Le courrier des lecteurs du 28 decembre 2005

28 décembre 2005

Pour une autre politique des déplacements

La qualité de journaliste suppose de vérifier ses sources avant d’accuser sur des rumeurs et d’éviter de faire passer ses idées personnelles pour représentatives de l’avis général. Ainsi, dégonfler les pneus des 4x4 en ville n’est pas "un jeu des Verts-Parisiens", il s’agit des saines réactions d’un groupe de citoyens ordinaires parisiens (qui se nomme lui-même "Les dégonflés") plus qu’excédés de l’attitude arrogante de certains possesseurs de 4x4 en pleine ville (voir ce qui s’est passé à la récente "vélorution" de Montpellier), avec leurs pare buffles, leurs énormes pneus, leurs moteurs qui consomment de 2 à 4 fois plus qu’une berline normale, qui stationnent sur les trottoirs, franchissent les couloirs de bus, agressent les chaussées, bref qui envahissent un environnement limité, par le simple droit exorbitant qu’ils s’accordent au nom du fric qu’ils possèdent. Il peut être remarqué que pour l’instant, les pneus ne sont que dégonflés, ce qui relève d’un respect de la propriété privée qui pourrait ne pas durer toujours si le message n’était pas rapidement compris. En clair : messieurs les propriétaires de 4x4, tant que vous en avez encore la possibilité, allez jouer où vous voulez avec vos tas de tôle m’as-tu-vu, mais foutez-nous la paix dans des villes que nous voulons libérer de la bagnole pour qu’elles redeviennent vivables pour les humains qui sont avant tout des piétons. À titre d’info, il y a, à La Réunion, des citoyens, non-Verts, qui sont entièrement d’accord avec cette attitude.

Concernant les 4x4 et la sécurité, cet argument est totalement risible : ne confondons pas "impression de sécurité" que pourraient ressentir les passagers des 4x4 et "sécurité réelle en cas d’accident" qui n’est pas supérieure à celle de n’importe quelle berline moderne en bon état, car la sécurité dépend aussi du mode de conduite du véhicule et qu’il est avéré qu’on a trop tendance à exagérer les possibilités du véhicule à rattraper les conneries de son conducteur. En revanche, un 4x4 est une arme mortelle pour les piétons, les cyclistes, les motards et les voitures normales qui sont heurtés dans des zones plus sensibles. Donc choisir un 4x4 "pour sa sécurité" est un bel exemple de comportement "NIMBY" (en anglais, "pas chez moi") et de mépris pour autrui ! Et qui d’ailleurs a dit que les "mères de famille" ne pouvaient, elles aussi, éprouver de sentiment de virilité ? Inutile "d’en avoir" pour cela, il suffit de regarder les comportements au pouvoir de certaines "femmes" politiques dont une toute récente octogénaire et très britannique Maggie, comtesse de Finchley fut le meilleur exemple.

Parlons maintenant des "politiques qui veulent imposer des transports en commun" ! C’est vraiment prendre les hommes politiques pour des andouilles suicidaires que de penser qu’ils iraient sciemment emmerder leurs électeurs si accros à leur bagnole en voulant les en priver absolument.

Bien-sûr, comme d’habitude on va nous rétorquer qu’à La Réunion tout est différent. Mais La Réunion n’invente rien : des milliers de zones urbaines, avant elle, ont constaté que l’espace était une denrée rare et chère, que multiplier les routes et le nombre de voies n’est pas la recette miracle pour augmenter la fluidité du trafic. Ça ne fait que diminuer un temps la durée des pointes et des embouteillages associés et ça ne rend pas nos villes, dont les rues ont été dessinées du temps des piétons et des calèches, plus aptes à supporter l’invasion automobile : 300.000 maintenant, 550.000 si on ne fait rien d’ici 20 ans quand La Réunion aura atteint l’équilibre démographique et le taux de motorisation actuel de la métropole. Mais pourquoi d’ailleurs devrait-on en rester là alors que de nombreux individus n’auront toujours pas de véhicule personnel ? Que doit-on leur répondre s’ils en manifestent tous l’envie en même temps avec la même inconscience ? Qu’il faudrait accueillir 800.000 véhicules ? la place est déjà prise ? à quand les 4x4 avec mitrailleuse télécommandée sur le toit pour virer de la route "ces salauds qui nous ralentissent" ? Non, les Réunionnais ont un besoin impérieux d’un tas de choses utiles et indispensables mais certainement pas d’un tas de routes supplémentaires, pas besoin d’aller "plus vite et plus loin" à n’importe quel prix ! Et ils ont encore moins le droit de l’exiger, par un comportement égoïste et irresponsable, au détriment des droits d’autrui.

