Le courrier des lecteurs du 25 novembre 2005

29 novembre 2005

La démographie a bon dos

Plusieurs points de l’article de Daniel Lallemand paru dans votre édition du 18 novembre 2005 m’interpellent. Pour ne pas faire trop long, je n’en retiendrai qu’un seul, tant il me paraît significatif : c’est lorsqu’il écrit que "si à La Réunion, le chômage massif subsiste (...) malgré l’augmentation impétueuse du nombre d’emplois créés, ce n’est pas l’économie qu’il faut incriminer, c’est la démographie".

Cela fait maintenant près d’un demi-siècle que le "problème démographique" est présenté comme l’obstacle majeur à tout développement de La Réunion. Dans les années soixante, sous l’impulsion de Michel Debré, des campagnes étaient menées, des pratiques d’avortement ont été utilisées ; on a organisé l’émigration massive des Réunionnais et des Réunionnaises, notamment les jeunes, ceux qui étaient les plus formés ; il y a même eu, dans ce cadre l’affaire des enfants de la Creuse... tout cela à cause d’une démographie qualifiée de "galopante".
Je me souviens que lorsque l’on dénonçait ces pratiques, Michel Debré et ses amis accusaient le PCR de vouloir et de préparer "l’explosion sociale" (le terme est de lui). Il a fallu attendre 81, pour observer un ralentissement de l’émigration, et l’on a alors accusé la gauche, et le PCR en particulier, de vouloir provoquer "l’explosion sociale".
Aujourd’hui, rebelote : la démographie est responsable du... chômage ! Pendant près de cinquante ans, la natalité, la fécondité, l’indice de fécondité, la démographie semblent avoir été les seuls repères du tableau de bord de La Réunion, avec une seule préoccupation : faire partir le plus grand nombre, notamment les jeunes. Pour quels résultats, puisque "si, à La Réunion, le chômage massif subsiste (quarante ans après), ce n’est pas l’économie qu’il faut incriminer, c’est la démographie" ?
Cela étant, la question qui vient à l’esprit, au bout d’une aussi longue période, est bien de savoir si La Réunion entend construire son avenir sans les jeunes ; ou plus exactement : la jeunesse réunionnaise est-elle un obstacle au développement de La Réunion ? Et au bien-vivre à La Réunion ?

L’autre question qui en découle est la suivante : quels effets une telle politique, sur une aussi longue période, peut-elle avoir sur des jeunes ? Et au-delà, sur des moins jeunes. Est-ce qu’il ne faut pas la mettre en relation avec certains comportements d’aujourd’hui ?
En tout cas, il faut alors le dire aux jeunes ; et leur dire : voilà ce que nous les vieux, les moins vieux, les bien installés, nous pensons d’eux. Ils y verront très certainement un encouragement pour "construire La Réunion de demain".

Certains ne manqueront pas de me dire que lorsque l’on parle aujourd’hui, en 2005, de démographie, cela n’est pas tout à fait la même chose qu’il y a quarante ans ; que cela ne recouvre pas tout à fait la même réalité.... Certes, mais à quel moment cela est-il dit lorsqu’on affirme que c’est la démographie qui est la cause du chômage massif qui subsiste ?
On me dira peut-être que lorsqu’on parle de démographie aujourd’hui, ce qui a changé par rapport aux années soixante, c’est notamment le solde migratoire positif au point que l’on assiste à une sorte de transfert de population, comme le souhaitait d’ailleurs l’ancien Premier ministre Messmer au début des années soixante dix pour la Nouvelle-Calédonie. Oui, mais je n’ai rien vu d’écrit à ce propos. Alors ?... Il faudrait peut-être en parler si la démographie occupe une place aussi centrale, non ? Sinon, il y aurait comme un manque à la démonstration et pire, un manque qui laisse la place à toutes les interprétations possibles.

Vient alors une autre question : comment se fait-il que dans trois des "quatre vieilles colonies" devenues départements en 1946, l’on retrouve des situations analogues, avec une émigration plus importante en Guadeloupe et en Martinique ? Faut-il y voir une sorte d’atavisme ou d’héritage génétique commun ? Ou faut-il se poser la question de la nature des relations entre ces pays et leur "métropole" ? Certains le faisaient jadis. Aujourd’hui cela ferait désordre d’en parler et en tout cas ne serait pas "politiquement correct". Et pourtant !...
Résultat en tout cas, nous sommes aujourd’hui quelque 250 à 300.000 en France. Entre le quart et le tiers de la population réunionnaise !
Une telle situation n’est pas sans poser quelques problèmes.

