Le courrier des lecteurs du 13 avril 2005

13 avril 2005

(page 10)

Une charte des droits pas si fondamentale

L’intégration de la charte des droits fondamentaux dans la Constitution européenne (partie II) est présentée par certains comme une avancée. Un progrès se mesure à un état actuel : le texte de référence est pour nous la Constitution française de 1958, qui s’appuie, dans son préambule, sur la Constitution de 1946. Une lecture comparée de ces deux textes nous enseigne qu’il s’agit plutôt d’une régression.

L’article II-96 de la Constitution européenne précise que "l’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général". Le droit garanti est donc celui d’être client sur un marché soumis au dogme de la concurrence (y compris en ce qui concerne les services sociaux, d’éducation et de santé, voir article III-315), à condition de pouvoir payer... En comparaison, relisons le préambule de la Constitution de 1946 : "Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité". Depuis, les services publics sont devenus d’intérêt économique général : tout un symbole !

En matière d’éducation, la Constitution française proclame que "l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État". L’article II-74 du traité assure simplement "la faculté de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire", ce qui exclut notamment l’enseignement supérieur.

L’article II-75 assure "le droit de travailler" et celui de "rechercher un emploi", alors que la Constitution française proclame "le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi". L’article II-94 "respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux", alors que la Constitution française garantit la "protection de la santé" et assure à chacun "le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence". C’est la tendance actuelle : le principe de la solidarité collective, sur lequel est fondée la sécurité sociale, est remplacé par celui de l’assurance individuelle (plus je paye, mieux je suis soigné).

En ce qui concerne le droit de grève, l’article II-88 n’est ni une avancée ni un recul pour les salariés, mais en reconnaissant le droit de grève pour les employeurs, cet article est un progrès pour les patrons, car il pourrait légaliser le "lock-out", qui consiste-en la suppression, par l’employeur, de la possibilité pour le salarié de travailler, et d’être payé. C’est un moyen de combat patronal, actuellement interdit par le droit français.

Enfin, certains pourraient faire valoir le "droit à la vie" (article II-62) pour demander l’interdiction de l’avortement, si un jour la législation reconnaissait le fœtus comme un être vivant.

Cette analyse confirme le contenu libéral et réactionnaire de ce texte. La Constitution française garantit des droits collectifs, et engage la collectivité et l’État dans leur réalisation (ce qui bien souvent reste théorique). La charte des droits fondamentaux, en revanche, individualise ces droits, et rend le citoyen (devenu client) responsable de sa situation (chômage, maladie...), car il n’aura pas su "accéder" aux services ou aux prestations sociales, que pourtant on ne lui interdit pas. Que cette charte soit un progrès au Portugal, en Lituanie ou en Pologne, pour le Baron Seillière ou pour Madame Boutin, c’est possible. Mais ce texte gomme plus d’un siècle de combat politique et syndical dans notre pays.

Joël Grouffaud (SUD éducation Réunion)


Dix raisons de dire non au projet de Traité constitutionnel européen !

Nulle philanthropie ou théorie européenne ne peut convaincre des gens raisonnables que le projet de Traité constitutionnel européen sauvegarde les intérêts économiques et sociaux, la démocratie, la laïcité et ou le développement des États et plus largement encore, un progrès pour les citoyens des États concernés. Pourquoi ? En voici quelques raisons et pas les moindres !

Vers un enfermement
Avec ce projet de Traité constitutionnel, si le “oui” l’emporte, les États et les citoyens seront enfermés dans le grand marché, le tout grand marché, et rien que le grand marché !

Prisonniers de a concurrence
2) Avec un “oui” (gauche-droite), ce projet nous rend prisonniers de la dictature de la concurrence. Chacun le voit, le principe de concurrence est au cœur de ce projet de Traité de Constitution européenne. Et, si le “oui” l’emporte le 29 mai, c’est à ses exigences que devraient se plier les États et les citoyens... Ce n’est pas acceptable démocratiquement ? En plaçant le principe de concurrence au cœur de ce projet, la réponse est claire à mon sens. Franchement, il est difficile de voir ce que ce projet a de révolutionnaire au profit des citoyens et des États. Au-delà de la dictature de la concurrence, la Charte des droits fondamentaux que nous propose ce traité est un véritable cache-misère, une menace pour les acquis sociaux de certains États, en particulier, la France, contrairement à ce qui est avancé par les partisans du “oui” !...

Démantèlement de l’État social
3) Après le cache-misère, ce projet n’est rien de plus qu’un véritable programme de démantèlement de l’État social.
Il introduisit, comme on peut le remarquer dans plusieurs de ces dispositions économiques, la confusion entre public et privé, et entre acteurs légitimes ou “non” par le suffrage.
Cela est-il acceptable ? Les orientations économiques adoptées depuis le milieu des années 1980 et sanctuarisées dans l’acte unique européen et le traité de Maastricht illustrent, pour ceux qui en doutent encore, des changements à venir.

Les télécommunications, un laboratoire de l’ultra-libéralisation
4) Autre illustration pour analyser les effets néfastes qu’entraînerait ce projet de traité s’il est adopté : c’est le secteur des télécommunications, un cas d’école, un laboratoire de l’ultra-libéralisation ! Est-ce ce modèle qui nous est nécessaire ? La réponse est, évidemment, non ! Et pourtant, c’est le modèle qu’on veut imposer aux services publics par exemple !
Avec cet exemple des télécommunications, qui peut aujourd’hui, nier qu’elles n’ont pas servi de banc d’essai à la libéralisation des services publics européens, tant du point de vue de la méthode employée par la commission que du rôle des États et des objectifs poursuivis ? Qui peut le nier ? Or, aujourd’hui, dans ce projet de traité soumis à référendum, la notion de péréquation est encore au cœur de la problématique des services publics en réseau. Cela est-il acceptable ? À qui profiterait le crime ? Les monopoles ? À qui cela profiterait-il ?

