Le courrier des lecteurs du 17 decembre 2005

17 décembre 2005

Qui est révisionniste ?

“Les courriers de lecteurs” que publient la presse ont été un lieu de débats et de réflexion dans le cadre de “L’année Monnet”, d’autant plus intéressant que ce qui s’écrit dans ces courriers est spontané.
M. Alain Fragier (“JIR” du 9 décembre 2005) a rédigé un courrier intitulé : "Abolition de l’esclavage : une réécriture de l’Histoire entre révisionnisme et mégationnisme...!"
Pour se donner du courage et de l’élan, probablement, M. Fragier lance un tir en règle d’attaques verbales :

"Une indécente réécriture de l’Histoire est en train de s’accomplir sous nos yeux."
- "Cette forfaiture semble interpeller les citoyennes et les citoyens de notre île..."
- "Doit-on pour autant subir l’outrage et courber servilement ?..."
- "Aurions-nous donc si peur de l’anathème ?"
Tout cela pour quoi ?

"Pour glisser une voix quelque peu dissonante en cette veille du 20 décembre au sein d’une chorale d’une touchante unanimité."
- "Pour rappeler qu’elle fut la juste place des principaux acteurs de l’époque de l’esclavage."

"Pour réparer une coupable amnésie."
Pourquoi cette mise au point ?

"Parce que nous devons le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises à M. Schoelcher".

"Parce que ce même décret a pu être promulgué à La Réunion grâce à M. Joseph Sarda Garriga"
- "Parce que si Alexandre Monnet fut le "Père des Noirs", d’autres furent leurs frères en souffrance et qu’il convenait que cela soit dit."
- "Parce que l’on tente aujourd’hui de présenter l’Abbé Monnet comme le seul et unique artisan de cette libération du joug de l’esclavage."
Nous avons rendu l’hommage qu’il convenait à Victor Schoelcher en inaugurant le premier buste de Mgr Monnet à Paris le jour anniversaire du décret d’abolition : le 26 avril. Nous avons rappelé, à cette occasion, que l’Abbé Monnet faisait partie de la commission que présidait M. Schoelcher pour préparer les modalités pratiques de l’événement.
Nous avons rappelé que M. Sarda Garriga avait proclamé l’abolition de l’esclavage à La Réunion et qu’il remplaçait le gouverneur Graëb, limogé, qui avait expulsé l’Abbé Monnet de l’île en 1847, parce que celui-ci était abolitionniste.
J’ai personnellement, et à plusieurs reprises, souligné que Monnet ne se posait pas en "père" ni en "libérateur" des Noirs, mais en "frère", en "dalon". Ce sont les esclaves et les affranchis ceux qui l’ont protégé lors des émeutes de 1847 à Saint-Denis, ceux qui ont érigé la stèle du cimetière de l’Est à Saint-Denis, ceux qui ont porté son cercueil sur les épaules, de Saint-Denis à La Rivière des Pluies le 2 décembre 1856, les 20.000 affranchis qui ont accompagné sa dépouille ce jour-là. Ce sont ces esclaves et ces affranchis qui l’ont surnommé “Le Père des Noirs”. C’est ainsi que les choses se sont passées historiquement. Et c’est cette reconnaissance historique des Noirs de l’époque de quelqu’un qui fut leur frère en souffrance au péril de sa vie, que M. Fragier voudrait réviser et nier.
Enfin, "L’Année Monnet" a voulu replacer dans la galerie "des principaux acteurs de cette époque" et à "sa juste place" un acteur principal que l’on avait écarté et oublié. Et lorsqu’on en disait quelque chose, c’était pour contester sa position et son action militantes, influentes et efficaces d’abolitionniste.
Jamais nous n’avons dit que Monnet fut "le seul et unique artisan de la libération de l’esclavage". Mais il en fut un. Il nous semblait inconvenant que cela fût oublié.
D’autres révisions, d’autres oublis au sujet d’autres acteurs traînent sans doute encore. Il faudra les réparer non pas pour "régler des comptes", mais pour mieux construire une société réunionnaise plus libre, plus juste, plus solidaire avec tous les enfants du pays sans exclusives.

