Le courrier des lecteurs du 28 juin 2004

28 juin 2004


Un enseignement “monarchique”

L’Ecole répond-elle à sa mission, qui est de se préoccuper de tous ? À voir le nombre d’enfants issus de familles d’ouvriers, de petits employés, de chômeurs... qui accèdent aujourd’hui à l’Université, il semble que non. C’est cet enseignement démocratique que réclamait, dès 1910, le philosophe Alain, mais dont on est encore bien loin aujourd’hui :
"Il y a un enseignement monarchique. J’entends un enseignement qui a pour objet de séparer ceux qui sauront et gouverneront de ceux qui ignoreront et obéiront.
Je revois par l’imagination notre professeur de mathématiques, qui, certes, ne manquait pas de connaissances, je le revois écrasant de son ironie un peu lourde un de nos camarades, qui était aussi myope qu’on peut l’être. Cet enfant ne voyait les choses qu’au bout de son nez. Aussi promenait-il son nez d’un bout de la ligne à l’autre, afin de s’en donner une perception exacte ; quant à voir le triangle tout entier d’un seul regard, il n’y pouvait point songer. Je suppose qu’il aurait fallu l’exercer sur de toutes petites figures, pas plus larges que le bout de son nez ; ainsi, découvrant le triangle tout entier, il aurait pu y saisir des rapports, et raisonner après cela aussi bien qu’un autre.
Mais il s’agissait bien de cela. On le pressait. Il courait d’un sommet du triangle à l’autre, parlait pour remplir le temps, disait A pour B, droite pour angle, ce qui faisait des discours parfaitement ridicules, et nous avions des rires d’esclaves. Cet enfant fut ainsi condamné publiquement à n’être qu’un sot, parce qu’il était myope.
Cet écrasement des faibles exprime tout un système politique dans lequel nous sommes encore à moitié empêtrés. Il semble que le professeur ait pour tâche de choisir, dans la foule, une élite, et de décourager et rabattre les autres. Et nous nous croyons bons démocrates, parce que nous choisissons sans avoir égard à la naissance, ni à la richesse. Comptez que toute monarchie et toute tyrannie a toujours procédé ainsi, choisissant un Colbert ou un Racine, et écrasant ainsi le peuple par le meilleur de ses propres forces.
Que faisons-nous maintenant ? Nous choisissons quelques génies et un certain nombre de talents supérieurs ; nous les décrassons, nous les estampillons, nous les marions confortablement, et nous faisons d’eux une aristocratie d’esprit qui s’allie à l’autre, et gouverne tyranniquement au nom de l’égalité, admirable égalité, qui donne tout à ceux qui ont déjà beaucoup.
Selon mon idée, il faudrait agir tout à fait autrement : instruire le peuple tout entier ; se plier à la myopie, à la lourdeur d’esprit, aiguillonner la paresse, éveiller à tout prix ceux qui dorment, et montrer plus de joie pour un petit paysan un peu débarbouillé que pour un élégant mathématicien qui s’élève d’un vol sûr jusqu’aux sommets de l’École Polytechnique.
D’après cela, tout l’effort des Pouvoirs publics devrait s’employer à éclairer les masses par dessous et par le dedans, au lieu de faire briller quelques pics superbes, quelques rois nés du peuple, et qui donnent un air de justice à l’inégalité. Mais qui pense à ces choses ?..."

Alain, “Propos”,
1er juillet 1910.
Transmis par Georges Benne


Les difficultés des policiers

La première des libertés, c’est la sécurité. L’insécurité c’est la première des inégalités, c’est toujours les plus faibles qui sont les premiers atteints.
Le 1er septembre 2004, la deuxième phase du redéploiement de la Police doit intervenir avec la prise en compte par la Police nationale de la totalité de la circonscription de Saint-Denis et Le Port, ce qui implique d’assurer la sécurité de 38.000 citoyens supplémentaires.
Afin de rétablir le droit à une sécurité pour tous, la Police Nationale a besoin de moyens en effectifs, en matériel, en locaux et surtout un budget pour qu’elle soit efficace.
À quelques semaines de cette échéance, force est de constater que l’administration a été totalement sourde aux nombreuses demandes que nos organisations ont pu effectuer.
Cette situation est d’une extrême gravité. Il serait indécent de leurrer nos concitoyens avec une police d’apparat. L’effectif engagé ne permettra pas d’assurer convenablement la sécurité des personnes et des biens, et risque fort de mettre en péril l’intégrité physique des fonctionnaires intervenants ainsi que celle des citoyens requérant les forces de police.
Comment accepter un système risquant d’instaurer une inégalité au regard de la sécurité, en fonction du lieu d’habitation ?
Nous demandons aux autorités locales et nationales de prendre leurs responsabilités. Faute de réels moyens mis en œuvre, nous estimons qu’il est nécessaire de surseoir à ce redéploiement.
Le S.N.P.T. et le S.G.P./F.O veulent sensibiliser la population sur les difficultés rencontrées par les policiers dans le cadre du redéploiement, par une distribution de tracts sur la voie publique le 28 juin 2004 à partir de 14 heures à Saint-Denis (Centre-Ville, La Montagne et La Bretagne) ainsi que sur la commune du Port (Centre-Ville et La Rivière des Galets).

Le Syndicat National des Policiers en Tenue (SNPT
et le Syndicat Général de la Police-Force Ouvrière (SGP-FO)


Vous avez dit “Égalité des chances” ?

Est-ce qu’aux Antilles les candidats aux examens des baccalauréats technologiques, des bacs professionnels, des CAP et BEP commencent leurs épreuves à 2 heures du matin pour s’aligner sur la Métropole ?
Est-ce qu’en métropole, les candidats à tous ces examens n’ont pas une interruption de 2 heures, de 12 à 14 heures, pour accéder aux services de restauration de l’établissement qui les accueille ?
Est-ce qu’à La Réunion, les transports scolaires des différentes villes dont sont issus les candidats des filières un peu pointues attendent sur les parkings devant les lycées à 20 heures ?
Sous prétexte de ne pas vouloir faire d’“examen cocotier”, le rectorat impose un alignement sur la Métropole qui désorganise toute une logistique d’accueil et d’acheminement.
Cet alignement pour tous, l’espace d’une année, a suscité un tollé pour le baccalauréat général et il a été abandonné. Tant mieux pour tous les candidats du bac général et tant pis pour ceux des autres examens ?!
Le nombre des candidats aux baccalauréats professionnels et technologiques en France est équivalent à celui des candidats de la filière générale (cf. “Le Monde” du 11 juin). À La Réunion 50% des candidats sont traités normalement, 50% sont traités par le mépris. À ceux-ci viennent se rajouter tous les candidats aux CAP et BEP. Ce qui signifie que plus de 70% des candidats aux examens en ce mois de Juin sont traités comme aucun travailleur du privé ne l’accepterait (voir les derniers conflits sociaux du BTP).
Quelle mouche pique Monsieur le Recteur pour que ses directives manifestent d’une aussi mauvaise considération pour les futurs diplômés du monde du travail, ceux de “la France d’en bas” ?
Quelle honte ! Au nom de l’égalité des chances, nous, parents, exigeons un rétablissement d’horaires décents pour les examens.
Et ne nous dites pas que l’information ne le permet pas ! L’être humain, quel qu’il soit, doit être la principale préoccupation dans notre système éducatif et mérite du respect.

Un parent d’élève outré


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