Plusieurs constats ici s’imposent.
D’abord, ces Réunionnais ne sont plus comptabilisés à La Réunion : ouf ! Tant mieux diront certains ! Car autrement, la démographie.... Mais justement, et c’est là un deuxième constat : il est donc et bien évidemment hors de question pour cette partie de notre population de revenir au pays. Autrement, la démographie... le chômage ! Non, il n’y a plus de place ici pour ceux qui sont partis. Mais, à quel moment le leur a-t-on dit ? A quel moment le dit-on aujourd’hui à ceux-là que l’on fait partir ? Et cela induit, par la force des choses, une question : faut-il voir dans cette attitude l’illustration de la solidarité qui unit un peuple ?
Une chose sur ce plan est sûre : un peuple qui se débarrasse - il n’y a pas d’autres mots - d’une partie aussi importante de lui-même, est un peuple condamné à disparaître ou à ne jamais exister. Ce qui renvoie à la fameuse lettre de Pierre Messmer à propos de la Nouvelle Calédonie.

D’autant que d’autres questions se posent.
On parle souvent ici de rupture de générations ; ou encore de l’éclatement de la famille, de son rôle de plus en plus effacé, etc, etc. Mais aujourd’hui, il n’y a pas une seule famille réunionnaise qui n’ait un des siens en France. Certains peuvent considérer que c’est là une bonne chose, d’autre le contraire : la question n’est pas là mais porte plutôt sur les conséquences d’une telle situation. Au plan familial d’abord, au plan culturel, au plan du développement, avec en plus le fait que l’émigration réunionnaise en France n’est pas assimilable à une autre, même pas aux migrations de l’intérieur. Car à la différence des autres elle ne soutient pas le pays d’origine, mais c’est plutôt le contraire.

Cela étant, connaît-on un pays qui ait construit son avenir avec une partie aussi importante de sa population hors de ses limites géographiques ? Pour ne prendre qu’un exemple, que serait la France si depuis une quarantaine d’années elle avait perdu un tiers de sa population parti s’installer aux États-Unis ? Sur le plan économique, sur le plan culturel, sur le plan de sa société même. La question mérite d’être posée. On pourrait m’objecter la... Corse, bien sûr, mais est-ce le "modèle" ?
On pourrait continuer de la sorte, mais à quoi bon ?
J’admets volontiers que le temps passe et que les temps changent - heureusement - ou encore que vérités d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier, et vice-versa, mais tout de même. Car affirmer que la démographie réunionnaise est la cause essentielle de la montée du chômage et de son maintien durable au niveau que l’on connaît, c’est avaliser tout cela.
Pire, c’est rendre les Réunionnais et les Réunionnaises - ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui et même de demain - responsables, coupables même, de la situation dans laquelle se trouve le pays. Au fond, les premiers coupables seraient les victimes elles-mêmes. Ce que je ne crois pas.

Georges-Marie Lépinay


L’enjeu des heures supplémentaires

Le décret 2005-1035, relatif au remplacement de courte durée des enseignants du second degré, est pédagogique à un plus d’un titre. Il permet de montrer la direction dans laquelle s’engagent les établissements scolaires : une entreprise avec une direction des ressources humaines, et un personnel toujours plus flexible et docile. Il montre aussi que l’augmentation du temps de travail, vendue dans le privé sous le slogan “travailler plus pour gagner plus”, est simplement un prétexte pour éviter d’augmenter les salaires ou de créer des emplois, et dans la fonction publique aussi.
Sur le bulletin de paie d’un professeur certifié (service de 18 de cours hebdomadaire), au huitième échelon (environ 13 années d’exercice), le coût pour l’employeur (donc toutes cotisations comprises) s’élève à 3.660 euros par mois, soit un coût d’une heure de cours égal à 67,80 euros.
Mais la réalité dans le cas des heures supplémentaires est fort différente ; la rémunération d’une heure supplémentaire hebdomadaire à l’année (dite “HSA”) s’élève à environ 28,50 euros, soit 1.030 euros par an. Tandis que la rémunération d’une heure supplémentaire de remplacement (décret Fillon/Robien) est de 36 euros, soit environ la moitié d’une heure “normale”.
Ecrivons les choses autrement : quand le Ministère recrute un enseignant certifié titulaire (service de 18 heures), cela lui coûte à l’année 43.920 euros (12x3.660). Quand il impose 18 heures supplémentaires (HSA de base), cela coûte à l’année 18.540 euros (18x1.030), et, pour 18 heures de remplacement : environ 23.000 euros.
Dans ces conditions, on comprend pourquoi le MEDEF et l’État-patron préfèrent payer des heures supplémentaires plutôt que de créer des emplois statutaires ! Tout ceci pendant qu’on diminue l’impôt sur la fortune, en laissant des millions de travailleurs au chômage et dans la précarité.
Pour SUD Éducation, qui place la lutte contre la précarité et en faveur de l’emploi pour tous au cœur de son combat syndical, le décret sur le remplacements est inacceptable, et la question de l’obligation ou du volontariat est mineure. La solidarité et le partage des richesses, ça passe aussi par le partage du travail.

