Le courrier des lecteurs du 29 novembre 2005

29 novembre 2005

Petit ou grand Albert ?

Albert Ramassamy s’est toujours défini comme un “socialiste départementaliste”, ce qui le différencie (quelle différence ?) de la gauche réunionnaise. Jamais aucun homme de gauche n’a eu besoin d’apporter cette précision. Sont-ils anti-départementalistes pour autant ?

Je rappelle que ce sont bien des parlementaires de gauche, dont deux communistes réunionnais, qui sont à l’origine de la loi de 1946 accordant le statut de département à quatre colonies françaises (Réunion, Martinique, Guadeloupe et Guyane) et ce, en dépit de l’opposition farouche des représentants de droite. Même si cette paternité leur revient de droit, ils ne l’ont jamais revendiquée avec autant d’ardeur dont font preuve Albert Ramassamy, Jean-Paul Virapoullé, et l’ensemble de la droite locale.

Par ailleurs, le Parti communiste réunionnais a, à maintes reprises, justifié sa position sur l’évolution de ce statut vers "l’autonomie démocratique et populaire dans le cadre de la république française". Ce mot d’ordre a été diabolisé par toute la droite locale et Albert Ramassamy, créant ainsi l’amalgame avec la notion d’indépendance.
Cette autonomie tant décriée à l’époque (et qu’on nomme décentralisation depuis 1982), est acceptée voire encouragée aujourd’hui par ces "défenseurs" de la départementalisation. À ce titre, j’en veux pour preuve le transfert des TOS (programmé au sein de la loi de décentralisation) salué par les partisans de droite en 2003 (cf. les différentes prises de position publiées au début des grandes manifestations de fonctionnaires).

M. Albert Ramassamy quant à lui, dans “le petit-déjeuner du Quotidien” du samedi 26/11/2005 pense que la décentralisation ne représente pas un progrès.
Qu’attendez-vous, M. Ramassamy pour remettre sur pied votre ARDF (Association réunionnaise département français) comme vous avez su si bien le faire à deux ou trois reprises, avec le soutien de la droite, ou poussé par la droite... Ou bien avez-vous compris que vous vous êtes finalement trompé de combat ? Le dernier en date étant celui contre la bi-départementalisation. Celle-ci constituait, à mon sens, le meilleur ancrage de La Réunion dans la France d’une part, et garantissait un meilleur rééquilibrage des régions d’autre part.

Beaucoup de Réunionnais se demandent si vous êtes réellement un socialiste ou socialiste départementaliste (même si ce terme est vide de sens) ? Si oui, alors pourquoi avez-vous choisi de fêter votre demi siècle d’engagement politique (je crois) à la salle Guy Alphonsine de Saint-André en compagnie de vos amis... de la droite locale ? En 50 ans d’engagement politique, je note tout de même que vous n’avez eu que deux mandats à votre actif en... 1983 (faible et tardive reconnaissance de votre action !) :

- le premier, un mandat de sénateur avec le soutien de la droite (une fois n’est pas coutume !) ;

- le second, un poste de conseiller régional obtenu sur une liste pour un scrutin à la proportionnelle.

En outre, pourquoi Michel Debré vous accueille-t-il à Paris pour vous accompagner dans vos débuts de parlementaire ? J’imagine mal Aimé Césaire, Ernest Moutoussamy ou encore Jean-Claude Fruteau sous l’aile protectrice de l’ancien député de la 1ère circonscription. Cette attitude ressemble à s’y méprendre à un retour d’ascenseur. Me trompe-je ?
Alors, soyez honnête Monsieur Ramassamy, avouez que vous étiez (et êtes toujours) un anti-communiste primaire. J’en veux pour preuve vos différents “courriers des lecteurs”, seule tribune qui vous reste.
En politique, seuls les hommes de courage durent. Le président de la Région en est la parfaite illustration.

Rico Toplan


Le droit d’asile dans l’étau des contraintes budgétaires

Le 29 novembre 2005 aura lieu un comité interministériel de contrôle de l’immigration qui devrait annoncer de nouvelles mesures restrictives en matière d’asile.
Dès le mois de septembre, le ministre de l’Intérieur avait annoncé une nouvelle modification des dispositions relatives à l’asile pour 2006. Le projet de loi de finances actuellement en discussion devant le Parlement est le support d’une réforme pour ce qui concerne les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Autant de mesures qui risquent de réduire encore les garanties que la procédure française laisse aux personnes qui demandent protection.

