Le courrier des lecteurs du 07 septembre 2005

8 septembre 2005

La crise du logement : une situation exsangue outre-mer

Les incendies de Paris. Ses enfants et leurs parents morts par intoxication ou tout simplement brûlés. Ses personnes perdant un frère, une sœur, une mère ou plus durement se retrouvant seules, parce qu’elles ont tout perdu.
Les incendies de Paris et les conditions de vie de dizaines de personnes. Insalubrité, non-conformité des installations, absence d’aération, logements trop petits... C’est dur à voir. Mais c’est hélas la réalité de milliers de familles en France et... Outre-mer... à La Réunion plus particulièrement. À La Réunion plus singulièrement ou la crise est à son apogée. Elle est à son apogée car le besoin en logements est important. Tellement important qu’il n’y a plus de logements. On estime le besoin à 25.000 logements pour répondre à la demande actuelle. Et La Réunion ne construit plus de logements sociaux. Pourquoi ? Les difficultés se déclinent : les difficultés financières des communes, le problème de l’assainissement, le prix et la rareté du foncier, les effets pervers de la défiscalisation, les promoteurs boudant le logement social, le prix des matériaux de construction (fer, le ciment,...), la LBU en baisse, et tant d’autres problèmes.
Alors que faire si le diagnostic est connu de tous ? Peut-être faut-il reconsidérer la solidarité nationale ? Peut-être faut-il penser à une solidarité interne ? Peut-être faut-il lier les problèmes et trouver une solution globale de développement (et donc du développement du logement). Sans nul doute que la situation réunionnaise est grave concernant le logement. Mais nous devons être plus forts. Il nous faut avoir une vraie volonté politique pour faire valoir notre particularité et parvenir à sortir de cette crise. Le temps presse. N’attendons pas plus longtemps car personne ne peut comprendre la détresse de ses milliers demandeurs de logements. Parmi eux, des enfants, leurs frères et sœurs, des mères et pères de famille. N’attendons pas qu’un drame humain (un de plus) ne survienne ! La Réunion a besoin de logements !

Éric Fruteau


La langue de l’esclave et du colonisé

Combien de fois n’ai-je pas entendu : "Le créole, ce n’est pas une langue, c’est un patois." ? Et le mot dans leurs bouches avait toujours une connotation péjorative car le patois était, et reste encore pour certains, le signe d’une inculture ou d’une culture au rabais, inférieure de toute façon à la culture officielle venue de l’extérieur. Pour Margie Sudre, qui fut ministre de la francophonie, ce n’est à la rigueur qu’un "patois éminemment sympathique". Mais sympathique ou non, le patois reste pour elle un patois.
En y réfléchissant, une question vient tout naturellement à l’esprit : toutes les langues ne sont-elles pas de fait des patois ? Jacques Lougnon, ancien professeur de latin dans l’ex-lycée Leconte de Lisle avait lancé cette affirmation : "Le français, mais c’est du patois latin déformé, - cabossé, aurait-il même ajouté - cabossé par de rudes gosiers gaulois." On imagine ici la tête de ses élèves, surtout à l’époque de l’entre deux guerres, plus habitués aux discours traditionnels à relents de colonialisme, comme celui de son collègue Raphaël Barquisseau qui, lui, n’hésitait pas à les mettre en garde contre l’usage de leur propre langue maternelle : "Ne faites pas du patois créole votre langue habituelle : né de l’esclavage, il en garde la trace ; il corrompt l’esprit de ceux qui veulent, qui doivent être l’élite. Bon pour le conte, il dégrade une conversation. Souvenez-vous, là comme ailleurs, que le vrai créole est avant tout français".
Aujourd’hui, nous dit-on, les choses auraient bien changé. Et c’est “Le Quotidien” de La Réunion, du lundi 29 août 2005 qui nous rassure : "Langue, dialecte ou patois ? Tout le monde aujourd’hui semble d’accord pour dire que le créole est bien une langue." Mais rien n’est moins sûr : les linguistes ont beau s’évertuer à nous répéter sur tous les tons ce que l’inspectrice pédagogique régionale, chargée du dossier de l’enseignement des langues régionales à La Réunion, Évelyne Pouzalgues, nous énonce tranquillement : "Il y a langue à partir du moment où les locuteurs considèrent que c’est un moyen de reconnaissance entre eux.", le préjugé n’en demeure pas moins aussi vivace. Même si, pour sa démonstration, elle fait le rapprochement du créole avec le japonais : "Le créole a des fonctionnements propres. Un seul exemple : la conjugaison. En français, nous disons "je mange, tu manges, il mange, nous mangeons... avec des terminaisons qui servent à montrer la personne. C’est un héritage du latin. En créole, la conjugaison est invariable, ce qui constitue une règle différente du français. Le japonais, qui est bien une langue, fonctionne de la même façon". Même si sa conclusion : "puisque le créole est vécu psychologiquement et socialement comme une langue, c’est une langue et pas une simple déformation du français" nous paraît tout à fait logique et irréfutable.
C’est pourquoi, au-delà de ce débat qui risque de tourner à une affaire de spécialistes, il faut aller directement à la racine pour dénoncer le pouvoir qui cherche en permanence à dévaloriser le créole en stricte application de l’adage "diviser pour régner". Le pouvoir, qui ne cesse d’être esclavagiste au sens fort pour se faire colonialiste. Car pour le colonisateur, toute langue d’un pays occupé est ravalée au rang de patois. Et ne pas reconnaître le créole comme langue revient au fond à légitimer l’esclavage et la colonisation.

