Le courrier des lecteurs du 27 janvier 2005

27 janvier 2005

(Page 9)

Leçons du présent

Les survivants et la société du spectacle

Que de leçons données par l’Histoire du monde en ce début d’année ! Mais savons-nous les entendre ? Les mettre en pratique, nous engager pour les faire porter leurs fruits ?

Une autre mondialisation

La première est celle d’une autre mondialisation, que celle du marché des biens et des hommes : celle de la conscience de l’histoire planétaire et de ses solidarités. En cela, le raz-de-marée du 26 décembre et ses centaines de milliers de morts a permis pour la première fois, au-delà des différences et des oppositions, une rencontre improvisée, spontanée en un temps record entre les États à l’échelle de la planète ayant pour objectif la solidarité : c’est là un effet considérable et appréciable qui demeure un exemple.
Cette leçon a donné ensuite un sens brûlant aux débats engagés lors de rencontres internationales qui se sont succédées : le Sommet des petites nations insulaires à Maurice (dont le public réunionnais n’a pas assez considéré l’importance), Kobé et enfin Paris. Puisse ce message être entendu...!
On le sait, à l’heure de la catastrophe, les bourses mondiales dégageaient des taux de profits maximaux et les multinationales affichaient des résultats exponentiels. Cette mondialisation-là va à l’encontre de ce qui s’est produit, et sa logique par essence est mortifère et détruit l’équilibre de la planète. Certes, malgré l’élan spontané des citoyens de La Réunion et du Monde, l’humanitaire spectacle et la politique spectacle ont vite repris le dessus : les hommes d’État requins sont venus faire des affaires - les États-Unis en tête de file, mais ils ne sont pas les seuls - et tous les “m’as-tu vu” de l’humanitaire de La Réunion et d’ailleurs, qui se sont affichés ostensiblement, alors que se développait le tourisme-catastrophe. C’est là le revers de la médaille comme l’efficacité et la dévolution des dons collectés. L’évidence même de ces disproportions et du manque de traçabilité et de clarté des actions humanitaires et des ONG réclame la création urgente de nouveaux dispositifs mondiaux de solidarité.

Auschwitz

L’un de mes oncles est mort à Bergen Belsen et d’autres membres et amis de ma famille dans les camps de la mort. Leur histoire est entrée dans mon histoire, comme celle des figures de la résistance. Car comment oublier que les rafles et les camps de détention ont été organisés par le gouvernement de Vichy, et que ses acteurs n’ont pas été seulement des gestapistes et des miliciens, mais des policiers et des gendarmes français.
Comment oublier leur responsable supérieur René Bousquet, ami de Frédéric Mitterrand, “le président à la francisque” qui le protégea jusqu’à sa mort ? Comment oublier les mots de Pierre Laval et de Brasillach suggérant à l’occupant de "déporter aussi les enfants" ?
Je pense aussi à ce wagon plombé qui partit d’Auvergne et où se retrouvèrent dans une même fraternité, le prince de Bourbon Parme, l’évêque de Clermont-Ferrand (qui ordonna à Auschwitz un séminariste allemand détenu) et des résistants de l’ombre gaullistes et communistes.
Le 60ème anniversaire de la libération des camps nazis nous donne une autre leçon, elle aussi mondialisée et cela bien loin des contorsions négationnistes provocatrices du petit Jean-Marie Le Pen. Je suis de ceux qui estiment que ce dernier, avant son départ de la vie politique, devrait être déchu de la dignité nationale et le parti qu’il a fondé, et ses satellites interdits. Pourquoi cette mesure salubre n’a-t’elle jamais pu être promulguée ? Ne cherchons pas trop loin : malgré les poursuites engagées par Dominique Perben, les complicités du FN avec l’ensemble de la droite française sont claires et se découvrent en période électorale dans de louches transactions.
Notre histoire part d’Auschwitz. Elle est celle du camp d’extermination et de la Shoa. Ils sont les archétypes de ce monde qui est le nôtre. Pourtant, en 60 ans, cette leçon n’a pas été entendue. On peut reprendre le mot terrible de Marcuse : les nazis n’ont pas perdu la guerre, au contraire ils l’ont gagnée... car depuis, les camps et les génocides se sont démultipliés, et victimes et libérateurs sont devenus tortionnaires et bourreaux : du Goulag à Guantanamo ou Al Ghairb. De Sabra et Chatila à l’Argentine, au Chili, au Rwanda, au Cambodge. Les camps nous ont enseignés aussi pourtant à être des survivants planétaires, à résister mais aussi à pardonner...
Là aussi la politique spectacle va se déployer : attendons-nous à des rhétoriques hypocrites, à des discours biaisés et n’oublions jamais que la grande répétition de la déportation et de l’extermination a commencé ici, et dans les empires, trois siècles plus tôt avec les camps des plantations et la traite négrière... N’oublions pas non plus d’autres génocides comme celui des Arméniens en 1915, quand on pavoise pour faire de la Turquie un État européen...

