Le courrier des lecteurs du 04 janvier 2006

4 janvier 2006

Les cassettes de Frère Tariq

Tariq Ramadan est arrivé sur notre île, accompagnant la tempête et la nouvelle année. On a déjà beaucoup écrit et débattu sur ce personnage pour le moins controversé et qui mérite d’être mieux connu du grand public.
Afin de ne pas prêter le flanc aux habituelles invectives envers toute personne cherchant à mettre en lumière la personnalité de Tariq Ramadan, je tiens à préciser que je ne suis ni islamophobe, ni complice d’aucun complot sioniste. Ceux qui me connaissent souriraient d’ailleurs d’une telle accusation.
Il semble en effet qu’il existe 2 Tariq Ramadan. Il y a le plus connu, l’homme public, l’écrivain médiatisé, mesuré, chantre d’un islam moderne épousant les grandes causes de notre temps (lutte contre la pauvreté, résistance à la mondialisation, ...). L’autre Ramadan, frère Tariq, leader fondamentaliste, semble, lui, plus difficile à approcher : les pistes qui y mènent semblent brouillées par le discours officiel du premier. Seules quelques bandes enregistrées, destinées aux seuls initiés de la réforme salafiste, nous délivrent l’image d’un personnage bien plus sulfureux qu’il n’y parait. Champion de la rhétorique, catégorie monologue, Tariq Ramadan y manie l’art de l’euphémisme, fut-il disgracieux, avec élégance et désinvolture. Ainsi, les intégristes deviennent-ils "savants musulmans", le terrorisme une "résistance", les attentats des "interventions", la rationalité "un cheminement intellectuel permettant de redécouvrir la foi" (Voltaire doit se retourner dans sa tombe).
Grand constructeur devant l’Éternel, Ramadan rajoute aux 5 piliers de la foi, 4 autres piliers de sa fabrication, sensés consolider l’identité musulmane : "pouvoir vivre notre spiritualité complètement, apprendre notre religion, pouvoir transmettre et éduquer nos enfants dans le message, pouvoir agir au nom de notre foi". Principes tout à fait honorables s’ils n’étaient suivis de l’affirmation suivante : "s’il y a une société qui m’enlève un de ces 4 piliers-là, cette société, je lui résisterai, je la combattrai" (Tariq Ramadan, “L’identité musulmane : construire notre discours”). Les partisans du dialogue interculturel apprécieront le message de paix...
Car pour Ramadan, point d’intégration ni d’assimilation à la société d’accueil : "J’intègre le bien au nom de l’Universel, je ne me dissous pas, je ne me relativise pas" (Tariq Ramadan, “Islam et laïcité : compréhension et dialogue”). C’est à cette dernière de s’adapter : "il faut s’engager dans tous les domaines qui sont les nôtres où l’on peut amener à changer les choses vers plus d’Islam" (Tariq Ramadan, “Islam d’Europe, entre religion minoritaire et message universel”). La laïcité en cœur de cible...
Bref, si Tariq Ramadan est réformiste, sa réforme s’applique à l’autre afin qu’il s’adapte. Véritable réformiste salafiste, il se conforme à l’esprit des textes comme tout prédicateur fondamentaliste tourné vers la tradition. Loin d’être un musulman libéral et progressiste, il est le digne héritier et continuateur de la politique de son grand-père Hassan al Banna, fondateur des Frères musulmans.
Son argumentation a récemment été sanctionnée par un jugement de la Cour d’appel de Lyon du 22 mai 2003, lequel stipule que les discours de Tariq Ramadan "peuvent exercer une influence sur les jeunes islamistes et constituer un facteur incitatif pouvant les conduire à rejoindre les partisans d’actions violentes".
Puissent nos concitoyens réunionnais de tradition musulmane, mesurés et sereins, apporter la contradiction à ce militant intégriste au double discours.

Pascal Basse,
Saint-Pierre


Effectivement, Tariq Ramadan dérange !

Il est professeur invité par le gouvernement britannique à enseigner la philosophie et la littérature française à Oxford ainsi que l’étude comparative des philosophies occidentale et islamique. C’est sûr que cela dérange...
Il milite pour les droits de la femme musulmane, son autonomie, sa liberté d’agir, ses droits fondamentaux surtout dans les pays majoritairement musulmans, là où les chefs d’États occidentaux sont passés maîtres dans l’art de l’hypocrisie, afin de préserver leurs intérêts. C’est sûr que cela dérange...
Il dit non à la lapidation, non à la peine de mort, non à l’excision, non aux châtiments corporels... le seul au monde à réclamer un moratoire dans les pays où ces pratiques existent, afin d’ouvrir le débat pour les interdire. C’est sûr que cela dérange...
Il dénonce le double discours de Nicolas Sarkozy quand celui-ci s’adresse aux musulmans : "Je suis avec vous" et ailleurs : "c’est pour mieux les contrôler". C’est sûr que cela dérange...
Il milite pour les droits des Palestiniens en dénonçant ceux qui dans le monde occidental soutiennent la dictature sioniste. C’est sûr que cela dérange...
Il dénonce les manipulations politiques et médiatiques dont sont victimes les citoyens conditionnés par la société de surconsommation (il suffit de voir les bas mensonges de certaines presses ainsi que de certains “courrier des lecteurs” mal informés). C’est sûr que cela dérange...
Il dit oui à la laïcité, oui aux droits de l’Homme, oui à la démocratie... et il milite pour leur application au quotidien... c’est sûr que cela dérange...
Il dit non aux discriminations, non à toutes formes de violence. Il appelle au respect, à la justice, à l’égalité, à la dignité, à la connaissance de soi, à l’amour... c’est sûr que cela dérange...
Effectivement, Tariq Ramadan dérange... et cela se comprend pour tous ceux qui vivent un véritable mal être intérieur...

