Le courrier des lecteurs du 19 août 2005

19 août 2005

Dieu... sportifs et artistes veulent en parler

Tout est parti de l’initiative il y a 2 ans du Père Sylvain Labonté, curé de la paroisse du Port. Les jeunes de la ville et ceux d’autres cités étaient invités à se rassembler pour disputer des tournois de football ou de basket ou encore pour s’élancer à pied ou à vélo dans les rues ombragées, aux alentours du complexe sportif. Objectif discuté le soir, tout au long d’une veillée de chants et de méditation : la nécessité pour le jeune de participer à l’animation de son quartier et de sa cité, dans une démarche où domine le respect de l’autre et du bien public.
Ce week-end, en marge d’un rassemblement du même genre, une rencontre permettra à des sportifs, à des artistes, des chanteurs, des poètes, des plasticiens, en un mot des créateurs, de dire ce qu’ils peuvent ressentir lorsque, au plus fort de leurs efforts, et quand s’étalent au bout de leur pinceau ou de leurs mains les couleurs ou les formes qui vont nous émerveiller ou nous attendrir, ils ont le fort sentiment qu’une flamme, une voix, une force ont guidé leurs engagements.
Qu’y a-t-il derrière le "Merci mon Dieu" qu’ils murmurent alors si souvent ? De quel Dieu s’agit-il ? Du Dieu du ciel ? Du Dieu de leur conscience ? Du Dieu de la vie ?
Pour certains, ce genre de débat relève de l’"inutile", puisque tout a déjà été dit.
Sans doute, bien que lorsque l’on cherche des traces, on n’en trouve pas beaucoup.
Alors, ils ont eu envie de témoigner entre eux, de débattre, de fouiller au fond d’eux-mêmes parce qu’ils ont le sentiment qu’il y a un point commun à partager : la nécessaire humilité qui donne une grande dimension à ce que chacun de nous est capable de faire.
Ils ? Ce sont : Simone Biedinger, Marco Boyer, André Canaguy, Daniel Chane Teng, Annie Darencourt, Fabrice Dijoux, Jean-René Dreinaza, Yves Dupuys, Jacqueline Farreyrol, Goulam Gangate, Catherine Gaud, Muntaz Ingar, Housseni Kourbane, Tonio Massain, Jean Bernard M’Radamy, Nathalie Natiembé, Jean-Louis Prianon, Alain Séraphine, Claude Tirel, Deni Véloupoulé, Pierrot Vidot, Swami Adwayanda, Gilbert Aubry, Issop Idriss Banian, Joël Ninon, Radjah Véloupoulé.
Ce sera ce samedi 20 août 2005 à 9h15 à l’OMS, Espace Françoise Mollard, 81 rue de Saint-Paul, au Port.
Vous y êtes conviés...

Raymond Lauret


Le retrait de Gaza, premier pas vers la Paix ?

Il semble que rien ne pourra empêcher la pleine exécution du retrait de Gaza. C’est un projet, pensé et préparé de longue date par Ariel Sharon. Souhaitons que ce retrait - véritable déchirement pour les familles juives - se passe avec le moins de violence possible et que la douleur des familles se transforme en un espoir de paix véritable.
Saluons, tout d’abord, le courage politique d’Ariel Sharon en la circonstance. Il présentait, il y a peu de temps encore, les Palestiniens comme un bloc homogène de terroristes, tout en refusant de payer le prix pour une véritable solution politique. Le responsable des massacres de Sabra et Chatila a-t-il pris conscience qu’il n’y aura pas d’État juif démocratique sans paix ? Veut-il enfin lever certains blocages sur la route de la cohabitation ou de coexistence pacifique entre les Palestiniens et Israéliens, entre les deux peuples ?

Un sacrifice nécessaire

Les colons doivent quitter leur maison, ce lieu qui a vu leurs enfants faire leurs premiers pas, où ont été prises les photos de leur premier sourire, où se chantaient les vœux de joyeux anniversaires adressés à plusieurs générations, où se sont éteintes des vies qui avaient peut-être échappé de justesse à l’Holocauste. Certains ont accepté de le faire volontairement - hommage soit rendu à leur réalisme, ne voulant pas imposer à des soldats de leur propre pays à intervenir contre eux et, hommage plus mérité encore à ceux qui ont refusé de détruire leur maison afin qu’elle puisse servir encore à des familles palestiniennes. D’autres ont décidé d’attendre une évacuation forcée, détruisant parfois tout ce qui pourrait encore servir au peuple palestinien, considéré comme un ennemi. Pour les uns comme pour les autres, ce départ ne peut se faire que dans la déchirure des cœurs et l’effondrement des rêves. Leur souffrance, et tout particulièrement celles des enfants qui y étaient nés et y avaient connu les premières expériences de vie, nous interdit de les mépriser.
Mais comment en est-on arrivé là ? On les a trompés pendant des années en les faisant rêver au grand Israël, à la pleine possession de “la terre promise”, par l’accélération de nouvelles colonies dans la certitude mortelle que la politique du "fait accompli" finirait par rendre inapplicables les traités et accords, fondés sur le droit international, maintes et maintes fois rappelés. Certains de ces colons ont encouragé eux-mêmes cette attitude et l’ont enseignée à leurs enfants. Il est à souhaiter que cette évacuation dans la souffrance les conduise à prendre conscience que : depuis 1967, la Cisjordanie et la bande de Gaza sont territoires occupés, dominés, écrasés politiquement, socialement, économiquement et que d’autres évacuations forcées, celles de familles palestiniennes, avaient eu lieu avec des souffrances identiques mais d’autant plus fortes qu’elles n’avaient pas de justification. C’est tout le peuple d’Israël qui doit reconnaître qu’il n’y aura pas de paix sans l’abandon de la quasi-totalité du territoire conquis, avec les implantations juives qui s’y sont installées. Le bien de l’ensemble du pays et la marche vers la paix passent par cette décolonisation et la naissance d’un État palestinien.
Les Palestiniens souffrent de voir leur pays occupé depuis plus de 36 ans et vivent pratiquement sans droits et dans une certaine frustration. Leur réponse a été celle des pierres jetées contre les forces d’occupation. Elle s’est malheureusement étendue à des actions bien plus meurtrières. Il leur revient à eux aussi de comprendre que tirer sur les civils, mettre des bombes sur les routes, dans les bus ou les restaurants, en un mot favoriser la violence ne peut conduire qu’à l’impasse.