La mobilisation et la sinistrose

Les Français seraient atteints de sinistrose - titrait “Le Monde” la semaine dernière - suite à une enquête sur les convictions et engagement politiques des Français : les Français auraient perdu toute foi ou conviction politique ou syndicale, et vivraient au jour le jour dans une morosité désabusée.
Pourtant la belle mobilisation de jeudi dernier, des médecins aux agents de la Fonction publique, des cheminots aux enseignants, dément ces conclusions pessimistes.
Pour rester dans le domaine que je connais le mieux, la médecine, il est rassurant de voir émerger des analyses et des mouvements encore minoritaires mais qui progresseront à la fois chez les internes des hôpitaux et chez les médecins généralistes : c’est dire que personne ne veut de la mise à la poubelle de la santé publique française et au démantèlement de la sécurité sociale qu’opèrent sous la houlette d’un ministre - bien indigne lui aussi de son titre médical - les technocrates administratifs du ministère de la Santé et leurs complices.
Les termes de nouvelle gouvernance et médecin traitant qui résument ce dispositif scélérat, sont des termes par eux-mêmes lourds de sens : un traitant ici dans l’océan Indien, c’est surtout un trafiquant d’hommes et de femmes devenus des marchandises - et Douste Blazy après François Mattei, ne voudrait-il pas transformer les malades en marchandises et les hôpitaux en sous-traitants des trust biomédicaux et des cliniques privées ?

Airbus et les bagnoles

Le faste exagéré qui a accompagné la sortie de l’Airbus A-380 ne doit pas faire illusion : le nouveau Titanic des airs sera un pollueur de première, et l’ère de l’aéronautique n’est-elle pas sur le fond condamnée au 21ème siècle dans sa forme actuelle ?
La durée de vie de cet appareil qui va entrer en service serait, selon ses constructeurs, de 30 à 40 ans. Elle dépasse la date fatale où les réserves mondiales de pétrole seront entrées dans leur phase descendante. Si des alternatives encore limitées ont pu être trouvées pour les automobiles ; rien apparemment n’a été pensé pour les déplacements aériens ou maritimes.
Mais nous sommes dans un monde de déni organisé. La fête est finie et nul ne veut le voir : on continue à sabler le champagne et à tuer le veau gras quand la planète est en voie de future désertification. À l’échelle locale, à La Réunion, les chiffres rapportés évoquant près de 30.000 véhicules nouveaux mis en service l’an font frémir, comme la choquante exposition de véhicules de luxe organisée récemment et la vente accrue de véhicules de haut de gamme. Tristes tropiques où fonctionne encore la logique de la consommation illusoire et ostentatoire : écraser l’autre par le luxe de son carrosse, alors qu’une nouvelle misère est en train de s’affirmer. Attention ! Plus dure sera la chute !

Jean-François Reverzy



Monsieur Je sais tout

S’il est ridicule de croire en Dieu, il est encore plus ridicule de ne pas y croire.
Pour celui qui a les yeux un tout petit peu ouverts sur le Monde et sur l’ensemble de la collectivité humaine, Dieu existe, ne serait-ce que dans la ferveur de ceux qui prient l’un des multiples dieux honorés par les Terriens. Et si Zeus, Allah, Yawé, Ganesh ou Bouddha ne vous conviennent pas, personne ne vous empêche de créer le vôtre. Mais ne me dîtes pas que vous ne croyez pas. C’est aussi ridicule que de dire que vous savez tout. Dieu ou autre chose est tout simplement derrière ce que vous ne savez pas.
Je ne crois pas véritablement au Dieu des Chrétiens, mais je suis incapable d’affirmer que je ne crois en rien.
Tout honnête homme cherche la vérité, cette quête éclaire sa route. Mais comme le savant qui dit un jour : "Plus je cherche, plus je découvre que je ne sais rien", nous savons tous que nous sommes plongés dans un grand mystère. Appelez ce mystère comme vous voudrez, mais ne dîtes jamais : “Je sais tout”. Vous seriez ridicule.

F. M.,
Un lecteur outré par le ridicule débat actuel “croyants contre athées”.


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