Le courrier des lecteurs du 12 octobre 2005

12 octobre 2005

Avec Laurent... d’un îlet à l’autre

12 octobre 1988 - 12 octobre 2005, 17 ans déjà que Laurent Vergès s’en est allé. Mais son image reste néanmoins vivante dans les mémoires de celles et ceux qui l’ont connu ou côtoyé. Et à propos, je me souviens... Nous sommes en 1984 dans le courant du mois d’août ou septembre, mais peu importe, Laurent et moi, nous nous sommes convenu de passer ensemble une journée entière dans les écarts de Salazie au contact de la population.

Rendez-vous est fixé place de la Mairie du Village, un samedi matin.
Laurent est en retard, mais ça ne remet pas en cause, pour autant, notre programme. Une seule voiture suffit, ce sera celle de Laurent. Et direction Hell-Bourg, vers Ilet à Vidot, un quartier assez étendu où vit une population plutôt modeste. L’existence des nombreuses petites cases en bois sous tôle en témoigne. Quelques amis prévenus de la venue de Laurent, attendent ; parmi eux Daniel et Jean-Marc. Ils sont impatients de rencontrer Laurent. Et les voilà presque en admiration devant le jeune dirigeant communiste souriant, vêtu simplement, portant jeans et baskets.

Après une dizaine de minutes d’échange, Daniel nous accompagne à la rencontre des familles du coin, Jean-Marc, lui, nous retrouvera plus tard. Le courant passe à merveille, l’accueil est chaleureux, Laurent apprécie, il adore ce genre de contact ; du coup, on ne cause presque pas politique. Sa présence est on ne peut plus significative. Les familles rencontrées connaissent déjà un peu Laurent à travers les médias, la télé notamment. Et puis les échos des municipales de Saint-André avaient déjà franchi les montagnes du Cirque. Parmi les personnes approchées, certaines d’un âge avancé, confient à Laurent qu’elles ont connu son grand-père et qu’elles l’aimaient beaucoup, quand il était médecin à Hell-Bourg et maire de la commune. Elles se rappellent de la maison du docteur, cette bâtisse créole à Camp Ozoux, près de l’école, rénovée aujourd’hui et transformée en auberge de jeunesse. Bref, des contacts très riches, parfois émouvants. Le temps passe vite, trop vite même, et nous devons nous rendre de l’autre côté du Cirque, à Grand Ilet. Jean-Marc qui nous a quittés dans la matinée doit nous y rejoindre dans l’après-midi. Il s’y rendra à pieds par un sentier qui relie les 2 Ilets. Je suis un peu surpris, j’ignorais l’existence de cet itinéraire. Il faut être bon marcheur. Mais Jean-Marc y est habitué. Il fait assez souvent le trajet.

Il n’est pas loin de midi, nous redescendons donc vers Salazie pour prendre la route qui mène vers Grand Ilet. Daniel, lui, nous accompagne.
Nous nous arrêtons quelques instants à Mare à Citrons, à une petite épicerie, le temps de nous acheter un sandwich. Puis, après 15 à 20 minutes de route, nous arrivons à Mare à Vieille Place, au kiosque. Il est libre. Nous nous arrêtons, le temps est super, il y a une superbe vue.

Mais “Goni vide i tien pas dobout”. Il est l’heure de casser la croûte. Et Laurent commente les excellents contacts de la matinée, mais nous discutons aussi de choses et d’autres. Daniel raconte sa vie difficile d’ouvrier agricole à Ilet à Vidot et quelques anecdotes de campagnes électorales... l’heure file, il est temps de poursuivre la route, une route escarpée, cahoteuse. Il est un peu plus de 14 heures. Et nous voilà à Grand Ilet, village niché à 1.200 mètres d’altitude. L’air y est frais, un petit soleil néanmoins brûlant, un temps qui rappelle un peu celui de la Plaine des Cafres.
Pendant quelques instants, Laurent fixe des yeux la petite église (de Saint-Martin) en bois, reconstruite par la municipalité du Dr Vergès et classée monument historique en 1982. L’édifice religieux qui y existait auparavant avait été détruit par un violent cyclone en 1936.

Puis nous prenons la direction du Bélier où nous devons rejoindre Jean-Marc. Il y est déjà, il nous attend aux pieds de cette imposante touffe de bambous (de l’Inde) qui se dresse à l’entrée du village.
Le Bélier, quelques modestes habitations ici et là, une petite école, une épicerie... un quartier complètement isolé. Jean-Marc y a de la famille et des amis. Aussi, nous ne sommes pas surpris de l’accueil, cet accueil réservé à Laurent. D’ailleurs, comment peut-il en être autrement, tant ces gens sont charmants. Elles sont 5, 6... familles que nous approchons avec Laurent. Jean-Marc y met son grain sel... les minutes s’écoulent.

Dernière visite, Jean-Marc y tient. Nous empruntons à pieds un chemin de terre, puis un assez long sentier, un peu à pic, qui nous conduit sur une hauteur ; là, une modeste case. Dans la cour, quelques canards, des volailles, le couple est des amis de notre dalon. Il nous accueille avec sourire. Laurent s’entretient avec eux, ils échangent sur les conditions de vie du coin. Laurent s’y plaît. De temps à autre, son air rêveur en dit long. Le temps file. Je lui fais signe, il faut y aller, car il lui reste encore du chemin à faire. il doit être 16h30 à peu près quand nous reprenons la route vers Salazie.
Cette fois-ci, Jean-Marc vient avec nous. Il ne va pas regagner Ilet à Vidot par le sentier. Quand-même pas ! Le soir pointe son nez quand nous nous séparons à Salazie. Laurent file vers le littoral. Moi je raccompagne Jean-Marc et Daniel à Ilet à Vidot.

Des moments en compagnie de Laurent, j’en ai eu d’autres. Et un des enseignements que j’en ai tiré c’est son aisance à communiquer, à nouer le contact, son besoin d’approcher les autres, les gens modestes notamment, pour qui Laurent avait beaucoup d’admiration.
Oui, c’était ça aussi Laurent.

Paul Dennemont


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