Le courrier des lecteurs du 30 mai 2005

30 mai 2005

(page 10)

Des méthodes répugnantes

La presse vient d’évoquer la situation d’un Comorien de 25 ans qui a été victime d’un accident de circulation. Suite à une dénonciation faite par la direction de la clinique de Saint-Benoît (La Réunion), ce jeune homme a été arrêté par la police car il était en situation irrégulière. Un tel événement ne s’est jamais produit en France métropolitaine, même dans les villes contrôlées par le Front National.
Nous considérons que dans un pays démocratique, chaque institution a son rôle. Une clinique a pour mission principale de soigner les patients quelles qu’en soient les origines ethniques ou sociales ainsi que les opinions politiques ou religieuses. Elle n’a pas pour mission de servir de relais à la police.
C’est pourquoi nous nous insurgeons fermement contre l’attitude de la direction de cette clinique de Saint-Benoît qui a consisté à sombrer dans la dérive de la délation. Nous rappelons que la délation est un phénomène extrêmement dangereux qui, par exemple, a produit des conséquences dramatiques au cours de la Seconde guerre mondiale.
En effet, des milliers de juifs ont été arrêtés, emprisonnés, voire assassinés, suite à la délation à laquelle s’est livrée une frange de la société française au cours des années 1940-1945. Nous devons donc tirer les leçons de l’Histoire et éviter le piège de ce phénomène méprisant.
Nous dénonçons également le non respect des droits de ce Comorien par les autorités françaises et notamment le préfet de La Réunion.
Son expulsion, dans la précipitation, le jeudi 26 mai 2005, est à la fois injuste et irresponsable du fait de l’incertitude qui pèse sur la réalité de sa santé. En effet, victime d’un grave accident de la route, ce jeune homme, même en situation irrégulière, a le droit d’être soigné convenablement. Il n’est pas inutile de rappeler que même les prisonniers de guerre ont le droit d’être soignés et respectées en tant qu’êtres humains en vertu de la Convention de Genève. Il mérite aussi que justice lui soit rendue, que les responsables de son accident soient traduits en justice. Cela n’a pas été fait car il n’a jamais été entendu à ce propos.
Nous invitons toutes les forces démocratiques et toutes les personnes éprises de paix, de liberté et de justice à se mobiliser afin de dénoncer et refuser ces méthodes répugnantes.

Le Collectif pour la défense de l’unité et de l’intégrité territoriale des Comores


Aucune trace de la Sainte Trinité dans les 27 livres du Nouveau Testament

Dans un article du 20 mai paru dans “Témoignages” et intitulé “Réflexions sur la Trinité”, Reynolds Michel, après avoir brièvement exposé la conception trinitaire de l’Église catholique - "un Dieu en trois personnes : Père, Fils et Esprit" -, fait trois remarques intéressantes :
1) "Le terme de “trinité” est absent de la Bible". Cette Bible, notons-le, dont le Père Dennemont (courrier du 2 février) disait pourtant qu’elle est "le livre de la Parole de Dieu".
2) Ce n’est pas en ces termes - "Dieu en trois personnes" - que la communauté chrétienne primitive définissait la situation "du Père, du Fils et de l’Esprit". Rappelons qu’il s’agit ici de la communauté des apôtres et des disciples qui avaient partagé la vie de Jésus et bénéficié de son enseignement.
3) "La notion de “personne” n’apparaîtra que bien plus tard, et n’aura droit de cité dans la théologie chrétienne qu’aux 3ème et 4ème siècles". C’est-à-dire 200 ou 300 ans après la mort de Jésus, qui n’était donc plus là pour dire ce qu’il en pensait.
Après ces trois remarques, qui corroborent somme toute ce que j’écrivais moi-même dans un article du 14 mai sur la Pentecôte, Reynolds Michel prend position. Entre la conception des premiers chrétiens, formés à l’école de Jésus, et la conception tardive de l’Église, dont il lui-même qu’elle n’a été adoptée qu’après "une longue rumination et bien des controverses", il choisit la seconde. C’est évidemment son droit le plus absolu.
En revanche, quand il prétend que la conception trinitaire de l’Église "nous est révélée par Jésus", et que "le Nouveau Testament distingue Dieu comme Père, comme Fils, comme Esprit", non seulement il se contredit - voir les remarques ci-dessus - mais encore il énonce une contre-vérité, je suis désolé de le dire.

