Le bébé sait avec ses yeux avant de comprendre

21 octobre 2024, par Frédéric Paulus

Pulsion, vitalisme, neurones miroirs, maïeutique en groupe et accompagnement de futurs et jeunes parents à être parents.

Ces termes clés, puis assurément d’autres, se présenteront comme les pièces d’un puzzle stimulant imaginairement nos structures cérébrales. Et ce, pour lier les informations qu’elles génèrent, prouesses de l’intuition et de l’inconscient cérébral sur lesquelles une réflexion citoyenne pourrait émerger en groupe.

Pourquoi en groupe ? Le groupe peut éveiller une créativité qui additionne les savoirs et les intuitions et permet d’imaginer ce que nous n’oserions pas isolés. La démarche deviendrait politique sans esprit partisan.

Commençons par préciser le terme de pulsion. Il évoque un mouvement qui résulterait au tout début de la vie de la rencontre de particules élémentaires. Or si la logique du vivant est bien celle de se maintenir en vie, dans ce but la pulsion générerait un vitalisme. Ce dernier aura été perçu et soutenu par Paul-Joseph Barthez (1734-1806) botaniste et médecin dont les Montpelliérains connaissent la statue dressée à la porte d’entrée de l’ancienne faculté de médecine.

Le terme de vitalisme fut exploré, approfondi et défendu par Henri Bergson (1859-1941) dans son ouvrage « L’évolution créatrice ». Il n’aura toutefois pas réussi à rivaliser pour affirmer sa thèse vitaliste face aux suiveurs des travaux d’un Claude Bernard (1813-1878) qui lui décomposa le vivant pour l’explorer analytiquement. Tant et si bien que le mouvement vitaliste intrinsèque à l’organisme en entier fut occulté du fait des parties étudiées de façon disjointes. Ceci engendra ces biais cognitifs ayant contribué à valoriser « le voir » au détriment du ressenti et de l’éprouvé sensualiste vitaliste.

Face à ce panorama d’exploration disjointe du vivant, nous relèverons ce que pourrait devenir la découverte qui semble renverser ce paradigme d’exploration qualifiée de cartésienne. Antonio Damasio n’aura pas manqué de souligner « L’erreur de Descartes » (2006) en tant que neurologue puis neuroscientifique, ou de nos jours psychologue. La liaison de ces trois spécialités en un seul homme préfigurerait les postures avant-gardistes de chercheur si sensible à l’interdisciplinarité, voire mieux, à la transdisciplinarité !

Concernant cette transdisciplinarité, nous pensons que nos organismes se seraient construits et favorablement différenciés lorsque des télé-récepteurs de plus en plus performants prirent la forme des yeux. Et ce, afin de nous guider au moyen de neurones et d’appréhender qualitativement la vitalité des formes de vie perceptibles ainsi, grâce à ce que les neuroscientifiques nomment désormais les « neurones miroirs ».

Les neurones miroirs, une découverte qui devrait crédibiliser le sensualisme. Ils ont été découverts au début des années 1990 par Giacomo Rizzolatti et son équipe, à l’Université de Parme.
« Je prédis que les neurones miroirs feront pour la psychologie ce que l’ADN a fait pour la biologie. » Cette audacieuse prophétie, en 2000, émanait de Vilayanur Ramachandran, professeur de psychologie à l’Université de Californie à San Diego (États-Unis).
Ces neurones ont une étonnante propriété : ils s’activent aussi bien lorsque le singe exécute une action (quand il se saisit d’un objet, par exemple) que lorsqu’il observe un congénère en train de réaliser cette même action. Ils se trouvent dans les aires prémotrices et pariétales du cortex cérébral.
Leur nom vient du fait que, comme dans un miroir, ils permettraient de se voir agir à la place de l’autre. Car l’existence d’un système analogue a été retrouvée chez l’homme…
Ces fabuleux neurones seraient à la base de tous nos comportements sociaux : le langage, les conduites d’imitation et l’apprentissage, la compréhension d’autrui, l’altruisme et l’empathie, l’orientation sexuelle, les attitudes politiques, l’hystérie de masse, ou encore le bâillement, le tabagisme ou l’obésité. Mais aussi, en cas de dysfonctions, dans la schizophrénie ou l’autisme. « Ces cellules sont devenues la tarte à la crème de la psychologie », résume Jean Decety, professeur de psychologie et de psychiatrie à l’Université de Chicago.
D’où vient leur extraordinaire succès ? De trois traits, analyse Gregory Hickok. La simplicité du concept, d’abord : « Nous sommes capables de comprendre une action parce que la représentation motrice de cette action est activée dans notre cerveau. »
En somme, c’est en usant de la connaissance de nos propres actions que nous tirons notre intelligence des intentions d’autrui. Voilà un processus vital quand il s’agit de décrypter si ces intentions nous sont favorables ou non ! Ensuite, cette simplicité est une promesse de compréhension de comportements sociaux complexes. Enfin, ce concept fournit un mécanisme neuronal de la cognition humaine, mais aussi une piste pour étudier son évolution.
Le débat sur la réalité objective des neurones miroirs reste ouvert. Elle ne fait pas l’unanimité, et c’est une bonne chose !
Cela manque aux scientifiques détracteurs de cette réalité ou prouesse des yeux que je qualifierai de compétence de psychologue chez le bébé. L’enfant aurait naturellement l’étayage organique d’un psychologue de façon innée. Nous devrions penser : « La vérité perçue par ses yeux l’enfant tente de l’exprimer par sa bouche », et à minima nous avons : « la vérité sort de la bouche des enfants » !
Lorsque le bébé ouvre ses yeux, il lui faudra peu de temps pour ressentir et ensuite tenter de comprendre que dans son entourage certaines personnes peuvent être « rangées » du côté de la sécurité, du réconfort, bref de la vie ; d’autres du côté de la menace, du désordre et de la non vie (peut-être même in utéro). Son équipement sensoriel et neurologique (même immature) lui permet ce type de discrimination. Et, selon une vision évolutionniste — « lamarckienne » et également selon le Professeur Henri Laborit, le bébé devrait fuir ce qui lui est nocif ou lutter, renouant avec ses comportements de mammifère, pour préserver sa structure, pour se maintenir en vie en cas de menace. Ne le pouvant, il s’inhibe, allant parfois jusqu’à aimer son agresseur, ou à le détester (agresseur qualifié de « castrateur ! » par Freud) ; ou à faire preuve de résilience. Ultérieurement, la médecine ou la psychologie clinique auront des difficultés à rattacher de nombreuses pathologies liées à l’inhibition de cette réactivité vitale instinctive animale initiale et primitivement épigénétiquement soumise et inhibée. Cette vitalité aura muté insidieusement en physiopathologies ou en culpabilité, entrainant névroses, psychoses ou comportements addictifs (voir le neuroscientifique et psychiatre Pier Vincenzo Piazza ou encore notre ami Federico Navarro (1924-1993)), et peut-être même en cancer, mettant en échec de nombreux mécanismes de défense.
La thèse de l’attachement deviendrait pertinente à condition, encore, de ne pas occulter le détachement, disposition naturelle minimale de la pulsion instinctive d’individuation.
Cette façon d’appréhender le vivant, végétal, animal et humain, (les végétaux ne peuvent fuir !) selon une lente et inexorable convergence, devrait avoir le vent en poupe dans les prochaines années. La synthèse inéluctable des sciences du vivant y contribuera !

