Le courrier des lecteurs du 3 décembre 2004

3 décembre 2004

(Page 9)

J’aime à penser...

J’ose espérer que, dans son dernier courrier de lecteur, Jules Bénard (de Saint-Pierre) a perdu de vue (mais ça peut arriver à n’importe qui) qu’Air Bourbon étant une compagnie aérienne avec le statut de société privée, le féminin lui est davantage approprié.
J’aime à penser, par conséquent, que lorsqu’il écrit qu’" il ne manque pas de piquant le discours de Monsieur Raymond Lauret, défendant l’argument légal selon lequel les collectivités ne peuvent rien pour Air Bourbon : qu’il crève !", Jules Bénard n’exprime pas là de ressentiment à mon égard. En ce qui me concerne, je n’en doute pas. Mais on ne sait jamais.
Ceci dit, je n’entends pas répondre à la (très curieuse) analyse avec laquelle Jules Bénard épice la gestion du responsable d’Air Bourbon. Il a une circonstance atténuante imparable : cela se voit, ce n’est pas là son domaine...
Passons donc sur sa certitude que, par exemple, la loi n’interdit pas "de secourir une entreprise au bord du gouffre". Passons encore sur son affirmation qui devrait, je l’espère, enfoncer une porte ouverte et selon laquelle "l’argent, il est à la caisse de péréquation des agents de voyage, pas dans les poches de Lazarus !".
Oui, passons tout en appréciant sa remarque "mais qui n’en commet jamais ?" à propos des erreurs des gérants d’Air Bourbon : elle vaut son pesant de cacahuètes.
Car tout le problème est là : des erreurs de gérants qui aboutissent aux résultats que l’on a sous les yeux, ce n’est pas rien. Elles ne sont pas en tout cas de nature à laisser indifférents les responsables d’Air Comores International qui, selon Jules Bénard, envisageaient de confier la gestion de leur compagnie à Air Bourbon, c’est-à-dire à Érick Lazarus.
Oui, passons et souhaitons que le plan de redressement présenté ce mercredi par Monsieur Lazarus aux juges du tribunal de commerce tienne la route et soit accepté. Souhaitons encore que de ce drame, toutes les leçons soient tirées par ceux qui sollicitent les autorisations de faire du trafic aérien de passagers et surtout par ceux qui ont la lourde responsabilité de les attribuer...

Raymond Lauret


Celui qui croit au génie des cancres

Il m’arrive plus d’une fois de faire référence à Alain, le philosophe et le poète - car pour moi il est les deux à la fois. Certains diront que je le cite “trop souvent”. Mais c’est parce qu’il éclaire notre réflexion commune et qu’à ce titre, il occupe une grande place dans ma vie, comme il m’a accompagné dans mon métier d’enseignant.
Mon admiration pour le penseur et l’écrivain - car encore une fois je ne peux séparer l’un de l’autre, comme pour les grands auteurs je ne peux séparer le fond de la forme - est née à mes dix-neuf ans quand je faisais ma “quatrième année d’École normale”, sous la direction de mon professeur de psychopédagogie, M. Jean-Marie Arnoux, que je revois non sans émotion dans mon souvenir, et dont je n’ai pas oublié la tendre ironie. C’est lui qui m’a fait connaître Alain.
Aussi, est-ce avec une grande joie mêlée de surprise que j’ai lu récemment dans le journal “Libération” du 18 octobre un article de Philippe Lançon qui rendait un hommage appuyé au pédagogue, plus actuel que jamais, sous le titre pour le moins inattendu : “Alain, sauveur des cancres”. Cela faisait si longtemps qu’on l’avait quelque peu oublié ; on osait même dire qu’il était passé de mode.
Or voici que soudain, à l’occasion de la énième réforme de l’enseignement, annoncée ces temps derniers par le ministre Fillon, un journaliste le sort du placard où on l’avait mis, pour lui rendre enfin justice : "Les écrits du philosophe apportent une bouffée d’air salutaire dans le débat ranci sur l’école".
Il remet à l’honneur quelques-unes de ses paroles, destinées en premier aux enseignants, qu’il a relevées dans le Propos intitulé La morale, c’est bon pour les riches : "Non, réellement, il vaut mieux parler d’autre chose, de ce qui est à tout le monde, du soleil, de la lune, des étoiles, des saisons, des nombres, du fleuve, de la montagne, de façon que celui qui n’a point de chaussettes se sente tout de même citoyen ; de façon que la maison d’école soit le temple de la justice, et le seul lieu où les pauvres ne soient pas méprisés".
Ainsi veut-il redonner à Alain toute sa place et rien que sa place : Alain est toujours du côté de l’élève : de son imagination concrète, de sa spontanéité pas encore réduite, de ses erreurs fertiles qu’il faut comprendre et corriger en sa compagnie. Il porte l’élève, et avant tout le cancre, car "la démocratie a pour devoir de revenir aux traînards", plutôt que d’enfler "scientifiquement les grenouilles".
Comment ne pas songer ici à ce que dit, d’une manière encore plus radicale, le Verbe, et qui donne toute sa chair à la pensée d’Alain : les premiers seront les derniers ; les derniers seront les premiers.

