun des gens qui, à partir de leur vécu, n’ont pas les mêmes conceptions, les mêmes idées, les mêmes représentations, la même culture, le même âge, les mêmes habitudes.
Disons avec Hanna Arendt : « Le politique, c’est d’abord la capacité de faire ensemble ».
La question n’est pas d’abord celle de la conquête du pouvoir que chacun est en droit d’attendre, mais celle de l’exercice du pouvoir, basé sur un juste partage de la légitimité démocratique entre élus, producteurs de biens et de services, et citoyens.

Marc Vandewynckele


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