Le courrier des lecteurs du 4 mai 2004

4 mai 2004

La montagne pleure

Le matin du vendredi 30 avril 2004 à 10 heures, au lieu dit Îlet Quinquina, à l’entrée de la voie d’accès menant au chantier du basculement des eaux, nous avons organisé - conjointement avec l’association Jeunesse 2004 - un sit-in de protestation pour exiger des réponses que la population réunionnaise est en droit d’attendre sur la politique menée par le Département au sujet du basculement des eaux.
Nous avons été cantonnés derrière la barrière d’accès dudit chantier, les autorités chargées de la mise en œuvre de ce chantier nous en ayant refusé l’accès.
Après la conférence de presse - à laquelle 30 militants de ces deux mouvements ont participé -, nous nous sommes rendus au Conseil général pour remettre au chef de cabinet de la Présidente notre “Manifeste pour l’eau”.
Nous avons effectué la même démarche auprès du Conseil régional.
Ce manifeste a été également envoyé au président de la Commission européenne, M. Romano Prodi, ainsi qu’au ministre de l’Écologie et du Développement Durable.
Mais, comme à l’accoutumée, lorsque la jeunesse ou les écologistes s’expriment, les médias audio-visuels ont fait mine d’être occupés ailleurs.
Tout au long de la dernière campagne électorale, ces deux composantes de notre société que sont les écologistes et la jeunesse ont été ignorées des télévisons locales.
Sur ce scandale écologique qu’est le basculement des eaux, nous avons sollicité les télévisions pour qu’elles assistent à nos conférences de presse concernant ce sujet.
Rien n’y a fait ! Sous des arguments fallacieux, on nous a dit de manière assez soft d’aller nous faire voir, et on nous a demandé sur quel temps de parole il eût fallu défalquer ces conférences de presse...
Pendant ce temps, la montagne pleure. Elle pleure des larmes d’eau pure ! Sans doute qu’une statue de la Vierge suintant de l’huile d’olive aurait été plus médiatique et serait mieux passée à l’image qu’une montagne blessée par l’inconséquence des humains.
Mais voilà, il y avait les comptes de campagne...

Passée cette campagne et alerté par ce gâchis - ce crime écologique - pendant la période électorale, chacun des élus responsables de ce dossier est retourné pantoufler, laissant aux générations futures le soin de régler ce problème récurrent.
Nous ne pouvions l’admettre. Une nouvelle fois, nous avons manifesté notre indignation contre ce gâchis et avons demandé à la presse de rendre compte de notre mécontentement en venant nous rejoindre vendredi dernier sur le site du basculement des eaux.
Une nouvelle fois, seule la presse écrite a répondu à notre appel, et par la présente nous l’en remercions.
Ainsi, R.F.O. - en boycottant les forces vives que sont la jeunesse et les écologistes, en refusant de rendre compte d’un tel événement sous le prétexte que l’actualité est chargée - mérite bien le surnom de “La Voix de Son Maître”.
Chargée, l’actualité ? Lorsque l’on voit la pauvreté de leurs journaux télévisés...!
Bien entendu, il faut serrer le journal car des invités hautement importants attendent, il faut parler du petit d’un tel qui fait ses dents, de la fermeture de la route cannière, du fils du conseiller général qui a perdu une roue, etc, etc... sans oublier que derrière, sur les starting-blocks, attend la télé nova, sorte de machine à abrutir le peuple et à empêcher de penser.
Pendant ce temps, la montagne continue de pleurer ses quatre cents litres d’eau pure à la seconde... (soupir)

Quant à Antenne Réunion, nous nous sommes rendus directement à ses studios pour lui demander les raisons de son absence.
La réponse fut sensiblement la même : actualité trop chargée. Ils en rajoutent même en nous disant que le fax que nous avons envoyé s’était perdu. Mensonge : non seulement nous leur avons envoyé un fax mais encore nous les avons joints par téléphone ; il nous ont confirmé l’avoir reçu et nous ont assuré vouloir en parler en conférence de rédaction.
"Laissez-nous un numéro de GSM pour vous joindre, on vous appellera". Bien sûr, on vous croit.
Mais voilà, Antenne Réunion c’est la voix de la métropole, avec son journal copié collé sur celui de TF1. En plus, il sert deux fois : une fois à 12 heures 30 et une autre à 19 heures 20 ; alors, pensez s’ils ont le temps de se soucier des aléas environnementaux de notre île.
Pour cette chaîne, seule la métropole compte, on passe vite fait sur les comptes-rendus de quelques événements locaux, pour ensuite se réinvestir confortablement dans ce qui importe le plus, la métropole : des journaux encadrés par une émission expliquant comment protéger nos rosiers juste avant l’arrivée des grands froids et de la neige, et par une émission où l’on enferme une dizaine de pseudo-célébrités dans une ferme pour parler de petites culottes perdues. On se demande, dans cette affaire, qui des animaux ou des célébrités pense.
Un petit temps pour les autochtones, et vite fait on se tourne vers l’actualité métropolitaine. Mon Dieu, quelle misère intellectuelle !
Pendant ce temps, la montagne continue de pleurer ses quatre cents litres d’eau pure à la seconde... (soupir)
Mais avec ou sans télévisions, les écologistes et la jeunesse réunionnaise continueront de s’impliquer dans cette affaire.
En gaspillant l’eau, ressource primordiale dans la survie de notre planète, c’est l’avenir de nos descendants que nous hypothéquons.