Des ponts pour la paix

À la différence d’un mur qu’on peut construire facilement en commençant en un point donné pour le faire avancer toujours plus loin, les ponts se construisent bien plus facilement en engageant des bâtisseurs sur les deux rives. Lorsque Israël lança la construction de son mur de séparation, on a fait remarquer à juste titre que pour éviter l’embrasement du Moyen-Orient, des ponts étaient bien plus nécessaires que des murs. Par-dessus le vide des anciennes colonies juives, maintenant évacuées, les dirigeants israéliens et palestiniens et leurs peuples sauront-ils bâtir ces ponts indispensables ?
Le jour de leur inauguration, voici les noms qui pourraient leur être donnés : "La vie avant la domination", "Injustice reconnue et réparée", "La paix : notre plan et notre projet", "Nous sommes deux peuples frères". Et ce jour-là, soyons en certains, il y en aura du monde à leur inauguration ! Bonne chance, donc, à leurs bâtisseurs.

Théophane Rey,
Reynolds Michel


Un homme de la Parole

Tous ceux qui ont le bonheur de l’entendre, ou de le lire, se posent tous la même question : mais comment se fait-il qu’un homme aussi libre, aussi indépendant, qui a toujours son franc-parler et ose dire les choses bien en face, qui ne ménage pas plus son Église que n’importe quelle institution, allant même jusqu’à se montrer très critique à son égard, lui reprochant par-dessus tout ses compromissions permanentes avec le pouvoir, comment se fait-il qu’il ait pu s’engager dans une telle voie, qu’il a cependant lui-même choisie, et qu’il n’a jamais quittée depuis ses 19 ans malgré toutes les tentatives d’étouffer sa parole, tous les mauvais coups montés contre lui jusqu’au plus récent et au plus traître : profiter de son absence pour l’expulser de son couvent à l’âge de 84 ans ?
Sa réponse, vous la trouverez bien-sûr dans toutes ses prises de parole et dans tous ses écrits, elle est contenue en grande partie dans son livre "Fidèle Rebelle" publié en 1994, pour lequel son ami Albert Jacquard a écrit dans la préface : "Jamais titre de livre n’a été aussi bien en accord avec le message contenu. La fidélité n’est créatrice que si elle est au service d’une rébellion toujours plus intransigeante. La rébellion n’est féconde que si elle est inspirée par la fidélité à une exigence toujours plus rigoureuse".
Sa réponse, elle s’affine et s’approfondit dans "Verbe incarné contre Sexe tout puissant", son ouvrage le plus récent, paru au début de l’année, et tout particulièrement dans ce passage que j’ai relevé spécialement à votre intention :
"J’avais dix-neuf ans quand j’embrassais la profession d’homme de la Parole ; la Parole, dès mon enfance, il n’y avait qu’elle qui comptait pour moi. Aussi ai-je pris très vite en horreur l’expression consacrée "avoir la parole facile". Parce que c’est aussi laid que de dire d’un homme ou d’une femme qu’ils ont la vertu facile. Je voulais embrasser plusieurs professions à la fois : mon désir était d’être en même temps et du même élan, avocat, comédien, ou plutôt acteur, et prédicateur. Une profession dont je pourrai faire profession, qui saisirait mes énergies en radicalité. Je me situais ainsi bien au-delà du prêtre, qui m’apparaissait d’abord comme l’homme du culte. Rien à mes yeux n’était plus beau, plus comblant, rassasiant, que de me griser, de m’enivrer de la Parole, devinant déjà qu’elle culminait dans le Verbe. Dans le vocabulaire courant, le verbe n’est que le nerf de la phrase qui comporte des substantifs, des adjectifs, des compléments. Pour moi, non seulement ce n’était pas ça, mais je pressentais qu’il y avait un lien entre le sens grammatical du verbe et le Verbe de toute la vie. Et peu à peu, je découvrais expérimentalement, au fur et à mesure que j’éprouvais la force de conviction, de diffusion du Verbe, ce qui m’apparaîtrait la première fois où je faisais la lecture du quatrième évangile, que le Verbe c’est Dieu. Non seulement qu’il est Dieu mais qu’il est Dieu se faisant chair". (Jean Cardonnel).

Georges Benne,
Le Tampon


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