Le courrier des lecteurs du 25 juin 2004

25 juin 2004


"C’est quoi : neuf, sept, quatre ?"

Le 9 mai dernier, à Barbès (Paris-18ème), un fonctionnaire de Police demandait à Patrick Marouvin, un Saint-Paulois, steward de profession sur une compagnie aérienne britannique et qui avait malencontreusement traversé une rue déserte, au feu vert, vers vingt-trois heures trente : "C’est quoi : neuf, sept, quatre ?" Le policier avait même ajouté, selon Patrick : "c’est où ton trou ?"
Il est bien dommage, Monsieur, que vous n’ayez jamais entendu parler de La Réunion, île Française de l’océan Indien. Et que l’on ne vous ait pas, à l’école de Police, remis un tableau des Départements français, depuis l’Ain (01) jusqu’aux Antilles (971, 972), Guyane (973), Saint-Pierre et Miquelon (975) et 974 pour notre Département d’Outre-mer, ancienne Île Bourbon, française avant le Corse, le Comté de Nice et la Savoie.
Vous devriez savoir qu’y vivent en harmonie des Français de toutes origines ethniques, que les institutions d’État, les collectivités y fonctionnent comme en Hexagone et que les Réunionnais sont fiers d’avoir défendu les couleurs de la France lorsque les appelait la République, comme ils les défendent présentement dans les compétitions sportives de haut niveau.
Plutôt que de formuler une question pour le moins inconvenante et déplacée (cela ne s’invente pas "c’est quoi : neuf, sept, quatre ?"), vous auriez pu avoir le minimum de savoir-faire policier, de psychologie, de civisme, de respect humain envers un garçon qui - s’il n’a pas le look du Français moyen - n’en est pas moins un citoyen responsable qui a quitté son pays natal à 10.000 kilomètres pour venir en Europe, vers l’ouverture au monde, se faisant recruter par une compagnie aérienne britannique, ce qui le fait voyager dans le monde entier et visiter des capitales autres que celle où vous professez (passant sans problème les contrôles de police et des douanes).
Les mauvais traitements subis entre son interpellation et sa garde à vue, qui l’ont conduit en service de chirurgie pour intervention d’urgence, risquent de laisser des séquelles, qui se traduisent d’ores et déjà par 70 jours d’arrêt de travail.
Ici à La Réunion, l’on peut reconnaître qu’une reprise en main par la Police est nécessaire, au niveau des zones urbaines de non-droit, mais l’on demande que cela soit conduit dans le respect de la procédure et de la déontologie policière.
Et qu’en cas de dérive, une enquête soit diligentée dans des délais rapides et que des sanctions puissent être prises en cas d’abus délibéré.
Et pour ces raisons, des personnalités de la société civile de La Réunion se sont regroupées au sein d’une “Association réunionnaise de défense des Victimes de discrimination raciale”, qui saura défendre les citoyens Français de La Réunion, victimes du racisme.

Association Réunionnaise de Défense des Victimes de discrimination raciale (A.R.D.V.)


Pourquoi cette opposition à Auguste Lacaussade ?

1794 : la Convention nationale abolit l’esclavage.
1802 : le dictateur corse Napoléon rétablit l’esclavage.
1815 : une esclave affranchie, Fanny, met au monde Auguste Lacaussade.
1825 : cet enfant est obligé de s’exiler parce que le directeur du collège royal, pétri des préjugés racistes de son temps, refuse de l’inscrire parmi ses élèves.
2004 : l’éditeur Christian Vittori décrète à La Réunion que le retour dans son île natale des restes de cet enfant d’esclave devenu poète ne doit pas avoir lieu.
"Cette idée est saugrenue et malvenue", écrit-il. Pourquoi ?
Eh bien parce qu’Auguste Lacaussade n’a jamais formulé ce désir, selon ce monsieur. Rien que cela. Pourtant Monsieur Vittori se présente comme un savant. Avant d’écrire cette phrase, il a d’abord fait un historique des prestations données dans à La Réunion depuis Narcisse Bonne en 1972 jusqu’à lui et M. Pitchaya dans le cirque de Salazie, sans oublier les rééditions des “Salaziennes” par Mario Serviable et des “Poèmes et paysages” par l’Académie de l’île de La Réunion.
Il est fier de dire qu’il a lu la “24ème Salazienne” à Salazie, où il est question de Willima Falconer. Mais pourquoi M. Vittori n’a-t-il pas lu la “29ème Salazienne”, puisqu’il était dans la patrie de l’esclave marron Anchain ?
Dès lors qu’il a cité ces ouvrages, nous ne lui ferons pas l’injure de dire qu’il ne les a pas ouverts. Mais je pense qu’il n’a rien compris en lisant les poèmes “La mer” et “Hoc erat in votis”. Je ne citerai pas ces poèmes ici, de peur que ma lettre soit trop longue. Je conseille aux lecteurs d’aller lire ces deux textes dans les bibliothèques municipales et les médiathèques ; ils verront que Monsieur Vittori induit le lecteur en erreur en falsifiant l’histoire, en cachant ces textes pour arriver à justifier son opposition à l’action menée pour le retour des restes mortels de Lacaussade à La Réunion.
Qu’il désapprouve ce que les autres font, c’est son droit le plus absolu, mais qu’il emploie des propos mensongers pour essayer de faire croire qu’il détient la vérité, alors je dis non ! Il s’agit de méthodes dictatoriales indignes lorsqu’on vit dans une démocratie.
Monsieur Vittori, il faut essayer de comprendre que le monde ne commence pas avec vous et ne se termine pas avec vous. Vous confondez tout. Vous êtes opposé à une graphie créole et pour cela vous utilisez le pauvre Lacaussade pour déverser votre bile. On ne peut vous suivre sur ce terrain.
Pour manifester son opposition au projet des amis de Lacaussade, Monsieur Vittori cite l’argument irréfutable : le testament. Oui, un testament a force de droit. Mais voilà ! Il y a un précédent qui prouve qu’un testament n’a pas toujours force de droit. Et c’est l’Académie de l’île de La Réunion qui a créé ce précédent en s’investissant dans le retour des restes de Leconte de Lisle, à la fin des années 1970, alors que Leconte de Lisle n’avait jamais dit qu’il voulait être inhumé à Saint-Paul. Alors pourquoi la jurisprudence Leconte de Lisle ne peut-elle pas être appliquée à Lacaussade ?
Monsieur Vittori sait que si les descendants de Lacaussade sont d’accord pour l’opération, celle-ci devient possible, comme cela a été le cas pour Leconte de Lisle. Alors pourquoi parle-t-il ? Parce qu’il ne veut pas demain être obligé d’aller accueillir les restes d’un fils d’esclave ? Cet acte lui paraît-il insupportable ? Puisqu’il se dit fier de déclamer dans des salons ou sur des places publiques des vers de Lacaussade, il ne peut pas dire que ce n’est pas un grand poète. Son seul reproche porte-t-il donc sur sa naissance ?
Avec le verdict prononcé par M. Vittori, Lacaussade est condamné à l’exil éternel. C’est fini ! Mais non ! Descendants d’esclaves de La Réunion et démocrates, levez-vous pour défendre cette cause ! Soutenez le retour d’Auguste Lacaussade dans son île !

Jacques Viterbe,
Le Port


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