Le courrier des lecteurs du 15 décembre 2004

15 décembre 2004

(Page 10)

Fête réunionnaise de la liberté !

Depuis le 20 décembre 1983, nous fêtons la liberté retrouvée des esclaves. Il y a 156 ans que l’abolition de l’esclavage fut proclamée officiellement. Nos pères, nos frères sont morts sur cette terre réunionnaise sous le sabouc et le joug des obligations qui les faisaient travailler du lever au coucher du soleil.
Nous ne pouvons pas oublier le tribut qu’ils ont payé en larmes, en sueurs et parfois dans le sang. Il ne faut, en aucun cas, que nos jeunes oublient qui nous sommes et d’où nous venons ! En un peu plus d’un siècle et demi, je ne suis pas mécontent de voir que nous nous sommes modelés une identité culturelle forte, où chacun au fil des années trouve sa place. Pour moi, il n’y a pas d’opposition entre le 14 juillet et le 20 décembre. Heureusement qu’il y a eu un 14 juillet pour que l’Histoire de France marque notre 20 décembre.

Oui à la fête réunionnaise de la liberté ! Non à la fête “cafre” ! Parler de fête “cafre” c’est une erreur historique. Le 20 décembre 1848, 62.000 esclaves ont été libérés. Certes, une grande majorité venait de la côte d’Afrique, en particulier du Mozambique... mais ils étaient aussi nombreux à venir de Madagascar, d’Asie et de l’Inde. C’est pour cette raison qu’il conviendrait de parler de “Fête réunionnaise de la liberté”.

Dans l’Histoire d’un pays, 156 ans c’est peu, très peu pour effacer dans la mémoire toutes les marques des souffrances de cette situation inhumaine que constituait l’esclavage devenue depuis heureusement “crime contre l’humanité”. Réunionnais, le mot “esclavage” doit nous interpeller. Comment oublier que nos ancêtres aient été enchaînés, martyrisés et tués sur cette terre réunionnaise ?

156 ans après, nous nous en souvenons, parce que de génération en génération, nos pères nous ont transmis notre histoire. Le 20 décembre 1848, les chaînes se sont brisées.
1983 : le mur de la honte, le mur du silence est tombé, le gouvernement français faisait du 20 décembre un jour chômé et férié. La culture du “fénoir” éclatait en pleine lumière.

156 ans après, nous avons à briser d’autres chaînes :

- celle de la misère,

- celle de la pauvreté,

- celle du chômage,

- celle de l’inégalité des chances,

- celle de la place de chacun de nous dans notre société réunionnaise.

Il est criminel de la part des privilégiés de notre Histoire, des nantis d’aujourd’hui de toujours chercher ailleurs des alibis pour minimiser la vérité historique sur l’esclavage à La Réunion.
156 ans après, notre jeunesse doit connaître l’Histoire de ce pays pour s’armer, être forte, pour qu’à l’exemple des anciens, cette jeunesse continue de lever haut la tête et que demain elle soit responsable de sa destinée !
Nous avons notre propre personnalité réunionnaise qui est née du choc de nos cultures des quatre horizons. Lorsque quelqu’un débarque pour la première fois sur cette île accueillante et foule aux pieds la personnalité du Réunionnais, il aura du mal, des difficultés pour vivre avec les habitants de cette île.

Je fais mienne cette “définition” de la culture réunionnaise de Paul Mazaka : "J’arpente le sentier de mes origines, et à chacun de mes pas se dévoilent : l’Inde, l’Asie, l’Orient, l’Afrique, l’Europe. Ce parcours intérieur me révèle une vérité que nul ne peut nier. L’homme Réunionnais porte en lui, les gènes des cinq grandes civilisations du monde".
Bonne fête réunionnaise de la liberté à tous !