Paul Hoarau, Coordonnateur
du Comité Alexandre Monnet


La République est l’ombre coloniale

Le refus de l’UMP, de modifier la loi du 23 février 2005 sur le "rôle positif de la présence française outre-mer" est tout à la fois une volonté de travestir l’histoire et d’amnistier l’entreprise coloniale.
Il y a deux histoires, l’officielle qui glorifie les intrépides et les courageux colonisateurs et l’autre, celle de ceux qui furent envahis et outragés, une histoire reniée, manipulée et piétinée sur l’autel de la raison du plus fort !
En 1492, l’Europe arrivera en Amérique avec son impérialisme absolutiste, la bible dans une main et le fouet dans l’autre. Les Européens s’auto-qualifièrent même de "cultivés" et de "civilisés". Pourtant tandis que l’Europe découvrait que le monde était rond, l’Amérique connaissait les solstices et les équinoxes et guidait la vie communautaire en accord avec ses mouvements.
L’Europe a colonisé en usant d’armements sophistiqués et d’armées expérimentées, en abusant de cruauté et de la tromperie. Doit-on mesurer la civilisation et le développement d’un peuple par ca capacité technologique et sa technique de destruction ? La colonisation est affaire de possession : terre, matières premières, esclaves...
De quel droit, peut-on couvrir de mépris des peuples d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Océanie qui avaient conscience de la valeur inestimable de la nature, quand nous subissons, des siècles plus tard chômage, pollution, déforestation, isolement, racisme, absence de solidarité, mondialisation ? 4.000 personnes ont répondu à l’appel des indigènes de la République qui dénonce le continuum colonial qui marque profondément les mécanismes de la discrimination dans notre pays. En Outre-mer, sous le prétexte fallacieux d’apporter “la civilisation”, la colonisation a exploité la population et les richesses naturelles. Il demeure de ce passé des traces juridiques. Les comportements racistes ont en France une certaine “coloration” post-colonial correspondant à notre histoire. Parler d’aspect positif de la colonisation, est un état d’esprit comparable à celui des gros propriétaires blancs qui, défendant leur outil de travail, refusaient l’abolition de l’esclavage. Le vrai problème est celui du profond malaise social et politique d’aujourd’hui, des discriminations qu’il favorise, des ghettoïsations qu’il provoque. Il est impensable de s’imaginer pouvoir les combattre sans en comprendre les racines, lointaines et récentes et notamment celles qui viennent du continuum colonial.
Les programmes scolaires reconnaissant en particulier le rôle positif de la présence française en Outre-mer (et notamment en Afrique du Nord) sont une insulte pour celles et ceux qui croient en la souveraineté des peuples et qui considèrent que la liberté et la raison ne sauraient s’imposer par l’assujettissement et la violence. Les Verts dénoncent l’attitude de la majorité UMP qui vise à réhabiliter non seulement le colonialisme dans les programmes scolaires mais à entretenir une logique de revanche, de falsification de notre histoire commune. Ce faisant, il sème ainsi la discorde dans la population française, à un moment de crise où le pays a avant tout besoin d’unité et de solidarité. Cette loi semble se donner des airs de détail de l’histoire et ainsi reprendre à son compte à des fins électoralistes le fond de commerce de l’extrême droite : le racisme. Un racisme envers les ressortissants des anciennes colonies, empêchant qu’au sein de notre République les populations issues de cette histoire, se retrouvent pour former une seule et même nation. Cet épisode peu glorieux, montre s’il en était besoin, que la connaissance de sa propre histoire est un bien précieux. Outre l’abrogation rapide et sans réserve de l’article de loi incriminé, les Verts-Réunion souhaitent que les travaux des historiens sur le passé de notre région soient encouragés (sans être orientés) et que le fruit de ces recherches soit largement diffusé.

Véronique Dénès,
Conseillère régionale, les Verts.


Pour une vraie relance des ZEP

Les 17 propositions du SNES

Le récent rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale confirme les conclusions de nombreuses enquêtes : la politique d’Éducation prioritaire, malgré la modicité des moyens qui lui sont alloués, a permis de faire atteindre aux élèves des établissements ZEP des résultats bien meilleurs que ceux auxquels on devait s’attendre en fonction de la forte dégradation de l’environnement économique et social de ces établissements au cours de ces 20 dernières années.

