Le courrier des lecteurs du 17 novembre 2004

17 novembre 2004

En matière de foulard
Une conception erronée de la démocratie et de la laïcité

En matière de morale et de législation, rien de tel que de se référer à l’adage bien connu : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît". La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, aujourd’hui intégrée à la Constitution, s’en fait l’écho quand elle stipule en son article 4 : "La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui".
Concernant plus particulièrement la liberté de conscience, on retrouve le même fil conducteur à l’article 10 de la Déclaration : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public".
Il apparaît donc bien que, selon la morale courante comme selon la Déclaration des droits de l’homme, une même règle et une seule doit guider nos actions : ne faire de tort à personne, ni aux individus pris isolément, ni à la collectivité. Pour juger sainement en matière de foulard, il faut donc et il suffit de se poser la question : quand une jeune musulmane, pour des raisons qui la regardent, estime devoir se couvrir les cheveux, à qui fait-elle du tort ?
La réponse saute aux yeux : elle ne fait de tort à personne. Porte-t-elle atteinte à l’ordre public ? Même réponse négative. Il y a lieu de craindre, au contraire, que l’interdiction ne trouble l’ordre public, en "créant des problèmes là où il n’y en a pas", là où il n’y en a jamais eus.

Une loi scélérate

Certes les adversaires du foulard ont beau jeu de se réclamer d’une loi. Loi scélérate, que le gouvernement Raffarin a opportunément sortie de son chapeau pour détourner l’attention de sa politique antisociale. Loi au surplus illégale, car elle contrevient à la Déclaration des droits de l’homme qui stipule en son article 5 : "La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société". Or il serait risible de prétendre que le port du foulard est de nature à nuire à la société. Au rebours de son interdiction qui, elle, risque de semer le trouble dans une communauté paisible et de détériorer les rapports exemplaires qui règnent entre les différentes composantes de la population réunionnaise.

Y a-t-il deux sortes de laïcité ?

Certains, pour réprimer le port du foulard, invoquent la laïcité, principe fondamental de notre Constitution, acquis inappréciable de notre civilisation. Encore faut-il définir la laïcité.
La laïcité est une conception politique selon laquelle l’organisation de la société repose sur la séparation de la religion et de l’État. Cette séparation entraîne pour l’État l’obligation d’observer la plus stricte neutralité à l’égard des différents cultes religieux, de n’en privilégier et de n’en discriminer aucun. Laïcité implique tolérance, acceptation des différences et respect. Il est dit au titre I de la Constitution, celui-là même qui proclame le caractère laïque de la République : "La France respecte toutes les croyances."
C’est en application du principe de laïcité que les Français jouissent d’une entière liberté religieuse, qu’ils ont le droit de fréquenter à leur choix l’église, la synagogue, le temple, la mosquée, ou de s’en abstenir ; qu’ils ont la permission de se vêtir ou de se dévêtir, chacun conformément aux prescriptions de sa religion, de porter la barbe ou de se raser. Sur le territoire de la République, aucun signe religieux n’est prohibé, ni la croix, ni le croissant, ni le turban, ni le béret basque, ni le foulard.
Alors pourquoi ce qui, au nom de la laïcité, est admis, accepté, autorisé sur l’ensemble du territoire, se verrait-il, toujours au nom de la laïcité, réprouvé, proscrit, interdit dans les écoles de la République ? Y aurait-il deux sortes de laïcité, l’une faite de tolérance et de respect mutuel, l’autre sectaire et anticléricale ?

Un comportement inadmissible

En vérité il y a de quoi s’inquiéter s’il s’avère qu’un professeur, dans un établissement d’enseignement public, ait pu se permettre de déclarer à ses jeunes élèves musulmans : "Je n’en ai rien à foutre de votre religion à la con". Ce sont là des propos inadmissibles, impardonnables, et qui constituent à l’évidence une atteinte gravissime à l’ordre public. Les autorités compétentes se doivent de réagir et de calmer les esprits.
Il faut que les intégristes se calment, et révisent leur conception de la démocratie et de la laïcité.

