Le courrier des lecteurs du 19 decembre 2005 (suite)

19 décembre 2005

Arnold Schwarzenegger, t’es un salop !

À chaque fois c’est pareil, mes dents se serrent, mes poings se figent, puis j’écris pour le courrier des lecteurs et je vous demande de lever vos regards au-dessus de la vie matérielle, je vous demande de quitter vos occupations un instant pour réfléchir à la mort, la mort donnée par des hommes à un homme, la mort d’un "peut-être" innocent. Bien entendu, s’il était "peut-être" coupable, je hurlerai tout aussi fort, je gueulerai tout aussi fort : "Arnold Schwarzenegger, t’es un salop !"
Terminator avait depuis quelques semaines le sort d’un homme entre ses mains, il avait le droit de vie ou de mort sur Williams Stanley Tookie. Le tout puissant gouverneur de Californie, sorte de caricature néo-nazie à l’américaine, n’a pas daigné décrocher son téléphone pour dire "Stop". Il était bien trop content le taré, pour une fois qu’il pouvait vivre la réalité de ses phantasmes cinématographiques, pour une fois que le pouvoir qui lui était accordé n’était plus virtuel mais bien réel, il n’allait pas s’en priver ! Et qui sait si au moment où le liquide mortel s’est introduit dans les veines de Tookie, son désir le plus fort n’a pas été de presser lui-même sur le bouton commandant les seringues ! Je ne peux me résoudre à ce qu’un pays qui prétend défendre les droits de l’Homme, qui veut partout porter le drapeau de la démocratie, qui fait la guerre pour imposer son point de vue, soit peuplé de personnages aussi barbares. Non, je ne crois pas que l’Amérique ce soit cela, je ne peux m’imaginer qu’un jour cela ne change. La raison de la peine de mort aux États-Unis à l’aube du 21ème siècle m’interpelle toujours autant, et ne nous y trompons pas, la raison est aussi citoyenne. En effet, ce pays traverse une grave crise démocratique, de moins en moins de citoyens sont inscrits sur les listes électorales, de moins en moins de citoyens s’intéressent à la vie publique. Alors je me mets à rêver que si tous les Américains se rendaient aux urnes, ils dégageraient à jamais ces tristes personnages du paysage politique de leur pays.
Pour en revenir à la peine de mort, il est quand même catastrophique que le pouvoir de tuer demeure après tous les recours entre les mains d’un seul homme. Rappelons-nous qu’il en fut de même il n’y a pas si longtemps dans notre pays, rappelons-nous que le dernier guillotiné, Christian Ranucci, le fut parce que Valéry Giscard d’Estaing lui refusa sa grâce, alors qu’il est fort possible qu’il ait été lui aussi innocent. Depuis, François Mitterrand et Robert Badinter sont passés par là, rayant ainsi la France de la liste des nations barbares ! Maintenant, je voudrais avoir une pensée pour Tookie : Qui était Tookie ? Il vivait depuis 1981 dans le couloir de la mort, attendant chaque jour l’exécution de la sentence finale, mais ces années de prison il les a consacrées tout entières à la non violence. Au cours de sa détention, Tookie a connu une transformation spirituelle. Il a renoncé à l’esprit des gangs et a prononcé des excuses publiques pour son rôle dans la promotion de la violence des gangs. Il a décidé qu’il consacrerait le reste de son existence à aider les enfants à prendre de meilleures décisions que celles qu’il avait prises.
Dans cet objectif : Il a écrit 9 livres pour les enfants à propos des dangers de la vie dans un gang, qui ont pu transformer la vie de milliers de jeunes gens tout autour du monde.
Il a créé un Protocole pour la paix dans les rues, qui a pu être utilisé pour établir des trêves par des délégations de gangs rivaux dans le pays et dans le monde. À chaque fois que c’était possible, il s’adressait aux enfants des écoles de tous âges, aux enseignants, aux délinquants juvéniles, aux membres de gangs, aux directeurs d’écoles, pour dire la nécessité de mettre fin à la violence des gangs et souligner l’importance d’une scolarité prolongée.
Il a été porteur d’espoirs pour des milliers de jeunes en danger en Californie, aux États-Unis et dans le monde. En reconnaissance de son travail, Stanley Tookie Williams a été nominé 5 fois pour le Prix Nobel de la Paix et 4 fois pour le Prix Nobel de Littérature.
Je terminerai en vous disant qu’à chaque fois que le collectif "Ensemble contre la peine de mort" m’envoie une pétition à signer pour sauver la vie d’un condamné, je la signe immédiatement, et malheureusement presque à chaque fois, ma signature n’a servi à rien ou presque, mais cette fois pour Tookie, je pensais au vu du dossier que c’était gagné. Qui aurait le courage d’enlever la vie à un homme à qui bien des hommes étaient prêts à donner le prix Nobel de la paix ?
Désolé de vous avoir fait regarder la réalité en face, mais c’est plus fort que moi. Je ne peux rester sans rien dire lorsque le pouvoir se fait assassin.

Guy Ratane-Dufour

http://www.espaceblog.fr/ratane/


Le non-développement de l’Est... à qui la faute ?

