Le courrier des lecteurs du 07 juillet 2005

7 juillet 2005

(page 10)

Des enfants réunionnais passionnés de voile au Pays Basque

C’est à Saint-Jean de Luz que le National Optimist 2005 a été organisé. La compétition a commencé le 2 juillet après un défilé haut en couleurs dans la ville. Toutes les régions de France et d’ailleurs pratiquant les sports nautiques (Optimist) étaient représentées, et la délégation réunionnaise a su donner de la voix aux côtés de nos amis tahitiens.
Dès l’arrivée de nos champions le 30 juin dernier, ils ont réceptionné leurs bateaux et gréements. Leur joie fut grande de constater que du matériel neuf et d’un excellent niveau avait été mis à leur disposition (contre espèces sonnantes et trébuchantes).
Le samedi suivant, les formalités d’inscription et de jauge des bateaux étaient organisées, la première manche d’entraînement ne commençant que le lendemain dimanche. Ce jour-là, le vent était au rendez-vous et les résultats ne se firent pas attendre. Nos jeunes espoirs trépignaient d’impatience de pouvoir se mesurer avec les meilleurs et c’est sans aucun complexe qu’ils abordèrent les premières manches des épreuves. En benjamins, Charles Berro et Maël Clergue, respectivement premier et troisième du championnat de La Réunion dans leur catégorie, se classèrent respectivement premier et vingt-deuxième sur un total de 128 participants. Antoine Gérard, malade ce jour-là, ne fut pas classé et nous espérons tous qu’il pourra reprendre la compétition rapidement.
Nos jeunes skippeurs benjamins et minimes défendent avec brio les couleurs de notre île.
Nous sommes tous très fiers de ces jeunes qui représentent dignement l’Île de La Réunion. Toute l’équipe d’accompagnateurs ainsi que les entraîneurs - Sébastien, du Club Nautique de Saint-Paul, et Éric, du Club Nautique de Bourbon - supervisent les opérations avec professionnalisme.
Il reste encore deux jours de compétition et il ne nous reste plus qu’à espérer que les résultats obtenus jusqu’à maintenant puissent se confirmer et montrer à l’ensemble des Réunionnais que nos jeunes savent, lors de compétitions internationales, porter fièrement les couleurs de notre île.

B. C.
Le Port


Un manque d’artisans réunionnais au Salon Fait-Main

J’ai été au “Salon Fait-Main” qui s’est déroulé ce week-end à Saint-Denis et qui selon la presse locale a connu cette année encore un grand succès.
Ceci étant, celles et ceux qui y ont été ont certainement comme moi constaté la forte absence d’exposants réunionnais à cette manifestation. 382 exposants y étaient présents selon l’organisatrice du salon.
Loin de moi l’idée du vouloir exprimer ici un quelconque sentiment anti-zoreils ; la question n’est pas non plus de chercher qui sont Réunionnais, qui ne le sont pas. C’est un constat et des milliers de visiteurs en ont été témoins. Comme moi sans doute, ils doivent se poser la question :
pourquoi ?
Cette question, je me la pose d’autant plus que l’artisanat reste un secteur créateur d’emplois et qu’il existe à La Réunion de nombreux organismes, publics ou privés, de formation aux métiers de l’artisanat.
Pourrait-on demain concevoir un festival de musiques réunionnaises sans nos artistes locaux ? ou encore un salon de la gastronomie d’un bon rougail saucisses, d’un carri de langue ou d’un cabri massalé ?
Sincèrement, non. Aussi, il doit en être de même pour l’artisanat et divers autres domaines. Certes ce problème n’est pas né ce week-end, mais il a atteint aujourd’hui un niveau tel qu’il nous interpelle tous, tant ceux qui ont la maîtrise du secteur de l’artisanat à La Réunion, comme notamment nos politiques qui ont en charge le développement et l’avenir de notre pays.
Comment pouvons-nous espérer promouvoir le développement de La Réunion sans la participation des Réunionnais eux-mêmes ?

Paul Dennemont,
Saint-André


Non à la pub à l’école !