Farouck Issop,
Réunionnais de culture, Indien de mémoire, Français de nationalité, musulman de confession religieuse


La vie est mortelle... Mais que fait le gouvernement ?

La vie est mortelle. En naissant, chacun prend le risque de mourir, un risque pour le moment incontournable, en attendant les prochaines étapes de l’évolution pour ceux qui ont lu les particules élémentaires. Inspiré par certains vols d’hélicoptères en chasse au dessus d’un volcan, je me demande quand-même si cet état des choses est bien acceptable, et si c’est bien raisonnable de laisser les gens s’engager dans la vie, avec tous ces risques y compris le risque ultime. Mais que fait le gouvernement ? Que font nos institutions ? Que fait le législateur ?
Chaque année, des centaines de Français entreprennent l’ascension de l’Himalaya. Un sur 10 en moyenne n’en revient jamais. Lors de la visite médicale préalable, les candidats aux grands sommets sont prévenus du risque. Prévenus, oui, mais surtout pas empêchés de courir ce risque si tel est leur libre choix.
Pour en revenir au volcan, le rôle des forces de l’ordre ne serait-il pas de prévenir, d’informer des risques, mais en aucun cas d’interdire. Sinon, nous courons tout droit vers un risque à terme bien plus grand, celui d’élever une génération de veaux, comme aurait dit le Général.
Mi souviens d’un temps longtemps, il y a une trentaine d’années, où quand il y avait une éruption, la première chose que faisaient les autorités c’était d’envoyer une équipe de l’ONF avec des pots de peinture blanche pour baliser l’accès au site de l’éruption, tandis qu’en haut du Pas de Bellecombe, les gendarmes s’installaient pour vérifier que les amoureux du volcan avaient de bonnes chaussures et qu’ils emportaient des bouteilles d’eau en quantité suffisante...

Guy Pignolet


Vœux de bonheur

Tous les vœux qu’on formule régulièrement chaque année pour répondre à la tradition portent en premier sur le bonheur. Qui, en effet, n’aurait pas envie de le souhaiter au plus grand nombre possible, même, et pourquoi pas, à son pire ennemi ? Le bonheur, dont on rêve pour soi-même et qu’on voudrait naturellement partager avec les autres. Puisque, de toute façon, cela n’engage en rien.
La saison des vœux est un agréable moment à passer, mais qui s’écoule hélas ! un peu trop vite ! Et puis le bonheur, n’est-il pas devenu dans notre société, un objet de consommation, à la portée de tous, sauf, - mais il faut éviter d’en parler, - surtout en cette période de fêtes, - sauf à la portée de ces millions et millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’ont pas un euro par jour pour vivre, dans un monde où le système mis en place sous le nom de “globalisation” fait tant de laissés pour compte ?
Le bonheur, chacun pense qu’il peut aisément le trouver sur le marché.
Il n’y a qu’à sortir son porte-monnaie, son carnet de chèques ou sa carte de crédit. Mais tel n’est pas l’avis du philosophe et poète Alain, qui, voilà bientôt un siècle, nous mettait déjà en garde contre un bonheur trop facile et conquis à peu de frais :
"Dès qu’un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver, et il n’y a pas de mystère là-dedans. Le bonheur n’est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter ; si vous l’avez bien regardé, il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur n’est bonheur que quand vous le tenez ; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n’aura l’aspect du bonheur.
En somme, on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il faut l’avoir maintenant. Quand il paraît être dans l’avenir, songez-y bien, c’est que vous l’avez déjà. Espérer c’est être heureux. (...) Le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l’ont pas cherchée".
(Alain).

Georges Benne


“King Kong III”

Le dernier “King Kong” aurait coûté 207 millions de dollars états-uniens, sans compter les frais publicitaires (aux dimensions du colosse, sûrement). Il a été produit malgré que le classique de 1933 se regarde toujours avec plaisir et qu’un bon remake a été fait déjà en 1976 (et les deux ont eu des suites). On comprend Peter Jackson, le réalisateur, de s’être investi dans “Le Seigneur des anneaux”, car la grande adaptation restait à faire, mais là on ne suit pas (c’est certes moins pire que Gus Van Sant refaisant à l’identique “Psycho”, d’Alfred Hitchcock, mais c’est de la même eau).
Il y a tellement de terra incognita à fouler encore, pourquoi revenir sur des îles déjà connues ? Imaginez tous les films originaux (comme “Créatures célestes”, l’un des premiers films de Jackson) qui auraient pu être tournés en remplacement.
La meilleure chose qui pourrait arriver à “King Kong” c’est qu’il ne fasse pas ses frais. Voilà qui serait une bonne leçon pour les majors. Et si Jackson se cherche un nouveau sujet, j’en propose un sur mesure pour lui : “L’Homme dans le labyrinthe”, de Robert Silverberg.

Sylvio Le Blanc


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