Lacaussade... encore et toujours !

16 février 2006

Fallait-il transférer les cendres de Lacaussade du cimetière Montparnasse au cimetière de Hell-Bourg ? Personnellement et aussi comme membre de la Compagnie “Académie de l’Ile de La Réunion” (fondée en 1913), j’étais contre. En 1997, date du centenaire de la mort de Lacaussade, l’Académie avec son président, le docteur Serge Ycard, avait envisagé de faire venir ses cendres à La Réunion. Mais au vu de son testament holographe dans lequel il affirme vouloir être inhumé à Paris, nous n’avons pas donné suite. Quand l’idée a été relancée par quelques étudiants, notre président avait écrit au Doyen de la Faculté des Lettres (en date du 15 juillet 2003), pour l’inviter à ne pas concrétiser ce projet. De même, un courrier a été adressé à Monsieur le directeur régional des Affaires culturelles (en date du 30 mars 2005) exprimant la même position.
Aujourd’hui, les cendres d’Auguste Lacaussade sont à La Réunion avec les restes de sa première femme et de leur fille. “Le Comité de pilotage du projet de retour des restes de Auguste Lacaussade” a obtenu toutes les autorisations légales pour cette opération, grâce notamment à la volonté exprimée de la famille. Même si nous pouvons l’apprécier différemment, c’est un fait incontournable : les restes de Lacaussade, de sa première femme et de leur fille sont à La Réunion et non plus à Paris. Nous ne sommes plus sur une question de principe : est-ce que c’est possible ou pas ? Nous ne pouvons plus faire marche arrière. Est-ce que nous allons faire des débats sans fin en nous invectivant les uns les autres parce qu’on aurait dû faire ci et ne pas faire ça ? La réalité s’impose à nous tous.
La pire insulte que les uns et les autres nous pourrions faire à Lacaussade, c’est de nous entre-déchirer en son nom, par amour de sa poésie ou pour défendre sa pensée... en durcissant notre propre pensée. Nous ne pouvons emprisonner personne et surtout pas Lacaussade. Pour peu que nous lui prêtions attention, il nous remue par sa propre histoire, par la force de son engagement pour l’abolition de l’esclavage, par son rayonnement intellectuel et sa connaissance de la géopolitique européenne de son époque. L’attention à sa personne qui est aussi symbolisée par l’attention à ses cendres exige de nous de rentrer dans l’humilité et de faire taire nos dissensions de principes ou de groupes rivaux. Autrement, comment pourrions-nous nous réclamer d’un poète qui a tant œuvré pour l’unité réunionnaise ? Comment pourrions-nous faire passer son message aux jeunes générations ?

"Pressons de tous nos vœux l’aube qui doit éclore,
Hâtons l’avènement d’un jour pour tous meilleur,
Et vers l’horizon, vague encore,
Levons incessamment nos yeux et notre cœur (...)"

"Éteignez dans les cœurs les feux de la vengeance !
L’esprit affranchit mieux que le glaive irrité
L’étoile de l’intelligence
Sur nos cœurs doit éclore avant la liberté".

C’est pour cette raison que la Compagnie “Académie de La Réunion”, à sa manière, et sur l’invitation du “Comité de pilotage du projet de retour des restes d’Auguste Lacaussade” rendra hommage à notre poète des “Salaziennes”. Faisant partie de ces "bâtards devant les lois", (Lacaussade). Il ne sera jamais un "bâtard" pour son île aujourd’hui, ni pour l’humanité. Encore et toujours, il sera le poète de l’effort pour une île autrement : "Mais la lutte grandit, mais la lutte a ses charmes ! Du présent en travail jaillira l’avenir".

Monseigneur Gilbert Aubry


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