De plus en plus jeunes, les enfants s’exhibent en vêtements de marque, quitte à débourser ou faire débourser des centaines d’euros. Les collèges et lycées se transforment en parade pour les marques. Les multinationales envahissent l’école à grand coup de kit pédagogique ou d’éducation à la consommation. C’est que les enfants et adolescents doivent apprendre très tôt à être de parfaits petits consommateurs. Les jeunes rejetés par l’économie des multinationales adorent leurs bourreaux dont ils portent l’emblème sur leurs vêtements. La perversité de cette réussite aurait fait rêver plus d’un dictateur. "C’est un engrenage, on est obligés de consommer pour être acceptés par nos amis. Il y en a, on se moque d’eux parce qu’ils sont pas bien habillés, ils sont moches, ils ont des vêtements bizarres, pas beaux, pas marqués quoi". Les marques triomphent : les adolescents, qu’ils soient issus de familles pauvres ou aisées se ruent sur les produits marqués. Cet étiquetage de la jeunesse commence de plus en plus tôt, au risque de ruiner les parents les plus pauvres.
"Les marques commerciales" sont le symbole et le vecteur d’une soumission au marché mondial. Elles véhiculent des valeurs et des comportements fondés sur une logique de l’"avoir" et du "paraître" contraire à la primauté de l’"être" que tout enseignant devrait tendre à développer. Comment le maître pourrait-il aider l’élève à acquérir son autonomie, lui faire aimer le savoir et le processus-même de son acquisition si son autorité est sans cesse concurrencée par le pouvoir de l’argent et la logique de consommation ? Comment l’école pourrait-elle assumer sa mission de transformer des enfants en citoyens matures et responsables si elle accepte de participer à leur gavage par une monoculture de la consommation que déversent déjà les publicités et la télévision ?
L’invasion publicitaire concerne aussi bien les écoles maternelles que les lycées : Nestlé fait la pub de son chocolat en poudre Nesquick et de ses céréales sous prétexte de présenter un petit déjeuner équilibré, Kellog’s et Danone multiplient les opérations dans les écoles maternelles, Colgate-Signal est devenue la championne de l’éducation à la santé, Tampax distribue des dizaines de milliers de tampons dans le cadre d’un programme éducatif concernant les "premières règles", Danone, encore elle, a conçu un coffret pédagogique "alimentation plaisir". McDonald’s propose son kit sur l’équilibre alimentaire, Coca-Cola diffuse un dossier "découverte de l’entreprise", Candia instrumentalise les professeurs de biologie pour toucher les enfants de 3ème, Texas Instruments et Casio organisent des stages pour l’utilisation de leurs calculatrices...
Les encarts publicitaires se multiplient également dans les campagnes du Ministère (comme celle contre la violence à l’école en partenariat avec la marque Morgan) ou dans les plaquettes de présentation des établissements. Que dire des journaux gratuits truffés de pub déposés dans les écoles (et dans les boîtes aux lettres avec la participation de La Poste) ? Parce qu’il faut bien anesthésier nos consciences afin de faire de nous de parfaits consommateurs : "l’infini c’est bientôt fini", nous dit une pub... étrange paradoxe n’est-ce pas ?
L’introduction de la pub à l’école est ressentie par de nombreux acteurs de l’enseignement comme une agression. Par exemple les enseignants du Pas-de-Calais qui obtiennent la suppression de la diffusion en continu dans leur collège d’une radio commerciale et de ses "éducatives" pages de publicité. C’est un principal de collège à Saint-Denis (93) qui non seulement a bouté les distributeurs de son collège mais fait la chasse aux vêtements de marque. Ce sont ces instituteurs qui demandent à leurs élèves de couvrir tous les logos de leurs vêtements (je ne fais pas allusion ici au problème du “foulard”, on le sait tous : l’intérêt économique est un formidable producteur de silence politique) ou des objets éducatifs. Méfions-nous, en revanche, des projets d’éducation à la consommation dont rêvent tout haut publicitaires et pouvoirs publics. On y parle de la nécessité d’inculquer aux enfants une bonne connaissance des mécanismes de crédit, d’en faire de bons consommateurs mais aussi de leur apprendre à distinguer les produits authentiques des contrefaçons, de leur enseigner que leur détention est un délit. Qui veut-on protéger : les enfants ou les marchands ?
L’introduction des marques à l’école se fait dans le cadre d’un système scolaire et d’une société profondément inégalitaire. Les “moins aisés” fournissent la preuve du caractère dangereux des politiques menées au nom de la mondialisation puisqu’elles sont depuis plus de vingt ans un laboratoire d’expérimentation des politiques néo-libérales : introduction de la précarité avant sa généralisation au reste de la société, casse des structures collectives, démantèlement progressif des services publics, décervelage par la télévision et la radio “locale”, omniprésence de la publicité, dépolitisation massive et abstention électorale, idéologie "sportive" utilisée comme opium du peuple, racket des grandes marques, dictature des logos...
Résister aux marques est dans ce contexte très difficile. "On a été attaqués mentalement par les marques. On sait très bien qu’on se fait exploités, manipulés, mais c’est fini, c’est comme ça. Il y a plus rien à espérer de moi, moi c’est Lacoste et c’est Nike, et mes enfants ce sera pareil. Dès qu’il va naître, je vais l’incendier de marques". Passé le temps de la conquête, sonne l’heure du contrôle des esprits : et on domine d’autant mieux que le dominé en demeure inconscient. Car, sur le long terme, pour tout empire désirant durer, le grand enjeu consiste à domestiquer les consciences, à les rendre dociles, puis à les asservir. "Qui ne sait que les loups doucereux de tous les loups sont les plus dangereux". (Charles Perrault)
La culture (spirituelle et rationnelle) seul rempart contre cette idéologie de la consommation est remplacée par la logique de l’entreprise. La crétinisation des masses constitue avec la marchandisation de l’enseignement les deux faces de la mondialisation en cours. L’introduction des marques dans l’enceinte de l’école ne la menace pas simplement marginalement car elle accentue la casse de toutes les valeurs et comportements antérieurs à l’ultralibéralisme. Seule la mise à distance de l’école des pratiques sociales liées à l’extension du marché lui permettra de remplir sa fonction légitime : cette école que nous voulons instituer l’enfant en élève et non en bon petit consommateur.

Farouk Issop


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