Le courrier des lecteurs du 11 décembre 2004

11 décembre 2004

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Réspèk lo mor ! Réspèk listwar La Rénion !

Dans l’édition du mardi 7 décembre du “Quotidien”, je lis un bref “La Di...La Fé..” : "Alpha remplace Langenier", autrement dit le Centre culturel de Saint-Pierre perdrait l’appellation Lucet Langenier, se réduisant à l’ancien nom du cinéma “Alpha”.
Presque rien dira-t-on, et pourtant, quel geste lourd de sens ! Cela dépasse la question d’un changement de couleur politique au niveau d’une municipalité et pose celle du respect des morts et de l’histoire de La Réunion.
Allez pleurer ensuite sur la perte de repères, selon la formule consacrée et usée, alors que dans le même temps, on gomme faits et symboles ! Car, lorsque Lucet a été élu maire de Sainte-Suzanne, en 1980, le peuple s’est approprié l’événement en disant partout "Kounta Kinté la rant dann la méri". Identifier le personnage de cet Africain, déporté en Amérique et plusieurs fois parti maron, avec le nouveau maire, un Réunionnais, fils d’un ouvrier du Chemin de fer, descendant d’esclaves africains, malgaches et d’engagés indiens, c’était proclamer que les luttes populaires peuvent renverser un long passé de domination.
Et si ses camarades communistes ont choisi, après sa mort, de donner son nom tout spécialement à un Centre culturel, c’est parce qu’il fut un politique artiste. Habité par l’amour de son pays, de son peuple, il communiait avec tous ceux, d’ici et d’ailleurs, qui chantaient la souffrance, la révolte et l’espoir mêlés : la musique et le théâtre le passionnaient.
À Saint-Pierre, certains semblent préférer la première lettre de l’alphabet grec à l’histoire de La Réunion. Celle-ci serait-elle trop lourde à porter ? Certains morts sont-ils trop présents dans la mémoire ? S’agit-il de couleur politique ou de couleur de peau ? Est-ce le rouge qu’il faut effacer... ou le noir ?

Brigitte Croisier


L’information dé-forme

J’ai failli m’emporter l’autre jour au cours d’une discussion entre amis où l’on abordait une question politique. Je me suis alors souvenu de la mise en garde que me faisaient mes parents dans mon enfance contre “deux sujets qui fâchent” : la politique et la religion. L’expérience nous montre sans arrêt que ce sont pourtant deux sujets comme on dit “incontournables”, tant ils ont un rapport constant avec la vie quotidienne, tant ils soulèvent des problèmes de fond qui nous concernent tous.
Pour ce qui est du premier, l’Histoire comme l’actualité la plus immédiate, nous éclaire assez sur la grande habileté des chefs d’État à asseoir leur autorité - voire à exercer leur tyrannie - en cherchant à éloigner leurs sujets de toute réflexion politique et ce, par n’importe quel moyen, même le plus subtil, jusqu’à utiliser Dieu et la foi. C’est ce que dénonce avec force le père Jean Cardonnel au début de son livre “Dieu, essai sur les pouvoirs” :
"Le fait de prendre Dieu comme point de départ est une sacrée manœuvre politique. J’ai maintes et maintes fois constaté qu’il n’y avait rien d’aussi bassement politique qu’une attitude qui prétendait se tenir en dehors de la politique, tout occupée qu’elle était, cette manœuvre, à des plus hautes et divines raisons... d’État".
La plus grosse difficulté aujourd’hui, devant la masse des informations qui nous tombent sur la tête à une cadence infernale, c’est de pouvoir premièrement faire le tri et savoir replacer chaque fait, si minime qu’on le juge, dans son plus vaste ensemble. Combien faut-il de vigilance pour ne pas se laisser prendre par toutes les manipulations qui nous guettent ? Des spécialistes de l’information, comme Ignacio Ramonet, l’éditorialiste du “Monde diplomatique”, l’auteur entre autres du livre “La Tyrannie de la communication”, ne finiront pas de nous mettre en garde contre le danger d’une véritable entreprise de désinformation menée de main de maître, avec des moyens colossaux, par les grands groupes financiers et industriels.
"Le système informationnel s’est perverti", est-il obligé de reconnaître : "dominé par la télévision, piégé par les apparences, il montre sans comprendre. Et il exclut de fait du champ réel ce qu’il ne montre pas...". Il démonte le mécanisme installé depuis longtemps : "l’articulation du téléviseur, de l’ordinateur et du téléphone (qui) crée une nouvelle machine à communiquer, interactive, fondée sur les performances du traitement numérique".
Mais le plus grand danger vient incontestablement de ces "gigantesques concentrations entre les mastodontes du téléphone, du câble, de l’informatique, de la vidéo et du cinéma". Le tout faisant craindre "la possibilité d’un conditionnement subtil des mentalités à l’échelle de la planète".
Dans ces conditions, une vraie discussion sur les problèmes politiques est-elle encore possible ? Voyez le contraste : jamais on n’a poussé aussi loin les techniques de la communication et en même temps jamais on n’a ressenti une telle impression de vide.
"C’est le règne de la langue de bois", me disait l’autre jour quelqu’un qui avait suivi un débat politique à la télévision et un autre qui revenait d’un stage sur la communication : "J’ai appris et je connais maintenant toutes les manières de communiquer ; il y a une seule chose que je ne sais pas : c’est quoi communiquer".

