Le courrier des lecteurs du 22 decembre 2005

23 décembre 2005

Noël : le Nouveau-né contre Pouvoir et Tout-marché

C’est pour faire honnêtement mon métier de frère prêcheur, de prédicateur ou plutôt d’orateur du Verbe fait chair que je me plonge dans l’Évangile du minuit de Noël selon Saint Luc. Il a l’ampleur d’une œuvre théâtrale. Le rideau se lève sur l’acte gouvernemental impérial par excellence : "En ce temps-là parut un édit de César Auguste pour faire recenser le monde entier". C’est ainsi par un décret que s’impose le pouvoir suprême reconnaissable au geste le plus éclatant de sa divine majesté : l’ordre de faire compter, calculer le nombre infini de ses sujets. Il en résulte dans la ligne de sa logique cosmique, universelle, que, si le divin César Auguste est la visibilité terrestre de l’invisibilité du pouvoir céleste, le Souverain Seigneur des cieux et de la Terre se doit d’apparaître comme le Super pharaon, le Roi des rois, l’Empereur de tous les monarques.

Eh bien ! il me suffit de bondir du lever de rideau gouverneur-dominateur-recenseur en plein cœur de l’Histoire pour découvrir que la réalité, le premier, dernier mot du réel est le contraire absolu de l’acte impérial tout-puissant. Tandis que l’Empereur dirige, calcule, décrète, commande à ses sujets, l’ange du Créateur parle à des bergers. Oui, à des bergers, l’avant-garde prophétique du peuple de tous les pauvres. Frémissant, vibrant d’allégresse conviviale, il leur dit, chante et danse : "Soyez sans peur. Je viens vous annoncer la bonne nouvelle, l’heureuse nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple...". C’est ça qu’il faut saisir, réaliser d’urgence. Pas le 2005ème anniversaire de la très lointaine naissance du Christ. Pas davantage une fête annuelle des recensés chrétiens. Non ! Mais la nouvelle, radicalement neuve, créatrice, qui sera joie foisonnante, délirante pour tout le peuple, pour toute l’Humanité sans frontières, ni d’espace ni de temps, de siècles : Un Sauveur vous est né, le Libérateur vient d’être mis au monde entier.

Il faut d’urgence écouter, accueillir : c’est-à-dire réaliser la fantastique actualité de Noël. Si c’est le Salut public d’une vie publique, si c’est le Sauveur, le Libérateur qui vient de naître, comment son vicaire peut-il condamner les théologies de la libération, signifiant par là qu’il proclame comme seule orthodoxe la théologie de la domination et de la conservation ? D’autant plus que, parole d’ange, d’esprit pur, nous savons tous, par simple lecture-culture évangélique, à quoi, à quel signe on reconnaît le Sauveur, le Libérateur : "Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire".

Il n’y a pas une once de mystère là-dedans. C’est clair comme l’eau de roche. Évident, enfantin : le trajet direct sans escale, sans station balnéaire ni nonciature dite apostolique, de la mangeoire à la croix d’esclave insurgé, condamné pour crime de lèse-majesté du pouvoir, au cloué à l’instrument de torture d’où il s’élance pour soulever, déchaîner tous les vivants et tous les morts.

Faut-il ne rien comprendre à la rigueur logique de l’Amour en acte libérateur-créateur pour remplacer le Nouveau-né, l’enfant de l’insurrection, de la résurrection par le vieux de la consommation, le préfabriqué sénile Papa Noël !
Avec le Verbe à la bouche parlant de l’abondance du cœur, nous avons de quoi ridiculiser la proposition burlesque "pour un marché libre des cultes" qu’a formulée Charles de Laubier, essayiste, dans “Le Monde” du vendredi 2 décembre 2005, afin de "déréglementer les religions comme l’ont été les Télécoms et l’audio-visuel en créant une autorité compétente chargée d’organiser la concurrence".

Avec l’unique Parole faite chair pour ne jamais rester un mot en l’air, soulever ainsi, susciter, res-susciter tous les vivants et tous les morts jusqu’à l’ultime résurrection au mordant insurrectionnel, de la chair-même du monde, j’appuie résolument, sans un brin d’ironie, la suggestion faite au président de la République française dans “Le Monde” du mardi 13 décembre 2005, par Pierre Nora, de l’Académie française, membre du Haut comité des célébrations nationales : "Pendant que vous y êtes, sortez donc Napoléon des Invalides pour le rendre aux Corses et mettez-y à la place la tombe de l’esclave inconnu". Oui, mille fois d’accord, parce que, cet esclave inconnu mis en stricte justice à la place du monstre non pas corse mais impérial, esclavagiste, colonialiste, c’est, de la mangeoire à la croix, notre unique Dieu au signe qui ne trompe pas : ennemi de tout pouvoir et de la libre concurrence, même européenne non faussée du Tout-marché, il n’a pas d’autre identité que celle des hommes, des femmes, des enfants, des peuples, des colonisés, des esclaves vivants et morts sans aucune identité. Le Dieu incarné se veut toujours le colonisé, l’esclave inconnu contre l’Empereur archiconnu.