Daniel Lallemand
Professeur retraité
Ex-adhérent du SNES


SUD éducation et le “voile”

Lors de son congrès national qui s’est tenu il y a tout juste un an à Lorient, SUD éducation a adopté à une très large majorité une motion sur le “voile”, motion votée par les délégués de SUD éducation Réunion. Elle n’a pas pris une ride : en voici le texte :

"Le port du voile est devenu en quelques semaines une question en apparence si décisive pour l’avenir de l’école, qu’une mission parlementaire et un parti politique (le PS) viennent dans un même élan de se prononcer en faveur d’une loi l’interdisant. Même s’il nous faut encore attendre les relevés de conclusions de la commission Stasi, il ne fait désormais aucun doute qu’une disposition législative conforme à ces propositions sera probablement adoptée.
Pour SUD éducation, trois remarques préliminaires s’imposent :

- La forme rédactionnelle du texte prohibant "le port visible de tout signe d’appartenance religieuse ou politique (...) dans l’enceinte des établissements scolaires" ne peut masquer le fait évident qu’il s’agit d’abord d’une loi discriminative et de circonstance visant surtout à interdire le port du voile. En aucun cas il ne s’agit d’un projet de loi permettant de réaffirmer ou de consolider les principes et les valeurs de la laïcité puisqu’il n’est même pas prévu d’appliquer ces dispositions aux écoles privées sous contrat et aux départements d’Alsace-Moselle (1) . Nous n’en sommes plus à constater une simple maladresse ni même une grave inconséquence, mais bel et bien une dangereuse provocation dont on peut craindre qu’elle favorise et légitime des revendications communautaires.

- La réduction des expressions politiques au statut réservé aux signes religieux est, par ailleurs, particulièrement inquiétante. Elle traduit bien la philosophie d’ensemble d’un projet de loi d’autant plus répressif qu’il cède à la demande d’enseignement du fait religieux. Si l’école de la République n’a certainement pas pour fonction d’aider à l’émergence d’une conscience religieuse par l’inculcation d’un catéchisme “fut-il laïque ou civique” elle se doit, par contre, de favoriser la formation d’une conscience citoyenne et d’un engagement politique dont l’apprentissage est inséparable d’une expression et d’une pratique du débat démocratique. L’idée d’une neutralité scolaire qui jusqu’ici s’appliquait aux personnels et aux enseignants, est désormais agitée au profit d’une sorte de mystique laïque qui revendique une sanctuarisation de l’école sous bonne garde de la loi et de la police. SUD éducation rappelle à nouveau que ce n’est certainement pas en conférant à l’école un statut d’exterritorialité par rapport au reste de l’espace social publique que les problèmes qui l’affectent pourront être résolus.

- Enfin, comment peut-on encore prétendre aujourd’hui renouer avec les valeurs de la laïcité sans dénoncer et combattre les forces qui soumettent l’école aux lois du marché et de la rentabilité financière bien plus sûrement qu’à celle d’une église ou d’une religion ? La question du voile islamique qui ne concerne tout au plus qu’une ou deux centaines d’incidents par an est très largement surévaluée en regard des difficultés concrètes et massives auxquelles sont actuellement confrontés les personnels et les bénéficiaires du service public d’éducation. Dans tous les cas, elle ne permet pas de prendre la mesure de l’offensive libérale qui menace l’indépendance de notre enseignement en organisant la marchandisation de l’école.

Nous ne céderons pas à une dramatisation médiatique complaisamment exploitée par tous ceux qui ont intérêt à détourner l’attention des vrais enjeux et à diviser ceux qui ont lutté ensemble pendant le printemps 2003. Nous appelons tous les travailleurs à ne pas se laisser aveugler par ce “voile” brandi comme un “chiffon rouge” et à garder en mémoire les vraies raisons de lutter.
Lorient, novembre 2003".

(1). Il faut rappeler sur ce point que les départements d’Alsace et Lorraine annexés par l’Allemagne et redevenus français en 1914, vivent toujours sous le régime du concordat de 1801 qui fait du catholicisme la religion officielle et qu’à ce titre, un enseignement religieux est dispensé dans les écoles publiques où des crucifix sont suspendus dans toutes les salles de classe... Bien peu des actuels donneurs de leçons ès laïcité, et tout particulièrement tous ceux qui sont, ou ont été, y compris très récemment au pouvoir, n’ont remis en cause ce scandale. S’il fallait une preuve de leur duplicité et de leur mauvaise foi, la voici.