Actuellement, une bagnole c’est surtout beaucoup de tôle et de plastique qui circulent pour transporter un poids d’humain qui atteint rarement plus de 10% du poids total. Et cela ne circule qu’avec du pétrole, totalement importé. Ce pétrole, du fait d’une hausse continue et très rapide de la demande de nouveaux consommateurs (qui ont rappelons-le, exactement les mêmes droits que nous à ce pétrole), ne voit plus sa consommation augmenter à un rythme suffisant, tout simplement parce que techniquement les gisements ne peuvent le supporter. Ce phénomène, appelé "pic de Hubbert" a été expérimentalement vérifié sur les gisements des USA : production croissante de 1859 à 1971, baisse continue depuis, traçant une courbe parfaitement symétrique, malgré tous les efforts états-uniens pour redresser durablement la production. Et de l’avis d’une majorité de géologues, le phénomène est mondial et inexorable... Cessons de rêver à de nouveaux mégas gisements ou à l’utilisation du gaz naturel ou de charbon gazéifié. La consommation de ces hydrocarbures doit être impérativement limitée parce qu’elle dégage des gaz à effet de serre en quantité nettement supérieure à celle que la Terre est capable de supporter. L’immense majorité des climatologues est d’accord sur ce point. Or qui dit augmentation des gaz à effet de serre, dit augmentation de la température, particulièrement dans les zones polaires et subtropicales, augmentation des cyclones, inondations, sécheresses. De même, les matières premières sont une denrée de plus en plus limitée, malgré les tentatives de recyclage, quand la demande s’élargit avec le nombre croissant de Terriens participant à l’économie "développée".

Le développement illimité de la bagnole individuelle est donc une vue de l’esprit, par l’encombrement généré, par le gaspillage d’espace, de matières premières et d’énergie fossile. Qui l’a d’ailleurs demandé ? les citoyens consultés démocratiquement ou le lobby des constructeurs et importateurs de véhicules ? Il faudra donc inévitablement se résoudre à en limiter le nombre et l’usage, bien en dessous des besoins de déplacement. Ce qui nécessite donc, pour respecter les besoins de déplacement de tous, de limiter ces déplacements, d’implanter des transports en commun efficaces et confortables, capables d’assurer les déplacements indispensables (travail, école, ravitaillement, certains loisirs) en utilisant un minimum de ressources naturelles les moins agressives possibles et si possible faisant appel à des énergies renouvelables que La Réunion peut produire. Mais cela nécessite aussi de revoir toute l’organisation de notre société et notamment notre urbanisme : l’urbanisation de Plateau-Caillou, comme celle de La Montagne, sans que n’ait été prévu un moyen de déplacement adapté à ces cités-dortoir, est une faute qu’il urge de réparer. Pour Plateau-Caillou, ce sera partiellement fait avec la Route des Tamarins qui aurait pu effectivement être finie depuis 10 ans si le système “yakafokon” avait marché !

En conclusion, trop surpeuplée pour rêver d’autarcie, La Réunion a besoin du reste du monde. Il est donc normal qu’elle s’en sente solidaire en évitant de se croire capable d’ignorer ce qui se passe ailleurs et de se permettre du gaspillage quand d’autres doivent se serrer la ceinture !

Les Verts-Réunion


Solidèr pou sov’ la tèr !

Le syndicat SUD éducation Réunion exprime son entière solidarité avec les agriculteurs qui luttent pour travailler dans la dignité leur terre à l’Étang-Salé. Nous ne pouvons pas accepter que le bien commun soit bradé ou confisqué par quelques-uns, pour leurs seuls intérêts financiers ou commerciaux. Nous ne pouvons pas tolérer que les grands choix de société (aménagement du territoire, agriculture, éducation) soient faits dans notre dos et contre l’intérêt général. Cette lutte, qui rejoint à certains égards notre combat syndical, est donc aussi la nôtre !