Un traité qui profite des craintes
5) Ce traité ou projet de traité est un parfait mode d’emploi en vue de tenir les citoyens bien à l’écart... C’est la principale raison pour laquelle il ne peut susciter une adhésion populaire et qui profite des profondes craintes sur des institutions dont les peuples, à mon humble avis, ne se sentent pas parties prenantes. La démocratie est introuvable dans ce projet de traité et il y a comme un semblant d’entente entre certaines élites politiques et administratives qui pourrait se révéler particulièrement redoutable pour les citoyens en matière de démocratie. Attention ! N’oublions pas que depuis le début, l’Europe se construit loin des peuples, qu’elle est encore trop souvent l’affaire exclusive des ministres et des experts. Ne l’oublions pas !

Augmentation des inégalités
6) Malgré des déclarations de pure forme, l’Europe est jusqu’à présent y compris avec ce projet de traité, dans le carcan du tout économique ! Cette Europe, comme le projet qui nous est soumis, est en panne, en quête de sens pour les uns, et carrément dans l’impasse à mon avis ! Il n’y a qu’à voir à quoi seront réduites les prévisions des systèmes éducatifs, tant sur les besoins de la société de la connaissance que sur la nécessité de relever le niveau d’emplois et celle d’en améliorer la qualité. Avec ce projet de traité, l’administration publique aurait pour mission, non plus de servir l’ensemble de la société, mais de fournir des biens et des services à des intérêts sectoriels et à des clients consommateurs. Est-ce bien cette Europe que nous souhaitons ? Il y a là, des risques d’aggraver les inégalités entre les citoyens et entre les régions et les États. En bref, c’est dire que l’habillage institutionnel de ce projet ne suffit pas à amadouer le camp du “non” ! Une autre construction européenne est possible avec le “non”, par une véritable légitimité démocratique : l’enjeu en vaut la peine ! Il y a débat... Prenons notre part, rien que notre part, mais toute notre part dans ce débat.

Politique intérieure
7) Sur le plan intérieur, nous avons aussi des raisons de dire non à Raffarin... D’abord parce la politique du gouvernement fait encore de nombreux dégâts et fait naître une inquiétude qui grandit de plus en plus, mais aussi et surtout, par ce que le mal vivre et la peur ne sont pas de nature à nous rassurer pour l’avenir. Alors, pouvons-nous dire “oui” dans la perspective d’un avenir incertain ?

Et les plus démunis...?
8) Aujourd’hui, les cibles préférées du gouvernement sont d’abord les plus démunis d’entre-nous : emplois-jeunes hier, (aides-éducateurs, surveillants, C.E.S., C.E.C., Rmistes) Vont-ils dire oui ? Et les chômeurs ? Ils sont attaqués de tous les côtés, sur les indemnisations, (allocation de solidarité - RMA) Quel serait leur vote à votre avis ? Autre raison de dire “non” ? "L’affaiblissement des droits des travailleurs alors qu’on a tendance de faire des cadeaux aux plus riches". Une telle tendance est-elle de nature à approuver ce projet de traité dans sa forme actuelle ? La réponse est non ! Dans ce cas, que reste-il pour justifier la casse sociale ? Le démantèlement des droits du travail ? Le partage de richesse inégalitaire ? Que reste-il ?

Cour du Luxembourg
9) La Cour de Luxembourg est une pièce maîtresse de la construction européenne : en quoi ce projet de traité est-il un frein pour ne pas développer avec zèle, la logique libérale ? Au contraire, ce projet offre à la Commission, des instruments qui lui manquaient pour promouvoir la libre concurrence !

Illusion sociale
10) Enfin, ce projet de traité est une illusion sociale, un danger sur le relèvement du taux d’emploi, sur les lignes directives pour l’emploi ; il ne protège pas les emplois et favorise une baisse de la masse salariale au contraire ! "Il n’y a pas de politique sociale sans un mouvement social capable de l’imposer". Cela implique de dire non ! “Non” à ce projet de Traité constitutionnel européen.

Samuel Mouen


Du Fils de l’Homme au Souverain pontife

Le récit que nous rapporte cet ami lecteur dans le journal est si vivant dans sa sobriété qu’on croirait y être soi-même. C’est l’évocation dans l’Évangile de la visite au tombeau quand les femmes, Marie de Magdala et Marie la mère de Jacques et de Salomé, viennent pour embaumer le corps de Jésus et qu’elles trouvent le tombeau vide. Entre la simplicité, l’extrême dépouillement d’un côté et le faste, la magnificence grandiose de l’autre, vingt siècles nous séparent. Il y a, bien sûr, l’effet surmultiplié des médias, mais il y a surtout le cérémonial et la mise en scène d’un appareil d’État, celui du Vatican qui veut célébrer dans le pape, bien plus que le serviteur de ses frères et de ses sœurs en humanité, le Souverain Pontife, le chef de l’Église romaine et le chef de l’État et de la cité du Vatican, entouré de ses cardinaux chamarrés, les Princes de l’Église, et de cette longue cohorte de chefs d’État et de têtes couronnées, venus des quatre coins du monde comme pour un acte d’allégeance. Et parmi tous ces visiteurs, plus empressés les uns que les autres, comment ne pas reconnaître ici ou là ce que le Christ Jésus désignait lui-même sous le nom de "Prince de ce monde", et qui n’est autre que son ennemi mortel, le Diable ?

Georges Benne, 11 avril 2005.


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