Le courrier des lecteurs du 18 avril 2005

18 avril 2005

(Page 10)

Vœux pour une Église plus ouverte à la modernité

Comme beaucoup d’autres, nous avons été frappés par la dimension planétaire des obsèques de Jean-Paul II. Un événement qui nous interroge. Jamais la mort d’un Pape n’aura suscité autant d’émotion, y compris dans des sociétés n’ayant rien à voir avec le christianisme ou le catholicisme. Voilà un Pape ultraconservateur, en matière de Morale (familiale, tout particulièrement), tout comme dans son mode de gouvernement de l’Église, devenu icône planétaire ! De quoi susciter nombre de questionnements !
Le catholicisme qu’on disait moribond, du moins dans les sociétés occidentales, s’est tout d’un coup, révélé bien vivant... Personnage universel incarnant les idées de justice et de paix dans un monde livré aux pires injustices, ce Pape est arrivé à donner une visibilité et comme un rayonnement mondial au catholicisme. Il voulait une Église fortement unie et traditionnelle, et il a atteint son but, en marginalisant les contestataires ou en les poussant à la sortie. L’avenir de l’Église catholique est-il pour autant assuré ?
Dans les régions du Sud, elle progressera sans doute en nombre, mais dans les pays de vieille chrétienté, notamment de l’Europe de l’Ouest, l’avenir est loin d’être garanti : les positions dogmatiques de l’Église catholique, en matière de mœurs, de vérités sur l’Homme, de démocratie interne... heurtent trop les aspirations des individus de nos sociétés libérales. Il en sera de même en Europe de l’Est et ailleurs, progressivement. On dit qu’il y a à Varsovie, en Pologne, plus d’avortements et de divorces qu’à Paris. Même dans son propre pays, sa politique de reprise en main de la morale familiale n’autorise pas un bilan positif.
Certes, il faut reconnaître le combat qu’il a mené pour revendiquer le respect des Droits de l’Homme d’un bout à l’autre de la planète, en faveur des libertés en Europe de l’Est et contre le totalitarisme soviétique, ponctué du fameux "N’ayez pas peur". Il a fallu, sans doute, beaucoup d’audace pour promouvoir l’ouverture au dialogue avec les religions non chrétiennes, pour demander pardon à propos de l’attitude de l’Église envers les Juifs, et pour ce qui concerne la traite des esclaves... Mais force est de reconnaître qu’il n’a pas résolu les problèmes posés par la modernité, la communion avec nos frères chrétiens protestants et orthodoxes, la décentralisation et la démocratie interne. Il n’a pas su répondre non plus à la crise des vocations sacerdotales et religieuses (en Europe), à l’éloignement des fidèles des normes imposées par l’Église et à leur scepticisme croissant par rapport aux vérités traditionnelles. Il aurait fallu, par exemple, déverrouiller l’accès aux ministères ordonnés, renouveler le langage de la foi et faire appel à la conscience de chacun et à la responsabilité personnelle.
Bref, malgré les apparences, c’est une Église en état de crise que nous laisse Jean-Paul II. "Prestige externe rétabli, mais crise interne persistante", tel est le diagnostic rapide que l’on peut avancer. Son successeur, en union de recherche avec les chrétiens de tous les continents, aura à répondre aux urgences et aux défis de notre temps. Devra-t-on aller jusqu’à la convocation d’un nouveau Concile, comme le souhaite le cardinal Martini ?...
Pour notre part, nous souhaitons humblement, avec d’autres frères chrétiens, une Église qui :

- accorde le primat à la conscience individuelle, éclairée par l’Évangile ;

- présente un Dieu incarné qui élève l’humanité ;

- fait une approche plurielle de la vérité ;

- renouvelle les expressions de sa foi ;

- ouvre les ministères ordonnés aux hommes mariés et aux femmes ;

- restaure le dialogue en son sein ;

- fait avancer l’égale dignité des hommes et la justice dans le monde, en réduisant la fracture Nord/Sud ;

- travaille pour l’unité des chrétiens, tout en intensifiant le dialogue avec les religions non chrétiennes...