Georges Benne


Qui veut mettre les immigrés dehors ?

Le gouvernement français s’est fixé l’objectif de reconduire à la frontière 15.000 résidants immigrés pour l’ensemble du territoire : combien pour les DOM, et plus particulièrement La Réunion ? Combien de reconduites à la frontière avant la fin de l’année ? Et après ?
Depuis les lois Pasqua sur l’immigration, renouveler un titre de séjour en France, quand on est ressortissant d’Afrique en particulier, devient un véritable cauchemar. Ici, à La Réunion, les exemples les plus frappants ne manquent pas : il n’y a pas si longtemps, on s’en souvient encore, c’est une jeune fille étudiante elle aussi, qui a été dans l’obligation de se cacher pour se protéger d’une reconduite à la frontière... Aujourd’hui, c’est une mère de famille que l’État pourrait obliger à se séparer de son enfant...? Après quoi, on dira que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ? (Constitution 1958)...
La France, championne des Droits de l’homme et du citoyen, Charte de la dénonciation du racisme, de l’intolérance, de la xénophobie...? La France ? c’est à croire, une fois de plus, que La Réunion n’est pas dans un département français. Comoriens, Malgaches, ressortissants africains déor !
Tous les prétextes sont bon pour atteindre le noble objectif que s’est fixé le gouvernement pour 2004 : 15.000 reconduites à la frontière... La honte ! honte à La France, honte à La République, honte à la devise : Liberté-Egalité -Fraternité.
Jean-Marie Le Pen a le courage d’afficher clairement sa préférence. Tous les immigrés le savent : pourquoi les autres hommes politiques se cachent derrière des lois, des gouvernements ? Dites-le haut et fort ; immigrés déor !
Aux oubliettes le temps des colonies, aux oubliettes les tirailleurs venus d’Afrique pour libérer La France du nazisme ; aux oubliettes les grands chantiers (routes, ponts, chaussées, chemins de fer et autres) ; aux oubliettes ! Africains déor !
Aujourd’hui, La France est debout, 4ème puissance économique du monde, elle n’a plus besoin de nous ; nous ? Oui, nous, les immigrés... Elle n’a plus besoin d’esclaves, plus besoin de tirailleurs, plus besoin de main d’œuvre à bon marché : immigrés déor !
Sans contester le bien fondé des lois de la République, nous sommes de plus en plus nombreux à préparer nos bagages et à dire : Merci ! Qui veut mettre les immigrés dehors ?... L’État, le gouvernement, les préfets ? Messieurs les parlementaires, Messieurs les hommes politiques, l’Afrique vous salue bien et attend vos réactions.