Georges Benne


Pavé dans la mare !

Les "radios télés Sarkozy" prétendent que la France tombe ! Les dépenses sociales seraient trop élevées. Qu’en est-il exactement ?
En 2002, les dépenses de santé aux États-Unis dépassaient 5.000 dollars par habitant, contre un peu moins de 3.000 dollars en France et en Allemagne, et pour des résultats moins bons ! Au pays du rêve américain, seules les personnes âgées et les plus pauvres, au total 16% de la population reçoivent une aide publique. 8% seulement souscrivent des assurances privées. Quant aux autres, mieux vaut ne pas tomber malade. 45 millions d’Américains ne possèdent aucune couverture en matière de santé ... D’ailleurs, leur espérance de vie est plus courte qu’un Européen. Un Américain a plus de chance de perdre son enfant à la naissance (1)...
Autre éclairage, les États-Unis consacrent 14% de leur PIB (richesses produites par le pays) aux dépenses de santé, contre un peu moins de 9% en France (2). Si comme aux USA nous consacrions 14% de notre PIB au financement de notre sécurité sociale, elle présenterait un excédent de 75 milliards d’euros (soit 14 - 9 = 5% de notre PIB). Et cela en permettant à chacun d’accéder à des soins de qualité.
Ces chiffres montrent l’efficacité de notre système socialisé et les insuffisances du libéralisme et de son système de santé privatisé, que le MEDEF et des politiciens à son service tentent de nous imposer.
En fait, le système de santé américain permet aux milieux financiers, en particulier aux assurances privées, de prélever, de façon parasitaire, des plus values sur les actes médicaux, ceci à pour effet d’augmenter le coût global de la santé ...
Par contre, en France, les milieux financiers (compagnies d’assurances privées, banques) ne peuvent ponctionner de plus values significatives, du moins pas encore, sur la gestion de notre système de santé.
Pour comprendre le fonctionnement du financement de notre sécurité sociale, Il faut savoir que notre salaire est composé de deux parties : un salaire direct versé sur notre compte personnel et d’un salaire indirect ou socialisé (cotisations sociales patronales), qui sert à financer notre santé, notre retraite... Il ne s’agit pas de charité patronale, mais bien de la part salariale qui représente le fruit de notre travail. Et c’est précisément cette part, le salaire socialisé, que la sphère financière voudrait s’accaparer. C’est le but que s’assignent ces fameuses réformes, qui loin d’être un sauvetage de la sécu ou des retraites, sont pour beaucoup d’universitaires chargés de recherche en économie, un véritable racket des salariés (3)...
Les citoyens doivent se lever contre ces pseudos réformes précédées de campagnes de désinformation. Sinon, un système de santé à deux vitesses écrasera les plus démunis, qui ne pourront souscrire des assurances privées. De plus, celles-ci seront payées par le salaire direct, avec pour conséquence la diminution du pouvoir d’achat...
Déjà les publicités des banques et compagnies d’assurances vantant les avantages d’un complément de retraite et d’assurance maladie se multiplient à la télé et fleurissent sur les murs de nos villes.
À méditer... Mais un jour sans doute il faudra agir, avant qu’il ne soit trop tard !