Depuis maintenant plusieurs mois, régulièrement, nous voyons dans les médias certains élus intervenir pour montrer du doigt le déficit en matière économique et de développement de la région Est. L’intention est sans doute louable, car il est vrai que cette micro-région est l’une des 4 micro-régions qui souffrent le plus du chômage, du manque d’attractivités, de carences en équipements... Il est sans aucun doute louable de créer enfin les conditions pour accueillir de nouvelles entreprises.
Cependant, je crois qu’il conviendrait de la part de ces mêmes élus de s’interroger sur les causes de cet état de non-développement de cette région de l’île. Et surtout sur les responsabilités que les uns et les autres ont pu avoir dans cet état de fait. Là par contre, ces responsables politiques ne font aucun bilan. Car il serait également louable de nuancer le monopole que croient avoir ces personnes dans la défense d’une région qu’ils ont contribué (eux ou leurs mentors politiques) à laisser perdurer dans un état défaillant depuis maintenant plus de 3 décennies. Ces personnes qui aujourd’hui pleurent la situation catastrophique de cette région de l’île appartiennent à la même famille politique que ceux qui ont occupé la majeure partie des responsabilités politiques dans cette micro-région. Ils ont été ou sont toujours maires, adjoints, conseillers généraux, vice-présidents du Conseil général, conseillers régionaux, députés, sénateurs, conseillers communautaires, vice-présidents et présidents de Communauté de communes. Ces mêmes personnes ont occupé tous les postes à responsabilité politique et imaginables, et malgré cela, la micro-région Est demeure dans un état déploré (et déplorable) aujourd’hui. À qui la faute ? Qu’a-t-on fait depuis 30 ans pour développer cette région ? Qui en est responsable ?
Prenons des exemples précis. Et permettez-moi de citer des exemples dans la ville dans laquelle je milite depuis l’enfance. Ainsi, sur Saint-André, qu’a-t-on fait pour le développement économique de cette ville ? Qu’a-t-on fait pour mettre en place le port de Grand Canal à Champ Borne (toutes les autres villes ont aujourd’hui leur port et le dernier en date est celui de Saint-Rose dont le maire de l’époque avec la Région Réunion ont permis son émergence) ? Qu’a-t-on fait pour prévoir et anticiper la disparition des usines de Saint-André ? Qu’a-t-on fait pour anticiper la mutation, d’un point de vue économique, de Saint-André ? Qu’a-t-on fait (et que fait-on ?) pour permettre le désenclavement de notre ville et pour y améliorer la circulation collective ? Qu’a-t-on fait pour privilégier le développement durable au lieu et place de choix électoralistes et politiciens (et le pire c’est que ces élus semblent ne pas rompre dans leurs choix politiciens en refusant par exemple un moyen de désenclavement durable et global, complémentaire et indispensable au développement économique, tel que le Tram-train) ?
Alors je crois qu’il s’avère nécessaire de préciser certaines choses et surtout d’éclairer l’opinion sur les responsabilités qu’ont pu avoir des élus quant à la situation de la micro-région Est. Je crois que cela est essentiel pour l’avenir de savoir que la situation économique de cette région de l’île est directement liée à son histoire politique plus ou moins récente... Qu’on le sache et qu’on en tire les conséquences !

Éric Fruteau,
conseiller général


Trêve universitaire ?

Ces derniers mois, la situation à l’Université de La Réunion s’est particulièrement dégradée : manœuvres, tensions, rumeurs assassines, conflits. Plusieurs articles parus dans la presse ont fait écho de cette situation. C’est au terme de cette période qu’ont été organisées les élections pour le renouvellement des différents conseils. Au final, quels ont été les résultats ?
Le président et son nouvel allié le Doyen de la Faculté des Lettres n’ont pas été élus ! Quel symbole ! Ils ont été repêchés par le biais des démissions provoquées de leurs colistiers.
L’UNEF dont les dirigeants avaient rallié le président a connu une bérézina chez les étudiants.
On aurait pu alors penser que les conséquences allaient être tirées pour le 2ème tour électoral, c’est-à-dire les élections des vice-présidents dont les dates ont été astucieusement reportées juste avant la fermeture de l’Établissement. Il n’en fut rien !
Résultats : Le Doyen de la Faculté des lettres présenté par le président pour prendre en charge le Conseil des Études et de la Vie universitaire a fait l’objet d’un rejet massif. Il n’y a donc pas aujourd’hui de vice-président chargé des études et de la vie universitaire.
L’élection du vice-président du Conseil scientifique s’est faite sur fond de dissensions !
L’élection de la vice-présidence Étudiants a été reportée sine die !
Quant à la vice-présidence du Conseil d’administration, le président a dû se résoudre, dos au mur, à la proposer au collègue qui l’occupait dans la mandature sortante, majorité dont il voulait s’en débarrasser.
Conséquence, le président qui n’a pas de majorité dans les Conseils, n’a pas d’équipe, et nul ne sait quand et sur quelle base il sera en mesure d’en constituer une !.
Péripéties électorales dira-t-on, sans doute mais pas uniquement et pas si sûr ! Car tout ceci arrive au pire moment pour l’université : contexte national extrêmement difficile, élaboration du contrat quadriennal, négociation de notre carte de formation, ouverture de l’UFR dans le Sud, stagnation de nos effectifs, concurrence d’autres établissements universitaires....
Si donc on revisite ce qui a été réalisé depuis 18 mois de présidence, à l’aune des résultats actuels, on mesure le gâchis. Pour que ce gâchis ne tourne pas au désastre dans les mois et les années qui viennent, il ne reste plus qu’à espérer que les priorités soient désormais inversées à l’Université, en faisant de la défense de l’Établissement et de ses intérêts pour les étudiants, pour la communauté et La Réunion, notre mobilisation première !
Espérons que la trêve des confiseurs ramène la présidence de l’Université de La Réunion sur la voie de l’intérêt général et de la sérénité. C’est en tout cas notre vœu le plus cher pour 2006.

Raoul Lucas,
membre du Conseil d’administration de l’Université


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