Le “souffle saint”

Commençons par le Saint-Esprit. Dans aucun des 27 livres du Nouveau Testament il n’en est fait mention. Tous ces livres ont été rédigés originellement en grec, et c’est abusivement que certains traducteurs ont rendu le mot “pneuma” par “esprit”.
En réalité, “pneuma”, que l’on retrouve dans le français “pneumatique”, signifie “air, souffle, vent”. Dans les originaux grecs et dans les bonnes traductions modernes, on voit l’ange Gabriel annoncer à la Vierge Marie qu’elle sera enceinte "par la puissance du souffle saint". De même, le jour de la Pentecôte, 50 jours après la résurrection du Christ, le "souffle saint", faisant un bruit de vent violent, descend sur les apôtres et quelques autres disciples.
Dans l’un comme dans l’autre cas, il s’agit d’un souffle de Dieu, et non d’une “personne” distincte du Père. Lorsque, avant de mourir, Jésus promet à ses disciples de leur envoyer le “souffle saint”, il prend soin de préciser qu’il s’agit de "l’esprit de vérité qui vient du Père" (Jean 15,16).
Le mot “pneuma” traduisait lui-même, dans la Septante, le mot hébreu “rûha”, lequel désignait dans le monde matériel le souffle du vent et, dans l’ordre spirituel, l’ensemble des pouvoirs d’action de Dieu.
Un glossaire de la “Nouvelle Traduction” éditée chez Bayard explique clairement : "Cette rûha, qui dépend de la volonté du Seigneur, peut agir avec plus ou moins d’intensité, dans toutes les directions". Elle peut donc aussi bien féconder une jeune femme à distance que transmettre à quelques disciples assemblés le don des langues étrangères. Ni Jésus, ni les premiers chrétiens n’en faisaient un Esprit à part.

Le Fils de l’Homme

Venons-en au Fils. Quelle que soit la vénération qu’on professe à son égard, il faut bien admette que ni les Évangiles ni les Actes des Apôtres, ni les Épîtres de Paul ne le présentent comme étant Dieu, ou comme “personne” de la Divinité. Si parfois - rarement - il est dit “Fils de Dieu”, il faut l’entendre au sens général défini par Saint Paul : "Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu."
L’apôtre Pierre en tout cas, qui passe pour être le fondateur de l’Église, et qui surtout avait accompagné Jésus tout au long de son ministère, dit de lui, lors de son premier discours public : "Jésus de Nazareth était un homme dont Dieu vous a montré toute l’autorité" (Actes 2,22). Et il ajoute : "Le Dieu de nos ancêtres a manifesté la gloire de son serviteur Jésus" (Actes 3,13).
L’apôtre Paul est plus explicite encore : "Le Christ est le chef de l’homme, le mari est le chef de sa femme (!) et Dieu est le chef du Christ". (Cor. 11, 13). Voilà la hiérarchie bien établie.
Il écrit encore : "Jésus a été envoyé par Dieu pour être le grand prêtre de la foi que nous professons" (Hébr. 3, 9). Et il met les points sur les i : "Tout grand prêtre est choisi parmi les hommes et désigné pour servir Dieu" (Hébr. 6, 11).
Quant au principal intéressé, que dit-il de lui-même ? Qu’il est Dieu ? Jamais. Il se présente en général comme “le Fils de l’Homme”. En aucune circonstance il ne se frise au niveau du Père. Quand on lui demande à quelle date surviendra la fin du monde qu’il annonçait pour bientôt, il répond : "Personne ne sait quand viendra ce jour à cette heure, pas même les anges les cieux, ni même le Fils, le Père seul le sait." (Matthieu 24,16). À Marie de Magdala, qu’il voit le jour de sa résurrection, il dit : "Va dire à mes frères que je monte vers mon Père, qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu." (Jean 20,17) Il ne pouvait mieux dire qu’il n’est pas lui-même Dieu.
Un mot pour en terminer sur ce point précis : Lorsque R.M. dit chaque soir sa prière, cette prière que Jésus en personne a enseignée à ses disciples, à qui s’adresse-t-il ? Au Fils ? Au Saint Esprit ? Bien sûr que non. Il s’adresse au Père, au Père seul.

Gare aux contrefaçons

Cela dit, il est vrai qu’en cherchant bien, on peut toujours dénicher, ici ou là dans le Nouveau Testament, telle ou telle formule apparemment trinitaire, te ou tel passage où Jésus semble s’assimiler à Dieu. Mais en ces temps anciens où l’imprimerie n’existait pas, où les œuvres littéraires se diffusaient par reproductions manuscrites, certains copistes, animés des meilleures intentions, n’hésitaient pas à faire des retouches aux Écritures, à y apporte telle modification de leur cru.
R.M. nous en fournit un exemple concret. Il ne relève qu’en Mathieu, 28,19, tout à la fin de l’évangile, Jésus envoie ses apôtres en mission, leur disant : "Allez parmi tous les peuples, faites-y des disciples, que vous baptiserez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit."
Quelle aubaine que cette formule pour qui veut prouver que la conception de la Sainte Trinité "nous est révélée par Jésus", et que "le Nouveau Testament distingue Dieu comme Père, comme Fils, comme Esprit"... !
Le problème, c’est que cette phrase, prétendument prononcée par Jésus, a été introduite après coup, en contrebande, dans l’Évangile de Mathieu. Rien, en effet, n’est plus étranger à la mentalité, aux intentions de Jésus telles qu’elles nous ont révélées par Mathieu lui-même que d’envoyer ses apôtres convertir des peuples non juifs. Au chapitre 10, verset 54 de même évangile, Jésus avait pris soin, au contraire, de prescrire à ces mêmes apôtres : "N’allez pas vers les autres nations, n’entrez pas dans les villes des Samaritains. Allez vers les brebis égarées de la maison d’Israël."

Daniel Lallemand


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