Déjà, Jean-Pierre Changeux aura fait remarquer la capacité du cerveau de s’extasier devant des œuvres d’art (« La beauté dans le cerveau » 2016). Nous devrions nous réjouir devant l’immense beauté et créativité du vivant pour évoluer sans faire de nos alter-égo des concurrents, nous aurions minimisé voir occulté la pulsion de solidarité ou d’altruisme.

Nous pensons que le vivant évolue, comme Lamarck l’avait pressenti, par transformation adaptative, avec une petite dose de chance génétique pour les plus beaux et de surcroît les plus fortunés qui ont tendance à engendrer plus d’enfants. On accordera un crédit restrictif sur ce point à Darwin. En époque coloniale, cela aura contribué à accentuer le métissage. Cette constatation devrait être culturellement nuancée du fait de contraintes civilisationnelles, mais c’est un autre débat.

La nature systémique du vivant devient la méthode qui se propose d’en relier les différents composants pour constituer des organes et des organismes de plus en adaptés, performants et complexes ; avec, notamment, des polarités neurales mémorielles activées naturellement. Ceci les rend potentiellement signifiantes sans qu’un conseil ou (et) une guidance extérieure à nos organismes n’interfère. Ceci explique aussi nos espoirs de promouvoir des accompagnants des parentalités que nous nommons des Parents Relais Citoyens Séniors.

Nous en arrivons ainsi à la période actuelle où, ne sachant comment promouvoir nos vies, un nouveau métier semble s’inscrire durablement dans nos cultures, celui de coach.

Vers un coaching naturel

« Notre » coaching, que nous qualifierons de « coaching naturel », repose(rait) sur les capacités naturelles associatives innées et acquises du cerveau prenant appui sur un INSTINCT assurément associatif. Il ferait émerger non de nouvelles « représentations », mais de nouvelles présentations — en reconnaissance à Francisco Varela et à ses travaux sur l’enaction) — ce que font (feraient !) naturellement les rêves pendant la nuit. Et ce que suscite le coach pendant ses interventions.

Sa pratique repose(rait) donc selon nos déductions sur une réalité assurément organique, naturellement associative !

Lorsque la pratique du coach s’exerce en groupe, ce processus naturel qui sous-tend le coaching naturel dit « systémique » (les spécialistes préfèrent des termes techniques plus vendeurs !) émerge de façon groupale. Le groupe devient facilitant (et enrichissant) pour les prises de conscience. Il évite que la réflexion se fige sur une seule nouvelle PRÉSENTATION !

Telle pourrait être « l’alchimie » du processus qui sous-tend la pratique du « coaching naturel en groupe ».

Cette théorie, qui attend patiemment de s’appliquer, sera le « fil rouge » qui justifie l’innovation Parents Relais Citoyens que nous espérons valoriser, si possible avec le soutien de la Professeure Isabelle Mansuy, en neuro-épigénétique à l’université de Zurich.

N’est-ce pas finalement remettre au goût du jour, EN PRATIQUE GROUPALE, la maïeutique de Socrate ?

Frédéric Paulus
Président de l’association CEVE (Centre d’Etudes du Vivant Europe)
Animateur du CEVOI (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien)


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