Le courrier des lecteurs du 13 octobre 2005

13 octobre 2005

Non à la caricature mondiale du monde !

Le spectacle surréaliste et hallucinant de ces hommes risquant leur vie pour escalader les barbelés d’une hauteur vertigineuse, que d’autres hommes ont dressés aux portes de leurs pays pour les empêcher d’entrer, a de quoi jeter l’effroi, heurter notre conscience et troubler notre quiétude. Mais c’est qu’ils n’ont plus rien à perdre, tous ces pauvres gens, qui viennent parfois du bout du monde pour fuir la misère et gagner clandestinement l’Europe de leurs mirages. Ils suivent un interminable chemin de croix qui les conduit des passeurs qui les dépouillent, à travers les affres du désert, sur de vieux rafiots où ils s’entassent et qui croulent sous leur charge, jusqu’aux gardes civiles et autres militaires qui les jettent quand ils les rattrapent dans des camps inhospitaliers, pour être rapatriés de force dans les pires conditions.
Le phénomène n’est pas isolé, hélas ! et depuis longtemps prévisible, conséquence de la mise en pièces implacable de l’humanité sous le double effet du pouvoir et du tout marché. N’est-ce pas un ministre français, de la patrie des droits de l’Homme, de surcroît socialiste, qui a osé dire qu’il était impossible d’"héberger toute la misère du monde" ? Et maintenant, c’est l’Europe qui serait dans la même impuissance que la République française. Dans ces conditions, est-ce que le monde lui-même ne pourrait pas accueillir toute sa détresse alors que, nous le savons pertinemment, il a de quoi nourrir tout le monde ? Nous nous prenons à nous demander si nous ne devenons pas fous. Car si le monde ne suffit pas à accueillir sa propre misère, il n’est pas le monde d’absolument tout le monde. Il n’est rien que ce monde, le monde d’une minorité de privilégiés qui croient pouvoir se protéger contre l’afflux des immigrants en hérissent leurs frontières de barrières, grillages, doubles grillages, barbelés ! Ainsi nous apparaît sans fard l’imposture de la mondialisation en cours, masque de la plus effroyable privatisation.

Georges Benne et Jean Cardonnel


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