D. Le Strat

(1) Revue "Alternative économique", octobre 2004.
(2) lignes d’"ATTAC".
(3) René Passet, professeur émérite d’économie, Paris I Sorbonne
Panthéon - Article sur les retraites : "Sauvetage ou racket"

- Bernard Friot, professeur de sociologie chargé de recherche, université Paris X - "Enjeux des cotisations patronales".


Contre toutes les discriminations

o Contre la discrimination à l’embauche et à la promotion sociale
1 - Discrimination à l’embauche dans le privé : la couleur de peau est un frein à l’embauche dans le privé, comme le prouve le taux de chômage des jeunes originaires d’Outre-mer.
2 - Discrimination à l’embauche dans la fonction publique : les collectivités et administrations déclarent de plus en plus ouvertement ne pas vouloir recruter d’Ultramarins en raison, selon elles, du poids financier des congés bonifiés.
3 - Discrimination à la promotion : le fameux “plafond de verre”. Les originaires d’Outre-mer ne bénéficient pas du même traitement que les Métropolitains quant à leur promotion au sein de l’entreprise.
4 - Discriminations et brimades au travail. Des brimades ou des propos tendancieux tenant à la couleur de peau sont subis. Soit les victimes sont licenciées, soit leurs supérieurs minimisent les incidents.
o Contre la décision ministérielle de suppression des congés bonifiés
Le député Laffineur demande leur disparition. Différents ministres annoncent que le système des congés bonifiés pourrait être rapidement remplacé par un autre système.
o Contre la prescription quadriennale de la prime d’éloignement
L’administration oppose désormais la prescription quadriennale alors même que l’État est responsable du non-dépôt des dossiers dans les temps.
o Contre la discrimination dans l’accès au logement
Lorsqu’ils recherchent des logements, les Ultramarins subissent les mêmes refus que les Français d’origine étrangère. En outre, les cautions sont refusées par les bailleurs quelle que soit la situation des garants en Outre-mer.
o Contre la discrimination sur les transports aériens
Les prix des billets désormais abusifs, pendant les vacances d’été, séparent les familles et pénalisent les économies des régions d’Outre-mer. Au titre de la continuité territoriale sont donnés aux Corses 616 euros/hab., contre 11,5 euros/hab. pour les résidents des régions Outre-mer, et le million de Domiens de Métropole ne bénéficie d’aucune mesure.
o Contre les violences policières
La Commission nationale de déontologie de la sécurité fustige des excès policiers qui s’exercent surtout contre les Français marqués par la couleur de leur peau ou par leur origine ethnique. Les Ultramarins en sont largement victimes.
o Contre la discrimination électorale
Les partis politiques développent des discours pour mettre des Français d’origine étrangère sur leur liste électorale en position éligible et oublient le million de Français originaires d’Outre-mer vivant en Métropole.
o Contre la discrimination dans les médias
Les originaires d’Outre-mer sont peu présents dans les rédactions, surtout à France 2, et les médias nationaux n’accordent qu’un temps d’antenne dérisoire à l’Outre-mer et aux Ultramarins de Métropole.
o Contre le révisionnisme et la mémoire de l’esclavage bafouée
La France a reconnu avec retard l’esclavage comme crime contre l’humanité. Et des progrès restent à faire. Le parlement européen, qui a reconnu le génocide juif et arménien, doit faire de même pour l’esclavage des noirs.
o Contre la discrimination collective
De 1998 à 2003, l’État a contribué au budget de la Corse à hauteur de 67,5%, ce qui représente 5.787 euros par habitant, soit près de 10 fois plus que pour l’ensemble des 3 régions d’Outre-mer.
o Contre la fracture numérique
Alors que dans l’Hexagone les tarifs de l’ADSL diminuent, en Outre-mer, Wanadoo impose à ses clients des prix excessifs.
o Contre les communications téléphoniques exorbitantes
Ne pouvant se rendre chez eux (à cause des billets trop chers !), les Ultramarins doivent, pour garder le contact avec leurs familles, payer des communications au prix fort.
Tous ensemble contre toutes les discriminations avec le Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais le samedi 11 décembre à 17 heures devant la préfecture.

Coll’air,
Saint-Denis


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