Le courrier des lecteurs du 06 octobre 2005

6 octobre 2005

Le combat “laïque” de Monsieur Sarkozy

Pendant le court séjour qu’il vient d’effectuer à La Réunion dans le cadre de la Semaine du centenaire de la laïcité, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a tenu des propos qui me conduisent à faire de brèves observations qui ne portent que sur ses déclarations relatives à l’Islam et au parti communiste.

M. Sarkozy soutient qu’il s’est "battu" pour la mise sur pied du Conseil français du culte musulman (CFCM). Cette affirmation ne me paraît pas correspondre à la réalité pour la simple raison que :

- C’est Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin qui, soucieux d’avoir comme interlocuteur des représentants incontestés de l’Islam, conseilla le 29 octobre 1999 aux musulmans de France de constituer une organisation représentative de leur culte.

- C’est Daniel Vaillant, le successeur de J.P. Chevènement au ministère de l’Intérieur qui, au terme de larges et fructueux entretiens avec les musulmans, obtint de ces derniers la signature, le 3 juillet 2001, d’un "accord-cadre en 12 points pour le Conseil français du culte musulman".

- Le rôle de Nicolas Sarkozy s’est limité - à ma connaissance - à l’organisation de l’élection au CFCM le 19 juin 2005. Si son "combat" a consisté à intervenir dans la composition des listes de candidats, il est, me semble-t-il, sorti de son rôle.
Dans son discours prononcé le 29 septembre à Saint-Denis, M. Sarkozy a par ailleurs exprimé fortement le souhait que les imams exerçant en France ne soient plus des étrangers. Dans le climat d’islamophobie actuel, un tel souhait qui s’apparente à un ordre est pour le moins choquant. Ce, d’autant que la mission du représentant d’une République laïque est d’intégrer et non d’exclure. On peut raisonnablement penser que le propos du ministre d’État aurait été différent, s’il ne s’adressait qu’à des ministres de cultes autres que l’Islam.
Quittant le terrain religieux pour le terrain politique, Nicolas Sarkozy a déclaré : "La Réunion ne peut quand même pas être représenté par un parti communiste, fût-il réunionnais. Est-ce que l’esprit de tolérance de La Réunion peut aller avec l’esprit de communiste" ? Un tel propos au cours d’une grande fête de la laïcité - fête de la fraternité et de la concorde - ne peut que surprendre.
Le président de l’UMP devrait savoir que sans les communistes, le mot "laïque" n’aurait pas figuré dans la Constitution de 1946 et par voie de conséquence dans la Constitution d’octobre 1958, toujours en vigueur actuellement. Rappelons que le 21 août 1946, les députés communistes se sont "battus" lors d’une séance de la commission de la Constitution, pour que la République française soit déclarée "laïque".

M. Sarkozy ne devrait pas ignorer également que l’un de ses anciens amis politiques, Michel Debré co-fondateur de l’Union pour la nouvelle République (UNR) - l’ancêtre de l’UMP qu’il dirige aujourd’hui - s’est employé au cours des décennies 1960 à 1970 à priver ses adversaires politiques de tout mandat électif à La Réunion, en déclarant à la presse : "on ne discute pas avec les communistes ; on les combat".

Les opposants à la politique de Debré ont effectivement été dépouillés de tous leurs droits. Certains d’entre eux ont été victimes de l’odieuse ordonnance du 15 octobre 1960 que des juristes ont comparé à de véritables lettres de cachet.
Résultats : après avoir chassé les communistes réunionnais de toutes les assemblées élues, Michel Debré est entré en conflit avec ses propres amis qui lui ont infligé une dure humiliation à l’élection présidentielle du 26 avril 1981 avant de l’éliminer définitivement de la scène politique aux législatives du 5 juin 1988.
Voilà des faits qui devraient inciter le président de l’UMP à faire preuve de moins de sectarisme et d’agressivité.

M. Sarkozy oublie sans doute que la laïcité signifie la suppression de toutes les discriminations et la mise en œuvre des droits proclamés par la Révolution française. Droits remis systématiquement en cause par le gouvernement auquel appartient l’actuel ministre de l’Intérieur.
C’est le centenaire de cette laïcité que tous les démocrates de La Réunion fêteront dans l’unité jusqu’à la fin de l’année 2005 et singulièrement le 9 décembre prochain, date anniversaire du vote de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Ils montreront ainsi leur détermination à défendre les valeurs que sont la liberté, l’égalité et la fraternité.