Il semble qu’un changement de cap s’avère nécessaire pour que l’Église retrouve pleinement sa Mission : susciter dans les cœurs des hommes la Parole, toujours nouvelle, multiple et audacieuse - et, dans le monde, une parole d’espérance qui renouvelle la face de la Terre. Que cette parole de Paul inspire nos responsables : "Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu". (Rom.12/2).

Reynolds Michel


"L’Esclavage l’a pas fini"

Tout le monde connaît cet adage chanté d’ailleurs par un groupe local, et je vous dis, moi, que plus près de nous qu’on le pense existent des esclaves !!!
Où ça ??
Si on regarde bien dans une de nos communes de l’Est, une, où son maire déclare haut et fort, en se frappant la poitrine, que chez lui, à défaut de pouvoir titulariser tout son personnel communal, il fait tout pour que ces personnes travaillent dans de bonnes conditions !!
Menteur !!! Je vous le dis, moi, en criant aussi haut et fort que ce cher maire que tout le monde aura reconnu n’est autre que notre très cher J.P. Virapoullé, et je vous apporte des preuves à l’appui. Je ne parlerai que dans le milieu dans lequel j’officie et que je connais bien pour y vivre chaque jour cette situation. Il s’agit des écoles maternelles de la commune. Mais je suis sûre, peut être à un degré moindre, que la situation est la même dans les écoles primaires. Figurez-vous que dans les écoles maternelles, jusqu’à présent, du personnel communal était chargé de faire le ménage et les Asem elles, avec les instits, encadraient les enfants, s’occupaient des divers petits travaux durant la journée. Il faut savoir que du matin au soir, elles ont à surveiller au moins 30 gamins, avec toutes les activités que cela comporte dans le programme scolaire, ce qui fait qu’en fin de journée, les Asem sont sur les genoux, elles n’ont qu’une hâte, rentrer chez elles et se reposer. Eh bien leur chef de service technique, avec sans doute l’accord de notre cher maire, a trouvé qu’elles n’en faisaient pas assez. Désormais, après le départ des enfants, ou le matin avant leur arrivée, les Asem deviennent femmes de ménage. C’est à elles de balayer, passer la serpillière, briquer les salles de classes.
Quand, sûres de leur bonne foi, elles demandent au chef de service l’envoi de femmes de ménage, il leur dit comme réponse : "A cause ? zot case zot lé pas habitué passe serpillière !!". C’est vous dire avec quel mépris cet homme traite cette catégorie de personnel. Il faut qu’il sache que contrairement à lui, toute la journée elles bossent, ces femmes, elles sont sollicitées, alors que lui, dès son arrivée, il s’enferme dans son “bureau climatisé”, le cul vissé sur son fauteuil rembourré, pour ne pas faire mal à son petit derrière, parce qu’il en a pour la journée, le pauvre, suspendu à son téléphone à raconter à ses copains les quatre cents coups de son dernier week-end, ou alors branché avec sa petite copine à préparer ses prochaines vacances à Maurice ou en Afrique du Sud. Elles, les esclaves, “les chiennes”, elles n’ont pas à être fatiguées, celles qui le disent sont des paresseuses. Qu’à cela ne tienne, si on ne peut obtenir une grâce avec les Saints, on s’adresse directement à Dieu !! Et on aura gagné ! Notre cher maire qui nous aime si bien y remédiera, à cette injustice !! Ah ! mon pauvre, ce bougre-là, sachant que sa carrière, du moins sur le plan municipal, est finie, et qu’au prochain mandat, il dégage de la Mairie avec pertes et fracas, n’y est pas allé par quatre chemins. À la Mairie, c’est impossible de le voir. Aussi, c’est à son domicile que les Asem ont essayé de le rencontrer afin de lui faire part de leur malheur. Vous pensez sans doute qu’il a aussitôt remis les choses en ordre et rétabli ces pauvres personnes dans leur bon droit !! Eh bien, vous avez perdu !!! Ce cher sénateur-maire les a poursuivies, demandant à ses gorilles, garde du corps, de les reconduire hors de sa propriété manu militari, et qu’à leur prochaine venue, l’accueil serait différent, si dès fois l’idée de revenir l’emmerder leur serait venue à l’esprit.
Et vous dites que l’esclavage est aboli depuis 150 ans ? Non, "l’esclavage l’a pas fini, lu na in not figure zordi".

