Le courrier des lecteurs du 23 juillet 2005

23 juillet 2005

(page 8)

Pas gêné, Monsieur Chirac ?

Dans un discours lors de sa visite express à Madagascar, notre Chirac national a dénoncé "le caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial". C’est bien le moins que l’on pouvait dire pour un massacre de plusieurs dizaines de milliers de Malgaches perpétré en 1947. Mais c’est loin d’être suffisant ! Comme s’il suffisait de regretter en parole, un demi-siècle plus tard, des actes génocidaires pour se considérer comme lavé de toute autre responsabilité. Il faut aller plus loin.
Premier point, tout récent : la loi du 23 février 2005, promulguée par le même Chirac, affirme le "rôle positif de la présence française outre-mer". Certes, la colonisation a pu avoir quelques effets bénéfiques, mais on ne peut ignorer les dégâts considérables commis par l’armée et les efforts d’acculturation des indigènes de la République (nous, Réunionnais y compris).
Pourtant, la liste de toutes ces exactions serait très longue : les massacres de Sétif en 1945, la torture pendant la guerre d’Algérie, la ratonnade parisienne de 1961, la responsabilité dans le génocide rwandais, la déportation des enfants réunionnais, etc... Cette loi de 2005 est écrite noir sur blanc dans le “Journal officiel”. Mais ça ne semble pas gêner notre Chirac, toujours prêt à déclarer une chose et son contraire : la loi affirme le rôle positif de la présence française et Chirac dénonce les dérives du système colonial. Faut oser !
Second point, plus grave : la présence et la persistance dans la Constitution française de l’article 88 qui précise que "la République peut conclure des accords avec des États qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations".
On ne peut qu’approuver Carmenza Charrier qui écrivait dans un article du “Monde” du 6 janvier 1999 : "Ainsi rédigé, l’article 88 postule, chez les États intéressés, un stade de civilisation inférieur à celui de la République, postulat qui peut surprendre de la part d’un peuple qui a fait de l’égalité plus qu’un principe, un dogme... il convient, par pudeur, par bienséance, de le supprimer. Le conserver serait donner raison et une arme à ceux qui, à l’étranger, brocardent une supposée arrogance française".
C’est donc clair et constitutionnel : la civilisation française a atteint un stade de civilisation supérieur à d’autres ! Les massacrés de la colonisation ne désapprouveront pas...
Troisième point, plus concret : il est temps de ne plus nous cacher derrière une histoire partielle et réécrite à notre avantage. Les historiens, les enseignants ne doivent pas se voir dicter l’histoire nationale par des lois. Les livres d’Histoire de nos enfants ne doivent rien cacher de nos gloires ni de nos ignominies, même si on sait bien que l’objectivité totale reste inaccessible.
La commémoration de ces événements infamants doit être organisée au même titre que celle du massacre du Vél d’Hiv des 16-17 juillet 1942 (participation de Dominique De Villepin en 2005). À quand l’anniversaire des massacres de Madagascar avec une participation française de haut niveau ?
Oui, la dette vis-à-vis des colonisés de la France est autrement plus grande que les quelques miettes que la communauté internationale vient de leur concéder sous forme financière.

Charles Durand,
Le Brûlé (Saint-Denis)


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