Le courrier des lecteurs du 02 avril 2005 (suite)

2 avril 2005

(page 7)

"Ni “danseuses”, ni soumises !"

À entendre les “arguments” des partisans du “oui” au projet de constitution européenne, on se croirait revenu à une quarantaine d’années en arrière à La Réunion. À cette belle époque des élections sous Michel Debré et Jean Perrault Pradier ! Une sorte de bégaiement de l’Histoire quoi ! À la seule différence que même la France s’en trouve aujourd’hui contaminée.

Chaque consultation électorale revêtait, à l’époque, un enjeu “national”. Il fallait voter “oui” ! Aux différents référendums, aux candidats officiels et “nationaux”, que ce soit à la présidentielle, aux législatives, aux municipales ou aux cantonales et même dans les syndicats : il fallait dire “oui” et faire acte d’allégeance. Parce qu’autrement, à en croire la propagande officielle, c’était la “sécession”, la menace “d’abandon”. Et du coup, c’en serait fini des allocations familiales, de l’argent carnet, de la sécurité sociale, de l’AMG, de la retraite des vieux... fini de tout cela et de "l’argent de la France", et comme le disait si brillamment le journal patronal de l’époque - celui des usiniers - “va suce le roche” !

Et dans le même temps, on disait : "regardez" les routes, les bâtiments, les ponts, les ceci, les cela... Tout cela, c’est la France : s’il n’y avait pas la France et s’il n’y avait pas la départementalisation, rien de tout cela.

En un mot, un chantage permanent. Indigne de la République.

Près d’un demi-siècle après, nous voilà confrontés à la même "argumentation", au même chantage. Seule différence : à l’époque, c’était la France, aujourd’hui, c’est l’Europe ! Sans l’Europe, point de salut ! On reviendrait aux cases en paille et à l’époque coloniale ouverte ! Et l’on revoit surgir le mot d’ordre des usiniers de l’époque, "sans l’Europe, va suce le roche !" dans sa traduction “socialiste”, version Jean Claude Fruteau : "le Réunionnais i peut pas donne un coup de pied dans son z’assiette manzé". Pour ce qui est des coups de pieds, il y en a manifestement qui se perdent, mais pas dans le "z’assiette" !

"L’argumentation" a été inaugurée ici par la ministre de l’Outre-mer, au Conseil général, avec le concours de RFO, redevenue pour la circonstance ce qu’elle était à l’époque, “radio-Debré” ! Développée à Mayotte et reprise dans le Pacifique, notamment à l’occasion de l’élection en Polynésie. Reprise par le chef de l’État lui-même, déclarant que le “non” était une "connerie" et correspondrait à "se tirer une belle dans le pied" ! Martine Aubry, de gauche, bien évidemment, s’y est risquée, l’autre soir à la télévision. Sans oublier ce membre du gouvernement pour qui voter “non” c’est voter pour... Bush !

Le “oui”, somme toute ne serait donc qu’un vote d’argent, un vote alimentaire.

Les “domiens” traités à l’époque de "danseuses" par l’un des pères de l’actuel projet pourraient trouver là une certaine satisfaction ; celle de ne pas se savoir seuls. Une bien piètre satisfaction pour ceux qui ont une certaine idée de la France et, en tout cas, une haute idée des valeurs républicaines.
Qui dit vote alimentaire dit aussi vote de soumission, de révérence, voire de génuflexion. Sans attendre la droite, le porte drapeaux du “oui” du P.S. local, nous en a fourni un bien bel exemple. Devant la ministre de l’Outre-mer. Répétée cette semaine. D’autres aujourd’hui l’imitent, avec ce brin d’agressivité et de suffisance qui sied si bien à ceux qui se prosternent. Comme d’autres - et lui-même d’ailleurs - jadis, du temps de Debré et de Perraut Pradier. Là encore, l’Histoire bégaie !

Qu’il y ait encore aujourd’hui, sous nos cieux, des danseuses, cela se conçoit. Mais, tout de même... Un peu de dignité, cela n’a jamais tué personne.

Non ! La Réunion vaut plus qu’un “oui” alimentaire et de génuflexion. La France également. Et, pour paraphraser ce mot d’ordre d’une association de femmes en France, "ni danseuses, ni soumises !", il n’y a que le “non” qui vaille. C’est une question de dignité. De respect des valeurs, qui ont fait la République et que l’on ne saurait, où que l’on soit, renier.

Isménie, Fidèle lectrice


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