Marc Kichenapanaïdou,
auteur du livre “L’esclave”,
Prix de Littérature de Leconte de Lisle du Conseil général 1980


Construire une école au service de tous

SUD éducation Réunion recommande aux personnels de l’Éducation nationale et à ses usagers (parents, élèves, étudiants, adultes en formation continue) de reprendre en main le débat sur l’éducation, de se réapproprier le service public d’éducation, de lutter, pour construire une école au service de tous. C’est ensemble que nous gagnerons !
Le “socle commun de connaissances” du duo Thélot & Fillon est conforme à l’idéologie libérale. À l’instar de la “discrimination positive”, c’est une mesure qui vise en réalité à faire accepter l’inégalité comme un fait social. SUD éducation, qui refuse cette société inégalitaire, ne peut pas accepter ce socle commun. Surtout quand la définition de son contenu "correspond aux besoins de la société" (rapport Thélot, page 38). C’est à dire aux besoins du patronat.
La caricature ci-après a été publiée en 1909, dans la revue satirique “L’assiette au beurre”. Un siècle plus tard, la “formation tout au long de la vie” à la sauce MEDEF transforme le service public d’éducation en centre de formatage d’une main d’œuvre docile et flexible pour le patronat.
Quand le MEDEF juge "obsolètes les systèmes de classification rigides" (c’est à dire les diplômes, lire www.medef.fr), le rapport Thélot lui répond en écho : "La culture française valorise à l’excès les diplômes" (page 24). Sans commentaire !

Syndicat SUD éducation Réunion


Un combat perdu d’avance

La situation linguistique de La Réunion se caractérise par la coexistence de deux langues, le créole et le français.
Le créole est la langue parlée par la majorité de la population - une majorité qui s’amenuise au fil des ans si l’on en croit l’INSEE - et ne sert qu’à l’oral : quand deux Réunionnais créolophones s’écrivent, ils utilisent le français ; par ailleurs il n’est jamais venu à personne l’idée saugrenue d’écrire en créole un ouvrage scientifique, un manuel d’histoire, une étude économique, un traité de philosophie...
Le français, lui, est une langue à la fois parlée et écrite. Elle sert de moyen de communication orale pour une partie croissante de la population, elle satisfait à toutes les nécessités de l’écrit, elle dispose enfin d’une abondante littérature couvrant tous les domaines de la connaissance, et sert donc tout naturellement de langue d’enseignement de la maternelle à l’Université.

Le lot commun

Cette situation linguistique - langue parlée, langue écrite - est-elle exceptionnelle ? Non point, elle est le lot commun de tous les pays du monde. Deux chiffres sont révélateurs : les linguistes estiment à plus de cinq mille le nombre des langues parlées de par le monde ; or il n’y en a plus d’une centaine qui produisent des œuvres écrites et accèdent en conséquence au statut de langues d’enseignements.
Mille langues sont parlées sur le continent américain, dont 200 rien qu’au Brésil. Mais seules 4 langues sont enseignées : le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais. En Inde, 1.652 langues se partagent les suffrages de la population, 18 sont langues d’enseignement, une seule, l’anglais, est admise dans l’enseignement supérieur.
L’Europe n’échappe pas à la règle. En Suisse alémanique, 6 dialectes se sont maintenus, seul l’allemand est langue d’enseignement ; en Suisse romande, 12 dialectes, mais la langue de l’école est le français. De tous les dialectes et patois parlés en Allemagne, un seul a acquis le statut de langue officielle et d’enseignement : le haut-allemand. En Italie, rares sont les Vénitiens, les Calabrais, les Napolitains, les Siciliens... qui s’expriment autrement que dans leurs dialectes respectifs, mais l’italien reste la seule langue de l’école, de la presse, de la radio et de la télévision.

Où se situe la priorité ?

J’arrête ce tour du monde. J’en ai assez dit pour pouvoir conclure à une généralisation de la situation linguistique que nous observons à La Réunion. Il y a cependant chez nous une minorité, peu nombreuse, mais d’autant plus agissante et bruyante, qui n’accepte pas le sort commun. Le “collectif Pangar” (“Quotidien” du 9/12) s’indigne de la "hiérarchie dans des langues" qui apparaît dans le système scolaire réunionnais, et qui aboutit à "mettre dans la tête des marmailles que le créole est inférieur au français". Le collectif regrette que le recteur puisse considérer "l’apprentissage du français" comme une "priorité" !
Ces messieurs estiment qu’à La Réunion "le bilinguisme est une nécessité". Ils oublient une chose : les Réunionnais sont bel et bien bilingues. Malheureusement, s’ils maîtrisent parfaitement une langue, le créole, nombre d’entre eux ont encore des difficultés à manier l’autre, le français. Tout le monde voit dès lors où se situe la priorité. Comme le disait une mère de famille interrogée par la directrice d’école : "Mon zenfant la pas besoin apprendre créole, ça lu connait. Français lu na besoin apprendre".

Daniel Lallemand


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