Le gouvernement envisage de réduire à quinze jours le délai pour formuler un recours devant la commission des recours des réfugiés.
Alors que l’aide juridictionnelle est limitée aux seules personnes entrées régulièrement en France et que les conditions d’accueil sont toujours critiques, un délai aussi court serait un obstacle supplémentaire pour les demandeurs d’asile. Il multipliera, en raison des risques de dépassement de délai, le nombre de demandeurs qui seront déboutés "par ordonnance", sans possibilité de se faire entendre par la Commission de recours.
Le projet de loi de finances 2006 crée une nouvelle allocation spécifique aux demandeurs d’asile, appelée "allocation temporaire d’attente".
S’il est enfin prévu que cette allocation soit versée toute la durée de la procédure, elle reste insuffisante pour la survie, notamment celle des familles (moins de 10 euros par jour et par adulte). Sont exclus du bénéfice de cette nouvelle allocation, un nombre de plus en plus important de demandeurs d’asile (sous procédure Dublin II, provenant des pays d’origine sûrs ou faisant l’objet d’une procédure prioritaire parce que leur demande est jugée "abusive").

Le rapport de Mme des Esgaulx, publié en juillet 2005 et qui sert de base pour ces réformes, préconise des modifications législatives pour que les demandeurs d’asile soient assignés à résidence dans des CADA ou, à défaut d’hébergement, dans un département, sous peine de perdre leurs allocations.
Cette proposition de sanction financière, qui méconnaît les conditions pratiques d’hébergement des demandeurs d’asile privés d’hébergement dans le dispositif national d’accueil faute de place, constituerait si elle était mise en pratique une grave entrave à la liberté de circulation. Elle entraînerait en outre une aggravation de la situation sociale déjà difficile des demandeurs d’asile, et empêcherait l’accès à procédure équitable dans l’examen de la demande d’asile.
Les demandeurs d’asile ne peuvent être réduits à un coût pour la collectivité ou un "flux que nous subissons" : ce sont des personnes en quête d’une protection. La France a le devoir de leur offrir les garanties d’une procédure équitable.
LA CFDA s’adresse d’une part au gouvernement pour lui demander de renoncer à réduire le délai de recours à la commission et d’autre part au Parlement pour lui demander de modifier "l’allocation temporaire d’attente" de manière à permettre aux demandeurs d’asile et à leurs familles de vivre dignement sur l’ensemble des territoires de la République.

Premiers signataires : ASSOCIATION PRIMO LEVI, ACAT, Amnesty International, APSR, CASP, CIMADE, COMEDE, FASTI, FORUM REFUGIES, France Terre d’Asile, GAS, GISTI, LDH, MRAP, Secours catholique, SNPM

Coordination française pour le droit d’asile


La rançon du pouvoir

On ne dira jamais assez les méfaits du pouvoir quand il enlève aux uns tout ce qui reste de sentiments humains et quand il jette tant d’autres sur le carreau. Combien d’hommes politiques en font fait l’amère expérience, qui sont payés par l’ingratitude !
C’est ce que je me disais l’autre soir, en regardant à la télévision le documentaire sur les “années Debré”, période sombre de notre histoire, dont j’ai été un témoin parmi d’autres. Le film, monté à partir d’archives de RFO sorties de justesse de la poussière, et de témoignages de personnalités vivantes et disparues qui ont connu ou approché l’ancien député de La Réunion, m’a rafraîchi la mémoire et, dois-je le dire, par instants bouleversé.
Mais parmi les images les plus saisissantes, je revois celles de son débarquement ici, venu pour répondre aux sollicitations pressantes d’élus réunionnais en perdition, dont le principal souci était la sauvegarde de leurs privilèges. Je revois aussi celles de ses campagnes électorales toujours mouvementées où il affiche son côté paternaliste humiliant pour le peuple réunionnais ; celles enfin de l’épilogue tragique de son aventure sous les tropiques, juste avant son retour définitif en métropole, quand il annonce qu’il ne se représentera plus.
Quel contraste poignant entre l’homme politique triomphant, sûr de lui, auréolé de son titre d’ancien Premier ministre, qui se lance dans un combat sans merci contre des adversaires traités un peu trop facilement de séparatistes, et celui, défait, abattu, éperdu, le visage hagard, qui ne comprend pas son “largage” par ceux-là mêmes qui avaient tant insisté pour l’appeler à leur secours !
Dans quel piège était-il donc tombé, poussé par ses amis colonialistes sur place : celui du nationalisme français le plus étriqué qui l’amène à détourner La Réunion de sa signification profonde pour en faire le symbole d’une revanche dérisoire sur les échecs subis par son pays dans l’Empire français, en Indochine ou en Algérie ?

Georges Benne


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