Eugène Rousse


La laïcité comme espace critique

La laïcité n’est pas plus anti-religieuse, qu’elle n’est anti-athée ou anti-agnostique. Respectueuse de toutes les options spirituelles (divers croyants, athées et agnostiques), elle assure à tous les citoyens qui adoptent une option spirituelle une stricte égalité de droit et de devoirs, tout en mettant en avant ce qui est commun à tous les hommes.
Certes, si les menaces les plus sérieuses que connaît la laïcité aujourd’hui ne sont pas d’ordre religieux - c’est la montée des discours et des pratiques d’exclusion - elle est néanmoins exposée à la poussée à toutes les intolérances, y compris religieuses.

L’ambiguïté fondamentale du religieux

En visant la recherche d’un absolu, toute religion porte en elle une propension à l’intolérance. Elle est en danger permanent d’absolutiser ses propres convictions. De ce fait, elle supporte difficilement que celles-ci soient remises en cause. "C’est du fond même d’une conviction forte qu’il y a le péril de la violence", déclare Paul Ricoeur.
Dans son essence, la religion, c’est le lien à l’Autre, aux autres. Dans les grandes traditions religieuses, c’est l’alliance, le lien à une Parole qui me précède et qui m’ouvre à la relation... dynamique d’ouverture. Mais cette ouverture est toujours en péril - nous touchons ici à l’ambiguïté du religieux - de se refermer. Et, c’est l’exclusion de l’autre, la condamnation, la guerre. Le langage religieux devient alors un langage qui enferme, qui tue.

Fonction critique de la laïcité

Il convient donc de mettre le langage religieux à l’épreuve de la pensée critique. C’est là qu’intervient la laïcité, entendue comme l’exercice de la raison, comme liberté de pensée avec le maximum de rigueur intellectuelle et morale. La laïcité est le refus de tout discours établi qui refuserait la mise en débat. "La conquête qu’elle a historiquement représentée sur les tentatives de domination cléricale, chaque être humain, chaque citoyen doit l’effectuer à son tour", écrit Jean Baubérot. Car, ajoute-il, en chacun de nous sommeil, "toujours prêt à s’éveiller" un petit monarque.
Le dialogue interreligieux n’est-il pas capable d’assumer ce rôle ? Le dialogue interreligieux représente un immense progrès. Mais, il court le risque d’aboutir à une impasse, si on continue d’échanger que des formules de politesse et, surtout, s’il ne s’ouvre pas sur un même espace critique - et à un travail en faveur des exclus, diront certains. La “guerre des dieux” s’efface devant la confrontation des idées, si le langage particulier de chaque foi se soumet à la pensée critique.
D’où l’importance de la laïcité, du débat critique, pour faire avancer ensemble croyants, athées, et agnostiques vers "des convictions partagées qui fondent une sagesse et une transcendance ouvrant à l’universel" (Jean-marie Muller).
Bref, il importe de mettre toute conviction forte à l’épreuve de la critique, et ressaisir aussi - pour ne pas verser dans le relativisme ou le scepticisme -, au travers de la critique, des noyaux de conviction.

Reynolds Michel


Décès de Madame Marie-France Dijoux

Condoléances de Maurice Gironcel

Voici un message de Maurice Gironcel, envoyé hier à la rédaction, faisant suite au décès de Marie-France Dijoux.

C’est avec tristesse que j’ai appris le décès de Madame Marie-France Dijoux, née le 13 mai 1906 à Sainte-Suzanne. Elle nous a quitté à l’âge de 99 ans. En octobre 2004, j’ai eu l’occasion de remettre à Madame Dijoux la médaille de la Citoyenneté d’honneur de la Ville. Elle avait souhaité en effet retrouver à 98 ans la commune de sa naissance où la municipalité lui avait rendu un grand hommage. Marie-France Dijoux avait publié un livre “d’hier et d’aujourd’hui” publié par le GRAHTER qui retraçait sa vie. Marie-France Dijoux était une femme exceptionnelle, une résistante, une véritable mémoire vivante.
En mon nom personnel et au nom de la municipalité de Sainte-Suzanne, j’adresse mes condoléances à toute la famille de Madame Dijoux ainsi qu’au GRATHER Sainte-Suzanne et La Réunion vient de perdre un grand personnage, une grande réunionnaise.

Maurice Gironcel
Maire - Conseiller général de Sainte-Suzanne.


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Messages

  • Bonjour,
    Nous voudrions ma famille et moi présenter toutes nos condoléances à la Famille de Mme.DEBRE pour le malheur qui vient de la frappée.
    Gilbert VELON


Témoignages - 80e année


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