Guy Ratane-Dufour,
secrétaire général du M.G.E.R.

(1) Pour prendre connaissance du “Manifeste sur l’eau” et pour nous rejoindre dans ce combat, tél : 0692 61 75 88 - mail : [email protected]


Inadmissible !

Les fauteurs de guerre en Irak - Américains et Anglais - ne trouvent pas de mots assez sévères pour qualifier le comportement de soldats anglais, vis-à-vis de résistants irakiens tombés entre leurs mains.
Certains responsables au sommet ont promis des sanctions contre les coupables et contre leurs chefs sur le terrain. Ils parlent de l’honneur de l’Angleterre et de son armée et des troupes de la coalition...
De quel “honneur” s’agit-il, quand bombardiers, tanks et missiles pulvérisent maisons et villes entières et les habitants - femmes et enfants avec ? Est-ce que ça ne contribue pas à mettre au cœur de ces soldats “libérateurs”, soumis aux coups répétés de résistants insaisissables, une volonté exacerbée de vengeance ?
À quel niveau faut-il situer les responsabilités devant ces violences humiliantes et cruelles sur des personnes sans défenses et entravées ? Et pour l’un ou l’autre cas qu’un observateur écœuré a pu photographier, combien d’autres couverts par le “secret défense” n’auront jamais l’honneur des archives !
G. W. Bush, pensez-vous que l’invention due à votre génie maléfique, et qui s’appelle “Guantanamo” où, totalement isolés, pourrissent plus de 600 résistants, Afghans et autres - oui, croyez-vous que cette invention fasse “honneur” à l’Amérique ? Parce qu’elle vient de vous, cette trouvaille, relèverait-elle de l’axe du bien, plus que de l’axe du mal ?
Et quelle immense hypocrisie de la part des chefs d’État qui se disent là, écœurés, et se taisent sur l’écrasement impitoyable sous les bombes, nuit et jour, des villes et populations irakiennes ! Des soldats venus “libérer”... et devenus troupes d’assaut sans scrupules, ne s’embarrassent plus de valeurs morales : ils sont la force et ça donne des droits...
Alors, les résistants qui n’acceptent pas l’occupation, deviennent des “terroristes”. Et tout le monde le sait - G. W. Bush ne cesse de le répéter - le terrorisme est à extirper par tous les moyens !
À quel niveau de responsabilité faut-il donc chercher des coupables ?
Et qui, des bourreaux ou des victimes, inscrire au “champ d’honneur” ?

René Payet
Saint-Pierre


Mais pourquoi donc ce mépris du créole ?

J’ai été doublement déçu par la malencontreuse intervention de Madame la sénatrice Anne-Marie Payet qui, trois ans après la naissance du premier journal télévisé en créole, a osé réclamer, à la tribune de la Haute Assemblée, purement et simplement sa suppression. Alors que c’est la seule émission
de ce genre, qui n’a lieu qu’une fois par semaine, une émission qui fait honneur à RFO Réunion, et qu’il faudrait au contraire multiplier en raison du rôle qu’il joue auprès de la population qui, faut-il le rappeler, parle le créole dans sa grande majorité, en raison de son inestimable qualité et du franc succès qu’il connaît depuis sa création.
Déçu d’abord parce qu’Anne-Marie Payet est une femme, et qu’à ce titre je lui prêtais volontiers une plus grande sensibilité ; ensuite parce que c’est une Réunionnaise qui devrait être pétrie de toute l’Histoire de son pays, meurtri par tant de siècles d’esclavage et de colonialisme. Et si c’est une fille de Cilaos, elle ne pourrait qu’être fière du nom du cirque et de son village ; d’autant que Cilaos est un nom d’origine malgache qui signifie : un endroit qu’on ne quitte jamais.
Aussi, ce samedi 24 avril, pour rien au monde je ne pouvais manquer au rendez-vous hebdomadaire devant mon poste de télévision, afin de vérifier par moi-même la véracité de ses griefs contre le bulletin d’information en créole, et voir de mes propres yeux si les accusations qu’elle avait portées au Sénat étaient quelque peu fondées.
Eh bien, non ! À part une ou deux hésitations de la jeune journaliste qui officiait ce jour-là, et qui n’a pas encore la maestria de son collègue et aîné Henri-Claude Elma, l’ensemble était digne d’intérêt et vivant : aucune vulgarité, aucune faute de goût, n’en déplaise à Anne-Marie Payet qui doit se rendre à l’évidence : la langue créole quand elle est bien parlée ne dépareille en rien le journal télévisé, bien au contraire elle réussit même à éclipser un certain français journalistique trop banalisé, qui peut paraître fade à côté.
Mais ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est l’admirable interview qu’a donnée ce samedi-là le chanteur populaire Danyèl Waro. Car ce fut pour moi un régal de l’écouter parler dans son créole à lui, si coloré, si flamboyant. Je me suis alors posé la question : est-ce qu’il aurait pu donner ainsi toute sa mesure, dire tout ce qu’il avait à dire, et avec tout son cœur, s’il avait été interrogé dans la langue de Chirac, ce jour-là ?

Georges Benne,
Le Tampon


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