Georges Benne


EDF avec ses 90 euros

Le chef de pôle client et commercial d’EDF déclare : "Le client doit manifester sa volonté d’être aidé". Sans rire. Sic, le grand chef applique à la lettre les consignes données. Il doit être sans cœur et sans reproche. Il oublie que lorsqu’on a des enfants en bas âge, des difficultés à joindre les deux bouts... les deux bras vous tombent, l’espérance s’éteint, on vit dans la misère. On garde une certaine fierté, déplacée, dira-t-on. Fierté quand-même. Autour de soi s’élève le mur de l’indifférence. Aucun moyen de se déplacer... Alors, M. le chef du pôle client et commercial d’EDF, il faut venir vous voir pour 90 euros. Vous supplier “à genoux” de ne pas couper l’électricité ? Non, elle n’a pas eu le temps. Non, elle n’a pas osé. Par une bougie qui traîne dans la maison, une vieille bougie, on s’éclaire la nuit, mais il arrive aussi qu’elle doit être allumée la journée. On connaît la suite : l’incendie.
La famille de Marie-Laure a enterré Cynthia.
Avec des “si”, EDF, vous et moi, on aurait pu éviter le drame... Mais le drame a eu lieu. Alors, qu’on cesse de dire ce qu’il fallait faire ou pas. Que l’égoïsme de chacun d’entre nous laisse la place à la générosité ! Qu’EDF ne considère plus ses clients comme des robots, mais comme des êtres humains qui ont un cœur !

Marc Kichenapanaïdou


Quand momon, papa étaient à Ravine Creuse

Les opérations médiatiques de l’association “Momon, papa lé la” ont eu le mérite de remettre sur le tapis le grave problème de logement à La Réunion, et de placer les pouvoirs publics face à leur responsabilité, sachant que l’accroissement de notre population, la spéculation, la flambée du prix du foncier, et la baisse des crédits de l’État sont autant de facteurs qui n’ont fait qu’aggraver la situation, au fil des ans.
La crise du logement, on en parlait dans les années 70-80, si ce n’est avant. Et bon nombre de nos communes y étaient déjà confrontées. Je me souviens même qu’à cette époque, un autre problème, souvent soulevé, était venu s’y greffer - à savoir celui des critères d’attribution, où le favoritisme et le clientélisme électoral étaient rois. Saint-André était champion en la matière. Des pratiques scandaleuses qui avaient d’ailleurs poussé des familles à réagir.
Pour rappel, nous sommes en 1984 et dans cette commune, elles sont des centaines, dans l’attente d’un toit décent, et depuis très longtemps déjà, pour certaines d’entre elles...
Exaspérées par la discrimination dont elles sont victimes, mais déterminées, nombre d’entre elles décident d’occuper les logements sociaux du lotissement Paquiry, à Ravine Creuse, qui sont en voie d’attribution. La population du quartier est, dans l’ensemble, solidaire. Et les jours s’écoulent plutôt paisiblement pour ces familles... jusqu’à ce que les autorités réagissent.
En effet, sur demande de la mairie, le sous-préfet de Saint-Benoît ordonne l’expulsion des familles. Le quartier est bouclé, les forces de gendarmerie, en grand nombre, et armées jusqu’aux dents, exécutent l’ordre qui leur a été donné. Les familles sont jetées à la rue. Seules quelques une d’entre elles se verront par la suite attribuer un logement dans le lotissement en question.
Cette révolte des familles de Saint-André avait donc permis déjà - il y a de cela plus de 20 ans - de soulever le problème de logement et, par la même occasion, de dénoncer les conditions honteuses d’attribution utilisées par certaines municipalités, et ce, à des fins électoraux.
L’association “Momon, papa lé la” semble reprendre aujourd’hui l’action que ces familles saint-andréennes avaient, auparavant, menée, à moins que je ne me trompe.

Paul Dennemont


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