Une employée communale excédée


Pour Thérèse

Te voilà, toi aussi, tout là-haut arrivée,
dans le monde béni de ce cercle fermé
que l’on dit réservé aux sages de la Terre,
à ceux qui, comme toi, naissent septuagénaires.
Ta vie, tu l’as bâtie avec forces sourires,
l’horizon idéal toujours en point de mire.
Tu savais cajoler tout en restant sévère,
dans son gant de velours, ta main était de fer.

Que te dire encore, maintenant que tu es
tout là-haut arrivée, au plus près du sommet ?
Vas, poursuis sous nos yeux ton éminent chemin.
Mène Paul jusqu’au bout de son bonheur sans fin.
Tiens au frais, dans un coin, un Chablis au tanin
qui donne à nos palais l’ivresse du divin,
et gardes sur nous tout ton regard bienveillant,
nous sommes si petits à nous croire bien grands.

R. Lauret,
Le Port


À - Dieu
Frère Martial, le Saint-Paulois !

Frère Martial, pour le civil Edwin Lauret, a rejoint l’auteur de sa vocation, ce dieu auquel il a voué toute sa vie, en ce 15 avril, à l’âge de 90 ans. Il avait été précédé par un autre illustre religieux, notre Pape Jean-Paul II. Frère Martial était né le 28 janvier 1915 à Bois de Nèfles Saint-Paul.
C’est à l’âge de 8 ans que ma vie croise son chemin. J’étais en Cours élémentaire 2ème année à l’école Saint-Charles à Saint-Pierre. Il était à cette époque plus que mon instituteur, il était mon maître, dans le sens où il me montrait le chemin à prendre pour devenir : "ce que je suis" comme le préconisait Saint-Augustin, cet illustre père de l’Église. De son enseignement j’en ai gardé un très bon souvenir, du religieux aussi. Il a aiguisé chez moi les arts tels que la musique, le dessin. Le Frère Martial s’appliquait surtout aux disciplines comme la lecture et la grammaire. Lorsqu’on écorchait un mot, il n’hésitait pas à nous le faire répéter plusieurs fois, pour que notre jeune mémoire s’en imbibe. Il était sévère lorsqu’il le fallait, mais il savait être indulgent. Pour récompenser les bons élèves, il distribuait des images pieuses ou des bons points. Nous étions au moins une cinquantaine d’élèves dans sa classe.
L’annuaire du diocèse 2005 définit les Frères des Écoles Chrétiennes en ces termes :

- Religieux, homme de prière,

- Religieux au service de la jeunesse,

- Religieux vivant en communauté.

C’est Jean-Baptiste de la Salle (prêtre 1651-1719) né en 1651 qui va être à l’initiative de la congrégation des Frères des Écoles Chrétiennes. C’est à l’époque de Louis XIV où le peuple connaissait une misère noire. La pénurie était le lot commun de tous les petits et s’accompagnait de l’ignorance. Lui, prêtre d’extraction bourgeoise et riche, il choisit de consacrer son ministère en privilégiant les pauvres. Parcourant les rues, il prend sous son aile les enfants les plus pauvres et leur enseigne lecture, écriture, ce qui faisait dans ces années-là : "les humanités".
L’institut des Frères des Écoles Chrétiennes s’est implanté à La Réunion en 1817, avec l’arrivée de 3 Frères. C’est tout naturellement et contrairement à toutes les règles établies que, le soir, les Frères donnaient des cours aux adultes esclaves, et le jour ils s’occupaient à instruire et à faire le catéchisme aux enfants esclaves.
Je n’étais pas fils d’esclave, mais fils d’ouvrier, descendant d’engagés. Dès l’âge de 5 ans, j’ai fait mon entrée à l’école des Frères de Saint-Charles à Saint-Pierre. J’y suis resté 6 ans. J’en garde des souvenirs inoubliables surtout des Frères Pascal et Martial qui nous ont quittés.
J’ai reçu de ces Frères les valeurs et ils m’ont donné les repères pour ma vie d’homme. Pour tout cela, Frère Martial, merci !

Marc Kichenapanaïdou


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