Le courrier des lecteurs du 7 juin 2004

7 juin 2004


Pour le droit à l’emploi des Réunionnais

Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que les pouvoirs publics et les élus prennent conscience de la gravité de la situation de l’emploi à La Réunion et pour qu’ils prennent les mesures qui s’imposent pour privilégier le recrutement local et l’affectation prioritaire des fonctionnaires originaires du département en service en métropole ?
10.000 à 12.000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. Certains choisissent la mobilité professionnelle et partent pour la métropole, l’Europe voire le Canada, mais la plus grosse partie d’entre eux reste dans leur pays avec le désir légitime d’y travailler.
Si un département de métropole avait 37% de chômage, il y a longtemps que des mesures fortes et spécifiques auraient été prises.
Dans la fonction publique, suite à l’arrêt GRIESMAR, de nombreux fonctionnaires (hommes ayant 3 enfants) partent en retraite anticipée. Leur nombre est évalué à 800. Pourquoi, ces postes vacants ne donneraient pas lieu à un recrutement prioritaire de Réunionnais ?
Dans le secteur de la Défense, le Ministère répète depuis de nombreuses années que la politique de recrutement dans l’outre-mer doit favoriser l’emploi local. La priorité doit être réservée aux recrutements locaux et il convient de mettre en œuvre tous les moyens pour respecter ce principe. La mutation d’ouvriers en fonction en métropole pouvant être envisagée à défaut de candidatures locales adaptées aux besoins des établissements ou des services dans lesquels des postes vacants sont à pourvoir.
Ce principe semble être actuellement battu en brèche dans la mesure où la Direction de la Fonction Militaire et du Personnel civil du Ministère de la Défense vient de décider de muter, en provenance de la métropole, d’une part deux ouvriers mécaniciens et un ouvrier menuisier à la base aérienne 181, et d’autre part cinq ouvriers mécaniciens et deux ouvriers de gestion de stocks et d’achats au 2ème RPIMA.
Ces mutations sont d’autant plus surprenantes que les compétences locales existent et que ces postes étaient occupés jusqu’à présent essentiellement par des personnels recrutés localement et qui viennent de faire valoir leurs droits à la retraite.
La différence de rémunération qui existe encore entre les ouvriers mutés et les ouvriers recrutés localement (63% de majoration de salaire pour les premiers et 40% pour les seconds) est aussi un élément à prendre en compte en faveur de la mise en œuvre effective de la politique de recrutement local.
Les gouvernements successifs ont pris des mesures spécifiques afin d’encourager l’emploi local dans le secteur local dans le secteur privé à travers les lois Pons, d’orientation pour l’outre-mer et la loi programme. La défiscalisation, les exonérations et le congé de solidarité qui permet le recrutement d’un ou deux jeunes de moins de 30 ans pour un départ à la retraite ont un impact bénéfique sur l’emploi.
Cependant, la mobilité professionnelle ou formative ne permet pas d’intégrer les 10.000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année.
Ces jeunes, dont certains choisissent la filière technique, ne comprendraient pas que, comme dans le privé, un emploi libéré dans la fonction publique par un ouvrier de recrutement local leur échapperait au profit d’un ouvrier d’État muté de métropole avec les avantages liées à l’éloignement. Ce choix fait par le Ministère de la Défense va à l’encontre des mesures préconisées sur le plan budgétaire, puisque l’affectation d’un ouvrier muté entraîne le double des dépenses par rapport à un recrutement local.
L’opinion publique ne comprendrait pas non plus un tel choix.

Patrick Beyronneau,
secrétaire du Syndicat du personnel civil des armées


Une éducation nationale en danger

Les Conseillers Principaux d’Education (CPE) du SNES apportent leur soutien total à leur collègue agressée très sérieusement par un élève au LP Langevin de Saint-Joseph. La politique menée par le gouvernement Raffarin, en diminuant dans des proportions considérables le nombre d’adultes dans les établissements scolaires au nom d’une politique économique orientée (plus de 4.000 heures en moins à la vie scolaire dans l’académie, uniquement pour cette année), amène à ce genre d’acte qui risque d’aller malheureusement en se multipliant : plus de 10% ce mois d’après les services du ministère.
Nous refusons d’être ainsi les boucs émissaires d’une telle pratique et en la circonstance nous condamnons le manque de fermeté du rectorat qui au nom d’un remplissage systématique des classes amène des élèves mal orientés et souvent peu intéressés par les études proposées dans nos établissements avec les conséquences que l’on peut imaginer : des classes hétérogènes, des élèves en rébellion permanente, une indiscipline constante ainsi que des actes d’incivilité (curieusement une salle d’informatique vient d’être cambriolée récemment la nuit dans ce même lycée de Saint-Joseph). Ce n’est pas le nouveau système de recrutement mis en place à la rentrée prochaine qui risque d’améliorer les choses.
Il est encore temps d’éviter la déliquescence d’une éducation nationale en danger ; nous tirons une nouvelle fois la sirène d’alarme, la grande question n’est-elle pas de savoir si tout cela ne va pas dans le sens souhaité par un certain nombre de décideurs, le privé pas uniquement confessionnel prenant le pas sur une éducation nationale “d’en bas”.

