Le courrier des lecteurs du 9 mai 2005

9 mai 2005

(Page 11)

R.F.O. : un retour de trente ans en arrière

Je vous écris ce samedi après-midi 7 mai car je ne supporte plus d’entendre depuis ce matin comment Radio-Réunion parle du meeting du PCR qui s’est déroulé la veille au Port avec Élie Hoarau.
J’étais présente à ce meeting pour entendre les arguments en faveur du “non” au référendum. J’en suis repartie très enthousiaste, convaincue plus que jamais qu’il faut tout faire d’ici le 29 mai pour convaincre une majorité de Réunionnais de rejeter le projet de Constitution défendu par Jacques Chirac. Non pas parce que nous serions contre l’Europe, bien au contraire, mais parce que nous sommes contre cette manière de faire fonctionner l’Europe.
J’étais heureuse et enthousiaste comme toutes les autres personnes qui ont participé à ce meeting, tout d’abord parce qu’il y avait beaucoup de monde. Certes, la salle n’était pas tout à fait pleine mais c’est une très grande salle et j’ai personnellement compté le nombre de participants d’après les chaises et les rangées occupées. Je suis arrivée au chiffre de 300 environ, sans compter les personnes qui étaient debout dans le fond de la salle.
En sortant, j’ai discuté avec quelques personnes qui étaient également très satisfaites et qui ont particulièrement apprécié comme moi les arguments exposés en fin pédagogue par Élie Hoarau.
Alors je ne comprends pas comment depuis ce matin RFO Radio matraque ses auditeurs en dénigrant ce meeting. La station prétend qu’il n’y avait "qu’une centaine de personnes", qu’il y avait une "faible affluence", que "le PCR a du mal à rassembler les gens en faveur du “non”" et qu’il y aurait "une absence de plus en plus pesante de Paul Vergès dans cette campagne", alors que le président de la Région est déjà très occupé par ailleurs, d’après ce qu’on lit dans la presse.
Je trouve tout cela peu honnête et peu respectueux des règles du journalisme. J’ai l’impression de retourner trente ans en arrière, simplement en changeant de forme : à l’époque, RFO (l’ORTF puis FR 3) n’aurait pas rendu compte du tout de ce meeting du PCR ; aujourd’hui, la radio officielle fait ouvertement campagne pour le “oui” et dénigre la campagne du PCR en donnant des informations inexactes.
Par ce comportement, les patrons de RFO et certains journalistes aux ordres donnent entièrement raison aux centaines de professionnels de l’information du service public qui dans une pétition dénoncent le rôle partisan joué par ce service en faveur du “oui” (voir “Témoignages” de samedi dernier en page 5 - NDLR). D’ailleurs RFO n’en a pas parlé. Pourquoi ?
Devant tant d’abus de pouvoir, de discrimination et d’arbitraire sur nos ondes, on a encore davantage envie de voter “non”...!

S. B.,
Le Port



Génocide sans doute pas, ethnocide sûrement...

Dans son courrier publié le 6 mai par “Témoignages”, Daniel Lallemand ironise sur l’équation, qu’il juge fausse : "la mort d’une langue, c’est la mort de tout un peuple". Feignant de prendre la formule au pied de la lettre il montre la survivance des peuples malgré la disparition de leur langue d’origine : les Gaulois devenus Français, les Hébreux constituant la diaspora juive à travers le monde. Le créole peut donc disparaître, les Réunionnais et Réunionnaises y survivront : "Le peuple réunionnais n’est pas menacé de génocide". CQFD...!
Ce terme excessif évoquant une extermination physique a été délibérément choisi pour railler les militants et amoureux de la langue créole. On sait bien que de multiples langues disparaissent et les linguistes tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme. Mais une fois la tendance constatée, il revient à chacun de se demander quoi faire : accélérer le processus, laisser faire, résister ?
Quand on peut accéder à cette richesse qu’est le bilinguisme, faut-il volontairement se mutiler et abandonner sa langue maternelle ? Dans une interview au journal “L’Humanité” (10 février 2000), Axel Gauvin affirmait : "Écrire en créole, c’est aller au fond même de mon être. J’ai grandi dans cette langue-là. Dire qu’il faut l’abandonner est une hérésie".
On peut difficilement nier qu’une langue est à la fois une création originale d’un peuple et le véhicule de sa culture.
Certes, on peut toujours traduire mais imaginez les ségas et les maloyas en français ! Nous parleraient-ils de la même façon ? La mort d’une langue entraîne le dépérissement de la culture qu’elle sert à exprimer. Elle dissout l’unité d’un peuple et brise le lien social. Elle appauvrit la diversité culturelle.
Enfin, il me semble qu’être progressiste c’est lutter contre toute forme de domination. Or, le champ économique n’est pas le seul concerné. Marx a décliné toutes les formes de domination - idéologiques, juridiques, politiques - s’exerçant dans une société. Les théoriciens contemporains ont renchéri sur l’enjeu du culturel, du symbolique qui inspire nos pratiques en leur donnant sens. La mort d’un peuple n’est pas seulement physique, elle peut être aussi symbolique quand son identité est niée. C’est ce que les anthropologues appellent ethnocide.

Brigitte Croisier



Chirac et les Français qui gagnent

Chirac adore les Français qui gagnent. Il colle aux vainqueurs hexagonaux comme Raffarin aux emmerdes.
Et pas seulement les sportifs. Voyez comment il s’est précipité à Toulouse pour applaudir les gens d’Airbus. Au demeurant cette fascination pour le succès se comprend parfaitement de la part de quelqu’un qui, ne l’oublions jamais, a quand même été élu premier dans un concours de circonstances.
Évidemment, comme toujours chez Chirac, cette attraction n’est pas innocente. En effet il compte bien à chaque fois récupérer sur sa personne un peu de ce succès dont les autres sont insolemment pourvus. Un airbus 380 pour faire avancer le “oui”, avouez que ça a de la gueule !
Ça lui réussit d’ailleurs souvent. Voyez en 1998 quand il s’est imposé 23ème joueur de l’équipe de France championne du monde ! Sa cote de popularité a immédiatement remonté.
Tant il est vrai que cet homme aura passé sa vie à remonter sa cote. Chirac : le Sisyphe des sondages. On a les rochers qu’on mérite ! Ce n’est pas Raffarin qui dira le contraire, lui qui s’attaque, en très mauvaise condition, à la Pentecôte qui, n’en doutons pas, sera très raide.
Pour en revenir aux flagorneries chiraco-sportives, sa dernière est amusante et témoigne, s’il en était besoin, que sa connaissance du sport n’est pas à la mesure de l’enthousiasme qu’il lui témoigne.
Lors d’une rencontre organisée par son service de presse avec l’équipe de France de handball, il aperçoit Jackson Richardson, le Réunionnais que le monde nous envie, le serre dans ses bras, et lui dit :
- "Do you speak french ?"
Que voulez-vous ! Nous eûmes des présidents qui ressemblaient à leur statue. Nous en avons un qui ressemble de plus en plus à sa marionnette.

Guy Déridet


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