Jean Cardonnel


Noël  : le miracle des recommencements

En ces jours de veille de Noël, les chrétiens se préparent à fêter la naissance du Christ, le Verbe fait chair. Naissance. Maternité. Pour chacun de nous sa propre origine. Un commencement : quelque chose de neuf, une vraie nouveauté. Un poids d’espérance. Une lumière. Mais une lumière encore bien fragile dans la nuit.
Notre monde est dans la nuit. La violence est partout. Violence de la misère qui marginalise des millions d’hommes et de femmes. Violence de la guerre qui déchire des ethnies et des peuples. Violence aveugle du terrorisme qui tue des innocents par milliers. Violence du fossé grandissant entre pays pauvres et pays riches. Violence du chômage qui plonge des masses de jeunes dans le désespoir et la violence.

Veilleur, que vois-tu encore dans la nuit ?

Dans la nuit de ce monde marqué par les malheurs et les tragédies, je vois poindre une lumière confiée entre les mains d’un enfant. L’enfant, promesse de vie. "Dans la naissance de chaque homme, le commencement originel est réaffirmé. C’est parce qu’il est un commencement que l’homme peut commencer", écrit Hannat Arent, méditant sur Saint Augustin.
Tout est de nouveau possible. Le monde n’est plus voué à la répétition des cycles malheureux qui accablent l’histoire des hommes. Le miracle des recommencements est possible. Les forces de vie peuvent devenir plus fortes que les forces de mort. C’est le message universel de Noël.
Pour les chrétiens, Noël, c’est l’irruption de Dieu dans notre histoire. C’est Dieu qui épouse notre humaine condition. "De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté", nous dit Paul (2 Co 8,9). Rien à voir avec le mot célèbre de Feuerbach : "L’homme pauvre s’est fait un Dieu riche". C’est tout le contraire !
Nous mesurons ici la profonde originalité de la foi chrétienne : "Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu", disent en chœur les Pères de l’Église. Autrement dit, Dieu s’est fait homme pour nous rendre “participants de sa divinité”, pour restaurer notre statut de “créateur créé”. Bref, la révélation de Dieu dans l’enfant de la crèche est en même temps la révélation de la dignité et de grandeur de l’Homme, de notre dignité et de grandeur d’hommes et de femmes.
Le message de Noël est donc une invitation, mieux, une mise en demeure de reconnaître notre dignité et celle de nos frères. Et la grandeur de notre vocation de créateur, de cette vocation à construire un monde plus humain, plus beau pour tous les enfants nés et à naître.
L’espérance de Noël est cette invitation pressante à nous mettre en route avec les bergers et les mages à la rencontre de l’Enfant-Dieu, en étant attentifs au signe qui nous est donné : "Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire". Autrement dit, c’est dans l’humain, dans les plus humbles, dans le combat pour l’Homme, pour la justice, que nous rencontrons Dieu et construisons un monde de justice et de paix.
La grâce de Noël, c’est de croire que nous sommes capables de recommencements, capables de rencontres humaines dans l’amour et le service, capables de construire avec nos frères un monde habitable pour l’Homme. Bref, “capables de Dieu”, c’est-à-dire d’accueillir la relation à Dieu, parce que capables de nous rencontrer sur le chemin de la paix, à construire ensemble.
"Que l’Homme soit, et Dieu apparaîtra au cœur de l’Histoire, comme l’espace infini où notre liberté respire" (Maurice Zundel).

Reynolds Michel


Leur Histoire et la nôtre

Lutte Ouvrière s’associe à toutes les protestations demandant l’abrogation de la loi reconnaissant "le rôle positif de la colonisation française".
Pendant des mois, le gouvernement n’a pas été gêné par le fait que l’Assemblée ait adopté en février dernier cette loi.
Mais dès que des Antillais se sont mobilisés contre la venue de Sarkozy, en lui reprochant entre autres choses cette loi et le refus de l’UMP dont il est le président, de l’abroger, Villepin a fait un tout petit pas en arrière en déclarant que ce n’est pas à l’Assemblée d’écrire l’Histoire. Il a été en cela suivi par Chirac, qui n’a tout de même pas été jusqu’à demander la suppression de cette loi.
La majorité de droite est pourtant dans son rôle lorsqu’elle défend le passé colonial d’une bourgeoisie qu’elle représente encore aujourd’hui. Mais on peut aussi s’interroger sur la sincérité d’un Parti socialiste qui a mis 9 mois à découvrir ce que ce texte avait d’indécent, et qui surtout a été complice de toutes les guerres coloniales.
Ceux qui affichent leur solidarité avec les victimes d’hier, opprimées, exploitées, humiliées par des minorités esclavagistes puis colonialistes, ont d’autant plus raison de le faire que cela ne concerne pas le passé. Car même si aujourd’hui certaines méthodes ont changé, il y a toujours des riches et des pauvres, des exploiteurs et des exploités, des oppresseurs et des opprimés.
Aux travailleurs de choisir leur camp et leur histoire.

Lutte Ouvrière-Réunion


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