Joël Grouffaud
SUD Éducation Réunion


Une loi-cadre contre les violences faites aux femmes

Violences dans les banlieues, guerres, font la une des journaux. Mais on fait silence sur une autre violence qui n’épargne aucun pays, celle qui s’exerce contre les femmes.
On la qualifie vite fait de “fait divers”, crime passionnel, geste de folie.
Ce qui, ainsi, paraît être des cas exceptionnels ne l’est pas du tout ! Chaque année, en France, 72 femmes meurent sous les coups de leur conjoint. Ce ne sont pas seulement des cas individuels, c’est un état de fait social, général. C’est la domination masculine, l’appropriation par la plupart des hommes des femmes, de leur corps, de leur temps.
Un tabou pèse sur ces violences ; beaucoup de gens voudraient les nier : elles dérangent, elles montrent jusqu’où peut aller cette domination masculine. Mais la lutte des femmes éclaire une zone d’ombre. Et l’étendue du scandale commence à percer.
La violence contre les femmes s’exerce en France comme partout, d’abord dans la famille, et cela dans tous les milieux sans exception :
Des enquêtes ont révélé qu’1 femme sur 10 est victime de violences de la part de son partenaire (coups, insultes, chantage, harcèlement moral, viols, etc).
Les viols incestueux demeurent le tabou absolu, et des femmes qui les dénoncent sur leurs jeunes enfants ne sont pas crues !
Dans la rue, dans l’entreprise : viols, agressions sexuelles, harcèlement au travail... 0,3% des femmes ont subi des viols au cours de leur vie, et 11% des agressions sexuelles.
Nos sociétés sont complices en développant un climat sexiste. Elles tolèrent la prostitution,quand elles ne l’organisent pas (car elles s’en enrichissent !) Elles véhiculent une image dégradée et dégradante de la femme. Au cours des guerres, dans toutes les régions du globe, les viols sont systématiques. La violence est extrême dans certaines cultures.
Certaines sociétés pratiquent les mutilations sexuelles, les mariages forcés, la polygamie, le port du hidjab et l’exclusion complète des femmes, et même le meurtre : crimes d’honneur, lapidations, meurtres des nouvelles-nées en Chine et en Inde, meurtres de femmes à Ciudad Juarez au Mexique. En France aussi, des femmes subissent ces violences extrêmes.
À une réalité aussi massive et systématique, il faut répondre à un niveau politique. Une journée internationale contre les violences faites aux femmes ne suffit pas ! L’Espagne nous ouvre la voie, avec une loi-cadre qui prend en compte tous les aspects de ces violences, toutes leurs conséquences, et organise partout la prévention et la vigilance.
En France, il faut également une loi-cadre contre les violences sexistes !

Marie-Cécile Seigle-Vatte
Commission féminisme Les Verts


Souris chaude : oui au libre accès à la plage...

Pour PSR le libre accès aux espaces publics doit être assuré intégralement pour l’ensemble des Réunionnais.
S’agissant de la plage de la souris chaude à Trois-Bassins qui fait actuellement débat, le caractère public de la zone doit être affirmé, la sécurité et la liberté de circuler doivent être totales. Les plages réunionnaises peu nombreuses doivent être protégées et mises en valeur au bénéfice de l’ensemble de nos populations.
Il est urgent et salutaire de mettre un terme à ces pratiques d’exhibitionnisme avec pour corollaire notamment le voyeurisme ou l’échangisme, intolérables dans un espace public et ouvert.
Pour construire un mieux vivre ensemble, sachons dire stop à certaines dérives...
PSR ne porte pour autant aucun jugement de valeur sur ces pratiques qui relèvent bien entendu de la liberté de chacun dans sa sphère privée.
PSR demande aux pouvoirs publics de faire respecter la réglementation en vigueur, qu’il n’y ait pas de zones de non-droit.
PSR s’associera aux manifestations relatives à l’affirmation de notre culture et de nos valeurs. Il participera à tout vrai débat pour un aménagement du territoire adapté conforme à nos spécificités, à nos attentes dans le cadre d’un développement harmonieux et durable.

Secrétariat général de PSR


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