L’heure n’est donc pas au "dépôt de bilan des ZEP" mais, au contraire, à les faire encore mieux réussir. Le SNES fait 17 propositions pour une vraie relance des ZEP.
1 - Toute décision doit faire l’objet d’une véritable concertation avec les acteurs du terrain : personnels, jeunes des quartiers, parents d’élèves. Le SNES propose à cet effet que soit organisé un "Grenelle" des établissements difficiles au niveau national comme au niveau des départements.
2 - S’appuyer sur le capital d’expériences et de réussites accumulé depuis 20 ans et attesté par de nombreuses études et rapports.
3 - Assurer une plus grande mixité sociale au sein des établissements par une carte scolaire plus équitable et une réelle diversité de l’offre d’enseignement dans tous les établissements, notamment au niveau des options.
4 - En finir avec la multiplication des labels (ZEP, REP, sensibles, zones de prévention de la violence) et en revenir à une dénomination unique attribuée sur la base de critères objectifs nationaux transparents.
5 - La nouvelle carte des ZEP ne doit pas être un instrument de redéploiement des moyens, mais doit intégrer la quasi totalité des 1.000 établissements aujourd’hui labellisés et pour lesquels une éventuelle suppression des moyens dont ils bénéficient au titre de l’Éducation prioritaire serait catastrophique.
6 - Un effort supplémentaire pourrait être fait, dans un premier temps à titre expérimental, en ciblant des moyens supplémentaires sur les 100 établissements les plus en difficulté. L’étude de T. Picketty montre que réduire l’effectif des classes à un maximum de 18 élèves "diminuerait de 40% l’écart de performances avec les jeunes "hors-zep" (cet écart de performance est pour les établissements ZEP actuels de 10 % pour une réduction des effectifs de classe de 24 élèves à 22). Pour financer cette mesure, la part du budget de l’éducation nationale consacrée à l’éducation prioritaire devrait être portée de 1,2 % à 1,5 %.
7 - Développer la scolarisation dès l’âge de 2 ans en maternelle.
8 - Maintenir le même niveau d’exigence et dispenser les mêmes contenus d’enseignement en ZEP comme ailleurs, en favorisant la diversité des approches.
9 - Développer les heures de soutien et d’aide aux devoirs organisées et encadrées par des personnes qualifiées.
10 - Favoriser l’ouverture culturelle dans le cadre de projets pédagogiques à l’initiative des équipes et financés par les établissements.
11 - Concernant le lycée, sans rejeter toute forme d’expérimentation, l’essentiel est de prendre des mesures bénéficiant à l’ensemble des élèves des ZEP (améliorations des conditions de fonctionnement des établissements). L’ouverture de classes préparatoires qui créent des dynamiques de réussite et d’ambition dans les établissements ZEP devrait être généralisée.
12 - Améliorer les capacités d’accueil en BTS et en IUT des académies à forte densité d’établissements difficiles (actuellement nettement en dessous de la moyenne nationale), notamment en offrant aux élèves des passerelles entre filières générales, technologiques et professionnelles.
13 - Assurer une véritable gratuité, comme le prévoit la loi, notamment en rendant aux fonds sociaux les moyens qui leur ont été retirés.
14 - Stabilisation des équipes pédagogiques par l’amélioration des conditions de travail en ZEP (effectifs réduits, encadrement adulte renforcé, travail en petits groupes).
15 - Mise en place d’un suivi des élèves les plus fragiles par des équipes pluri-professionnelles (enseignants, CPE, Copsy, infirmières et assistantes sociales) bénéficiant d’un temps de concertation intégré dans leur service actuel. Développer sur le temps de travail des possibilités réelles de formation continue permettant, notamment, aux personnels de mieux combattre et prévenir la difficulté scolaire.
16 - Prise en compte pour les personnels de la pénibilité des conditions d’exercice : avantages de carrières attribués hors contingent ou sur contingent spécifique (promotions de corps ou de grade).
17 - Revaloriser le montant des bourses sur critères sociaux et élargir le nombre de bénéficiaires en relevant les plafonds de revenus des parents.


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