Jean-François Clopeau
Bras-Panon


AREVA tout le monde s’en fout

AREVA ! Ces cinq lettres ne disent pas grand-chose aux citoyens lambdas et pourtant le numéro un du nucléaire dans le monde vient de se voir attribuer le droit d’être coté en bourse, avec l’aide bienveillante du chouchou des Français (Nicolas Sarkozy).
Celui sur qui l’on ne tarit pas d’éloges, ce champion de la manipulation des chiffres de l’insécurité, ce “Zidane” de l’économie prépare son lit ultra-libéral.
Après avoir transformé EDF en simple société anonyme et en attendant de pouvoir parachever sa privatisation dans la foulée d’une victoire aux présidentielles, notre Bush Pays met sur le marché mondial des actions d’une des technologies les plus pointues et les plus dangereuses.
Tout ceci se fait dans l’indifférence générale, cela vous donne des envies de devenir gaullistes, de se prosterner sur la tombe du Général à Colombey-les-Deux-Églises, “Esprit es-tu là ? Reviens, ils sont devenus fous !”
Personne n’ose imaginer un instant l’impact qu’aurait une OPA sur AREVA fomentée par des oligarques Russes ou des Émirs du pétrole saoudien !
La boîte de pandore ultra-libérale est définitivement ouverte, imaginons le scénario le plus noir où l’industrie nucléaire française se voit dirigée depuis Moscou ou Houston par des multinationales.
Imaginons que les bénéficiaires des fonds de pensions américains insatisfaits du rendement de leurs actions obligent le Conseil d’administration d’AREVA à dégraisser et à mégoter sur la sécurité, comme c’est le cas pour les chemins de fer britanniques, sauf que là il s’agit de Nucléaire.
Cette mesure est passée en douceur et sans aucune contestation, les socialistes ferment les yeux et manifestent dans la Creuse, Bayrou n’en finit pas de nous exécuter sa danse du ventre “un coup j’y suis, un coup j’y suis pas”, quant aux Verts, ils se roulent dans le social libéralisme, depuis que leur grand gourou (Dany l’ex rouge) s’est pris d’amitiés avec Sarkozy et que bras dessus bras dessous, ils vont ensemble appeler à voter oui au projet de Constitution européenne.
Ne doutons pas, on prépare le terrain de la privatisation de l’énergie, de la santé, de l’éducation et de la culture. Pour couronner le tout, ils vont nous exhorter à voter oui à leur Constitution dévoyée et bricolée.
Demain ceux qui auront choisi le camp du oui “ne vous en déplaise”, représenteront le libéralisme et transformeront l’Europe en vaste zone de libre échange sans aucune alternative, plongeant ce continent dans l’obscurantisme et dans une société n’ayant pour valeur que l’argent.
Quel sera le prochain épisode de cette saga sarkozienne ? Il ne faut pas réfléchir longtemps pour le comprendre, il suffit de regarder les allers et retours de “Nicolas Zidane” auprès de ses amis ultras-libéraux d’outre Atlantique.
Le nouveau cri de Sarkozy est dans toutes les bonnes librairies, haro sur la Laïcité. Hé oui ! il veut réformer la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Le Pape en a rêvé, Sarkozy veut le réaliser !
Libérons, libérons, sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Ce que nous voyons poindre c’est un homme décidé à préparer le terrain, pour en 2007, transformer l’essai et brader la France aux mafieux capitalistes internationaux.
Il est grand temps que les radicaux et les républicains s’inquiètent et se retrouvent pour s’opposer à ce démantèlement des idéaux républicains qui ont pour valeurs Liberté Égalité Fraternité.
On a assassiné Jaurès, Nicolas Sarkozy étouffe sa mémoire

Guy Ratane-Dufour
secrétaire général du Mouvement de la Gauche écologiste réunionnaise


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année

La pès kabo

5 juillet, par Christian Fontaine

Kan i ariv Novanm-Désanm-Zanvié, domoun i réziste pi ek la salèr. Zène-zan i mars dann somin, zène-fi i roul an dékolté ; sétaki i rod in manir po (…)


+ Lus