Le sujet peut paraître inopportun, mais l’état actuel du monde ne sera pas sans répercussion sur l’avenir de l’Europe. La future Convention devrait fortifier le concept d’une Europe politique (au grand dam de George W. Bush qui souhaiterait voir anéantir tout projet d’Union européenne dépassant le cadre économique). Cependant, beaucoup d’interrogations restent en suspens.
Quels seront les objectifs du projet européen ? Placé face à une réalité évidente (la mondialisation, les risques d’uniformisation et d’inégalités croissantes…), le volontarisme européen doit-il conduire à l’effacement des nations ? Le projet pour l’Europe ne doit-il pas répondre également à une volonté démocratique ? Comment pousser plus loin cette volonté ? Comment aller plus loin que la démocratie délibérative, vers une démocratie représentative voire participative ? Comment renforcer le caractère démocratique du parlement européen ? Comment doivent évoluer Conseil, Commission et Parlement ? Comment préserver les diversités (des cultures) dans cette quête d’unité ? Enfin, comment faire l’Europe sans défaire la France, sans défaire ses particularités (La Réunion en tant que Région ultrapériphérique en est une) ?

Ainsi, il faut s’interroger sur l’existence ou non de divergences et de convergences entre les États membres de l’Union après plus de 40 ans de construction européenne. Y a-t-il convergence ou pas sur le contenu de ce projet ? Quel est l’impact de l’installation du nouveau pouvoir de droite en France ? En Allemagne, la victoire du Parti Social Démocrate et des Verts, en Suède la victoire de la gauche traduisent-elles un coup d’arrêt de la "vague bleue" en Europe ? Cela se traduira-t-il par un changement dans le cadre de la politique européenne même ou dans le cadre international contrebalançant le désir américain d’hégémonie ?
De même, qu’en est-il de la volonté d’élargissement ? Quelle est la position de la Grande-Bretagne à ce sujet ? Le socle franco-allemand est-il toujours aussi solide (comme semblent le confirmer les récents débats au sujet de l’Irak) ? L’Europe saura-t-elle se remettre des divisons concernant l’intervention de l’armée américaine au Moyen-Orient ? Sur quoi se fonderait le socle ? La civilisation européenne, la politique fiscale, la sécurité des citoyens, le parquet européen… ? De même, quel est l’état aujourd’hui des intérêts de chacun ? Quel projet politique ? Sur le plan social, le "modèle" français servira-t-il de base pour mettre en place l’Europe sociale (si l’Europe sociale est un des objectifs à atteindre) ?

En 2004, l’Union européenne verra son espace s’élargir et elle va changer de nature. Sur le plan national, les clivages vont renaître (le débat sur l’UE s’est éclipsé lors des dernières élections présidentielle et législatives). Ces clivages sont logiques car la vision pour une politique européenne est à la base de la politique économique, sociale, étrangère de chaque État. Quelle vision de l’Europe : fédéralisme ou statu-quo, démocratisation accentuée ou pas… ?
En octobre 2002, les Irlandais ont approuvé par référendum le traité de Nice. Ils ont ainsi ouvert la voie à l’élargissement de l’Europe de 15 à 25 États membres. Les plus sceptiques se demandent ce que l’Europe va gagner dans cet élargissement. L’arrivée de l’euro dans les pays de l’ancien bloc soviétique va les contraindre à passer à une économie de marché. Aussi les problèmes institutionnels vont s’amplifier.
La PAC (politique agricole commune) sera remise en cause et le système d’aides régionales et sectorielles (fonds structurels et de cohésion) sera modifié. L’arrivée de ces nouveaux pays (à faible PIB) aura pour conséquence notamment de faire baisser le PIB moyen de l’UE. Or c’est sur ce PIB moyen que sont déterminées les régions éligibles à l’objectif 1 (région dont le PIB par habitant est inférieur à 75% du PIB moyen de l’UE). La Réunion sera-t-elle toujours éligible, comme c’est le cas actuellement avec les autres R.U.P.?
Par rapport à ces aléas, il nous faut mettre La Réunion au centre du débat. Comment préserver la particularité de notre île et son modèle culturel (diversité dans l’unité) ? Tels seront les défis à relever.

La spécificité de notre île entre dans le cadre de la diversité des modèles sociaux existant en Europe. Parce qu’il existe une diversité outre-mer. Parce qu’il existe une diversité au sein des Régions Ultra Périphériques (R.U.P.).
Peut-être devons-nous poser le problème par rapport à un modèle culturel européen et alors se battre pour défendre nos différences. Ou peut-être devons-nous tenir compte du contexte plus global d’échanges entre des zones géographiques planétaires. Parce que nous appartenons aussi à cette région indocéanique du monde. La question européenne doit effectivement nous interpeller ! Nous devons poser la question de l’Europe et de La Réunion par rapport à ces réalités sociales, géographiques et géopolitiques susceptibles de connaître des changements non sans conséquences. La Réunion peut-elle servir d’exemple à un modèle culturel européen ?…