SUD éducation Réunion encourage tous les citoyens désireux de se réapproprier leur avenir à participer au "Piknik pou sov’ la tèr" le dimanche 30 octobre, dans la forêt de l’Etang-Salé, et à signer la pétition sur le site http://colektif.blogspirit.com/.

Na mèt ansanm larg pa !

SUD Éducation Réunion


Regard sur nos banlieues

Nos banlieues ne sont-elles pas devenues le lieu commun de tous les maux et de toutes les difficultés sociales de la société française depuis les années 70 ? Cul-de-sac urbain et social où viennent s’échouer toutes les misères et toutes les images négatives d’un environnement dégradé, les banlieues ne sont-elles pas finalement le reflet de nos propres imperfections et de celles de toute la société française ?
Choisir comme solution d’urgence, le couvre feu en réactivant une loi de 1955, si fortement chargée de symbolique historique pour mater la rébellion de leurs pères algériens, même si ces jeunes ne sont pas tous d’origine algérienne, n’est ce pas brandir les symboles des vieux démons ?
A-t-on oublié qu’un demi-siècle ne suffit toujours pas à refermer les plaies d’un passé peu glorieux et encore si douloureux dans les cœurs et les mémoires ?
Au-delà de la surenchère politique, de la surenchère des violences urbaines qui conduit les jeunes à réagir du baromètre des mots au compte des carcasses brûlées et des défis suicidaires que constituent les destructions d’écoles ou de gymnase, au-delà des mots et des faits de ces dernières semaines, ne faut-il pas y voir la révélation d’un mal plus profond qu’il ne suffira pas de traiter à coup de millions, de déclarations provocatrices ou angéliques, de rustines de réparations ou de tout autre plan d’urgence ?
Il y a de toute évidence urgence à se pencher d’un peu plus près de nos banlieues si lointaines de nos préoccupations quotidiennes. Mais de toute évidence, a-t-on suffisamment entendu le cri de révolte et de désespoir de cette jeunesse oubliée : la misère sociale de nos banlieues et plus encore l’indifférence, la discrimination et l’humiliation ne sont-elles pas à l’origine de ce que nous appelons désormais la désespérance ?
Une fois que l’on a dit cela, est-on plus avancé ? Peut-être que non, mais face à ce désarroi social et humain, ne regardons plus nos banlieues avec la haine, ou l’œil de la peur au ventre, avec le regard curieux porté sur la bête fauve ou plus encore avec le regard hypocrite de l’indifférence du chacun chez soi et du chacun pour soi.
A-t-on suffisamment entendu le cri de révolte ?
Face à notre amnésie et à notre indifférence, acceptons de dire haut et fort que la banlieue ne sera plus au banc, à une lieue de nos préoccupations quotidiennes, que les banlieues font désormais partie de la France, pas la France black, blanc, beur des paillettes de la coupe du monde, mais la France tout simplement !
Refusons de faire de nos banlieues, le souffre-douleur de nos lacunes et de nos imperfections. N’acceptons plus la surenchère politicienne mais acceptons notre responsabilité à tous face aux évènements de ces derniers jours. N’acceptons plus le désordre, les trafics, la peur et la violence, mais n’acceptons plus non plus l’humiliation des contrôles policiers, les discriminations au logement ou à l’embauche. N’acceptons plus la violence sociale aveugle, pour qu’un jour l’enfant des banlieues puisse faire la fierté de la République française ; pour qu’un jour, les enfants de nos banlieues ne meurent plus sous l’emprise de la drogue, de la violence et de la désespérance, pour que les enfants des banlieues puissent un jour devenir des citoyens à part entière et non des citoyens de seconde zone ; pour qu’un jour, l’enfant des banlieues rêvent de jours meilleurs pour sa famille ; pour qu’un jour il puisse se projeter dans un avenir possible ; pour qu’un jour l’enfant des banlieues ne tombe pas sous le coup de balles perdues, dans une cage d’escalier ou dans un ascenseur défectueux ; pour qu’un jour l’enfant des banlieues, ne meurent plus électrifié ou tout simplement oublié...
Ne les oublions jamais, ils sont aussi nos enfants.
Travaillons ensemble pour qu’enfin, les jeunes des banlieues participent de façon active et positive à la construction d’une France meilleure.

Hocine Drissi
Corbie - Picardie


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