Samuel Mouen,
ressortissant camerounais


Incinération : mort annoncée du tri sélectif et des emplois de la filière

Par la loi du 13 juillet 1992, il était entendu que les décharges devaient disparaître avant le premier juillet 2002. À cette date, le contenu de nos poubelles devait être valorisé de toutes les façons possibles, autrement dit transformé en compost à usage agricole, recycler ou réemployer les métaux, verres, papiers, plastiques...
Le verre redevient bouteille, les journaux et magazines renaissent sous forme de cartons ou papiers journaux, les bouteilles en plastique deviennent tuyaux, tubes téléphoniques et même pull-over. Le tri sélectif offre ainsi aux matériaux une nouvelle vie et permet la création d’emplois. (Le recyclage est source d’emploi, pas l’incinération qui nécessite du capital et pas de travail. Dans une île sans travail, aller contre l’emploi est criminel.)
Pour réussir le challenge du tri, une forte mobilisation de la population est nécessaire. Mais également un redéploiement des moyens mis à disposition des administrés, déchetterie, poubelles, bornes d’apport volontaire, et ambassadeur du tri.
Pour l’heure le constat est décevant : seulement 11 % de nos déchets sont revalorisés alors que les prévisions pour 2005 prévoyaient 36 %. Doit-on pour autant baisser les bras en accueillant comme solution l’installation d’incinérateurs, alors que parallèlement tous les moyens de réduire la production de déchets à la source n’ont pas été exploités ?
Les Verts Réunion réaffirment que la filière de l’incinération est mal maîtrisée et qu’elle comporte de nombreux risques. Un incinérateur coûte très cher, avec ce qu’il faut de dépoussiéreur et d’équipement dépolluant pour piéger les cendres volantes. Il doit fonctionner avec un maximum de tonnage pour être à son optimum d’efficacité et de coût. En d’autres termes, pour diminuer autant que possible le prix de l’incinération rapporté à la tonne d’ordures ménagères, les communautés de communes se trouveront dans l’obligation d’envoyer à l’incinérateur le plus de déchets possible ! Après avoir des années durant discouru et claironné sur les mérites du tri sélectif, nous allons le passer au dernier plan, pour amortir le coût des incinérateurs.
La perspective de brûler les ordures ménagères plaît à certains élus pourvu que les incinérateurs se tiennent loin de leur domicile. Car en France, ces usines à dioxine ont coûté la vie annuellement à entre 1.800 et 5.200 personnes. Il faut distinguer deux types de résidus de l’incinération : les dioxines et les déchets ultimes : les mâchefers et les Refioms).
Les premiers, composés organiques toxiques qui restent jusqu’à 30 ans dans l’organisme de l’homme. Les seconds, résidus chargés de métaux lourds comme le plomb et le mercure. Quant aux résidus d’épuration de fumée d’incinération des ordures ménagères, ils sont tellement toxiques qu’il faut les traiter et les enfouir en centre d’enfouissement technique de classe 1.
Les risques présumés pour la santé sont des affections graves de la peau, des cancers, des anomalies génétiques et des atteintes du système immunitaire. En outre les incinérateurs restituent à l’atmosphère le gaz carbonique, et ce faisant, ils apportent leur contribution à l’augmentation de l’effet de serre.
La filière incinération est d’abord un véritable enjeu économique et financier sous la dépendance de puissants intérêts privés, des filiales du groupe Bouygues, Vivendi ou Veolia, Lyonnaise des Eaux, Suez, etc.... Ces industriels et leurs obligés, les élus qui les soutiennent ne nous présentent pas objectivement les dangers de l’incinération. Sous couvert de développement durable, on nous parle de solution propre, puisqu’elle élimine les déchets et permet de récupérer de l’énergie.
Ne sacrifions pas la santé des Réunionnais sur l’autel des intérêts de ces groupes. N’allons pas reproduire les erreurs de la Métropole !! Les Verts Réunion affirment que cette filière doit rapidement décroître en France (au Japon, la mobilisation des populations a conduit à la fermeture de dizaines d’incinérateurs, et à la mise en place d’une société du “tout recyclage”) et demandent pour la Réunion qu’un moratoire soit instauré sur la construction d’un incinérateur.

Véronique Dénès, élue Verte


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