Appel à la réflexion et à l’union

À un moment où la communauté tamoule de notre île est particulièrement endeuillée par la perte successive de plusieurs de ses fils influents, il m’apparaît important face à ces multitudes souvent désorientées, de rappeler à tous les grandes avancées réalisées sous leur impulsion dans un juste souci du devoir de mémoire que nous leur devons. Je voudrais particulièrement ici saluer la mémoire de mon ami Jean Kichenin qui a entre autres présidé aux destinées de l’influent temple Siva-Soupramanien de Saint André au cours de ces 30 dernières années.

À cette lueur il faudra nous efforcer avec beaucoup d’authenticité et d’humilité, de nous restituer dans leur logique, de nous imprégner de leurs attentes et d’intégrer leurs passions et nobles idéaux afin d’en extraire les orientations les plus sages et les plus consensuelles à adapter à l’avenir .

Nous sommes au milieu des années 60, un vent dévastateur d’assimilation extrême, sans précédent, de prosélytisme et d’aliénation s’abat sur notre communauté. Cet ouragan fut si puissant que même les temples les plus rayonnants par le nombre et le dévouement de leurs fidèles commencèrent à désemplir. Les rituels s’étaient alors retirés des temples pour se réfugier discrètement dans les fonds de cours et se pratiquaient lorsque les autres âmes dormaient : une véritable culture de la nuit réapparut.

Dans ce contexte de désolation et de déculturation, un groupe de jeunes refusant cette fatale involution décidèrent de s’unir afin d’œuvrer sans relâche à travers toute l’îIe dans les temples, auprès des familles et des autres jeunes pour un enracinement nouveau dans nos valeurs ancestrales, identitaires, tout en nous ouvrant au monde...

La première association culturelle communautaire vit le jour, un 13 avril 1968, Nouvel An tamoul, sous le nom de “Club tamoul de La Réunion”. Elle démultiplia ses activités afin d’être en contact avec un maximum de jeunes et de familles (mythologie hindoue, langue tamoule, yoga, musique, danse, chants, théâtre, disciplines scolaires classiques, sports : athlétisme, football, hand-ball féminin, pétanque).

En réinvestissant les temples, ces jeunes proposèrent aux dirigeants qui les soutenaient avec enthousiasme un nouveau mode de déroulement des cérémonies intégrant aux prières (Mantras), chants religieux de leurs chorales (Bhajans), ainsi qu’une présentation en français du rituel. Les résultats positifs furent immédiats et les structures religieuses retrouvèrent progressivement leur âge d’or .

1971, afin d’être plus crédibles et mieux pris en considération par les principales institutions de l’île, la nécessité de structurer les diverses Associations en un unique Consortium devenait urgent et indispensable.
Ainsi, à l’initiative du Club Tamoul, avec le soutien actif de plusieurs temples et associations culturelles, prit naissance à Saint-André la première Fédération des Associations Religieuses Hindoues et Culturelles Tamoules de La Réunion (F.A.R.H.C.T.R).
Première Intégration des religieux et des culturels, elle connut 2 présidents :

- M. Moutoucomorapoullé Marcel,

- M. Vayaboury Vadivel,

- M. Kishenin Jean en était le secrétaire.

1976, Monsieur V. Vayaboury conduit la première délégation religieuse et culturelle tamoule reçue par le représentant de l’Autorité gouvernementale dans l’île : M. le préfet Lami.

C’est à partir de cette étape décisive que l’entrée des Swamis (officiants hindous), des professeurs de yoga, de langue, d’arts classiques indiens fut facilitée. Le respect des interdits alimentaires religieux dans les services publics renforcé. La possibilité pour les agents des administrations d’être en congé pour le jour de l’An tamoul. Nous évoquions également la question de l’incinération, celle d’une émission religieuse hebdomadaire à la radio et à la télé, l’assouplissement des tarifs douaniers pour les objets nécessaires au culte...

Cette structure qui est devenue la Fédération, mena de nombreuses activités pour soutenir, accompagner, consolider les groupements religieux et culturels les plus fragiles. Sa revue trimestrielle “SAKTHL” puis son mensuel “PRESENCE” connurent une bonne audience.

La longue convalescence du président M. Vayaboury, contribua à l’enlisement de la Fédération. Refusant cette seconde négative fatalité, Jean Kishenin, militant et fédérateur, prit alors son bâton de pèlerin et entreprit un tour de l’îIe de tous les responsables associatifs. La réunion qui suivit à Saint-Paul fut un réel succès avec plus de 200 personnes. C’est alors que beaucoup d’incompréhensions apparurent et peut-être de notre part, une volonté émoussée d’établir un dialogue profond et sincère avec lui. Sans aucun commentaire, il décida de se retirer de cet ensemble.
L’USKIR, cet autre consortium associatif, vit alors le jour, il en fut le vice-président. Tamij Sangam et d’autres associations ont poursuivi chacune de leur côté leurs activités traditionnelles. Toutes ces associations ont œuvré afin de contribuer à l’épanouissement et à l’enrichissement culturels et spirituels de notre communauté.

Avec nos regrets de n’avoir pu à ce jour nous retrouver un parmi tous comme dans les grandes heures de réussite de la Fédération.

Résolu cependant à surmonter avec force et détermination les insignifiances des malentendus volontaires ou autres. Décidé à bannir toute tentative de “chiisme” et à retrouver à partir d’une synthèse saine, s’inscrivant dans la Tolérance et le Respect de chacun, une seule et même grande Fédération qui parlera d’une seule et même voix, répondant en cela aux réels attentes et espoirs de notre Communauté toute entière.

Depuis 3 ans, un Conseil d’administration présidé par Marc Cadivel, secondé par le secrétaire général Daniel Miniempoullé et le trésorier Alain Mardaye, a en charge la Fédération. Ils ont fait un bon travail. Mais après 3 années, le président M. Cadivel a annoncé son désir de ne plus présider la Fédération. Nous aurons donc très bientôt à nous réunir afin d’élire un nouveau Conseil d’administration.

Parmi nos fidèles, nous avons des personnes compétentes dans tous les domaines : culturel, cultuel, social, sportif, économique, coopératif, linguistique, échanges, etc... Aussi, la nouvelle Fédération devrait pouvoir regrouper en son sein toutes ces compétences. Pour cela, la Direction devrait être collégiale, les tâches seraient réparties selon les compétences et les affinités de chacun. À charge pour le ou les responsables de cette future “commission” de regrouper et de rassembler (commission culturelle, sportive, etc. ), de réfléchir et de proposer, afin de ne pas laisser de savoir-faire à l’extérieur, car nous avons un trop grand gaspillage de compétences et d’énergie à La Réunion. Enfin, n’oublions pas que notre identité Malbar est inscrite avant tout dans notre identité réunionnaise donc française. En faisant le point sur nos revendications et nos problèmes, ne perdons jamais à l’esprit que nous sommes français et continuons à cultiver notre richesse identitaire et culturelle.

En ce début de 3ème millénaire, il est temps de parler d’une seule et même voix afin de mieux se faire entendre. Aujourd’hui je lance donc un appel solennel à tous les courants, à tous les responsables et acteurs de la vie spirituelle et culturelle de notre Communauté, avant le renouvellement prochain du Conseil d’administration et du Bureau de la Fédération afin que tous ensemble nous bâtissions cette nouvelle future maison de la Communauté qui sera celle de Tous.

Ramin Vinglassamy Julien,
président de l’association Maha Badra Karli