Christian Laplagne,
responsable académique CPE SNES


Le viol de la Passion

Dans le film “La Passion du Christ”, j’ai vu un Jésus souffrant, flagellé, mourant et mort version Mel Gibson. Au fur et à mesure que se déroulaient les images de l’arrestation, de la flagellation et du chemin de croix du Christ, je découvrais à ma grande stupeur que je n’étais à aucun moment ému. Au point qu’il m’arriva brusquement de me demander si je n’étais pas devenu insensible. Car la vision de tant d’inimaginables souffrances infligées à un seul homme, de surcroît mon Sauveur et mon Dieu, aurait pu faire jaillir de mes yeux, comme réaction minimale, une larme. Eh bien non ! Je n’ai pas pleuré. Maintenant, je sais pourquoi. Parce que j’avais sous mes yeux, restés heureusement secs, un faux. Pire qu’un faux Michel-Ange, un faux Shakespeare, un faux Rembrandt, un faux Picasso... un faux Jésus. Une falsification monumentale, une dénaturation vertigineuse du vrai Dieu incarné, crucifié, ressuscité. Comme je n’aurais jamais cru qu’elle fût possible, réalisable.
Ce n’était pas le Verbe, la Parole faite chair, mais le Christ vidé de Jésus, fait viande de boucherie sacrificielle... Le recordman toutes catégories du maximum de souffrances, d’humiliation, de tortures endurées. La représentation d’un Dieu qui ne nous sauve pas du tout par sa puissance d’aimer, de se lier en acte suscitant toujours plus d’amour fraternel et universel à mordant insurrectionnel. J’avais, j’ai encore sous mes yeux heureusement demeurés secs, la vision perverse, sado-masochiste d’un faux Dieu pseudo humain, automate du bon plaisir divin, qui nous sauve d’ailleurs inefficacement puisque, deux mille ans après, l’humanité est mille fois plus méprisée, écrasée, niée qu’à l’époque de la crucifixion du Christ.
J’ai sous mes yeux heureusement demeurés secs une Passion abstraite de son unique cause, qui est la vie publique subversive du prophète Jésus, tribun de la plèbe et des esclaves, Souleveur du rassemblement universel d’humanité des vivants et des morts. J’ai sous mes yeux une passion négatrice - négationniste - de la Pâque. Mille fois pire. Le viol de la passion. L’immense passion du Fils de l’Homme, Homme-Dieu, provocateur passionné jusqu’à être la Passion.
Le film de Mel Gibson est loin d’être une opération commerciale et financière politiquement innocente. Il suinte, il pue l’intrigue gouvernementale d’Axe du Bien, nouée à grands coups publicitaires d’actions du tout-marché. Le contraire absolu de ce que j’ai prêché durant des mois aux côtés de mon frère René Payet à Bras-Panon et aux deux Rivières du Mât et des Roches. Je comprends alors pourquoi, de l’île de La Réunion à mon ex-couvent de Montpellier d’où je viens d’être chassé, j’ai partout le statut de suspect.
Je n’arrête jamais de proclamer le Verbe, Fils de l’Homme cloué au bois d’esclave, révolté pour crime de résistance à l’Empire romain esclavagiste. C’est à dire Jésus, flagellé, violé à mort - comme passionné subversif - par la sainte alliance des puissants et des marchands aux ordres du grand vicieux solitaire du pouvoir, blasphématoirement appelé Dieu. J’espère lutter jusqu’à ma mort et plus loin encore contre le viol rentable de “La Passion du Christ”, horrible raccourci en deux heures d’au moins dix-sept siècles de trahison-reniement de Jésus par le christianisme officiel.

Jean Cardonnel


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