Le développement psychoaffectif de l’enfant selon Freud à revoir radicalement

29 juin 2018, par Frédéric Paulus

Jean Piaget (1896-1980), et avant lui le psychanalyste Sigmund Freud (1856-1939), identifient également des « stades » dans le développement psychoaffectif de l’enfant, stade oral, stade anal…
Commençons par le stade oral. C’est la pédiatre hospitalière Ginette Raimbault (1924-2014) qui décrivit « la désafférentation de la zone orale chez des nourrissons anorexiques alimentés par voie parentérale ». Elle en déduit que le bébé tétait l’extrémité de la sonde (gastrique qui l’alimentait) en actionnant les tissus musculaires du cardia sur la sonde. En grossissant, les muscles du cardia exerçaient alors une pression obstruant la sonde. Il n’est pas excessif de penser que le bébé recherchait ainsi une sensation de plaisir en tétant la sonde. La pédiatre imagina que cette sensation pouvait être le substitut du plaisir de la bouche qui se délocalisait en quelque sorte pour « migrer » vers la zone du cardia. Et ce au point d’obstruer l’orifice vers l’estomac du fait que le muscle du cardia grossissait et empêchait le contenu alimentaire de s’écouler pour nourrir le bébé. Dès lors, le nourrisson devait être alimenté par perfusion alimentaire (par voie sanguine). Dès lors, la déduction logique fut de penser que le plaisir oral (y a-t-il quelque chose de sexuel dans cette oralité comme Freud le pense ?) migrait là où l’environnement suscitait une sensation. La poursuite de ce raisonnement, semble-t-il logique, fut, en ce qui me concerne, de penser que l’ensemble du corps pouvait devenir potentiellement une zone « érogène », pour reprendre la racine « éros » chère à Freud, ce qui « désenclave » la notion de stade à des zones délimitées.

Le stade anal pourrait être envisagé sous le même angle compte-tenu de notre culture à l’égard des excréments. J’évoquerai brièvement l’exemple qui m’a été rapporté par une amie pédiatre hospitalière (Martine Capelle à Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt) qui avait été consultée par un papa accompagné de son enfant de deux ans. Ce père avait l’habitude de récompenser son fils d’un billet de 100 Frs (à l’époque des Francs) lorsque celui-ci faisait dans son pot. Du coup, l’enfant se retenait de déféquer pendant les absences de son père pour libérer son caca en sa présence et de ce fait récupérer sa récompense. Mais comment tirer une valeur d’un petit bout de papier pour un cerveau de 2 ans ? Le rectum et l’anus, eux, grossissaient fonctionnellement par rétention, devenant un « mégacôlon fonctionnel ». C’est l’attitude environnementale paternelle qui suscita cette névrose organique vite transformée en névrose psychologique chez l’enfant. On comprend aisément que c’est la névrose du père qui contraria le développement de l’enfant et non le penchant naturel de l’enfant. Freud se serait fourvoyé en pensant que l’enfant était « un pervers polymorphe », autant que ses élèves bien disciplinés. Il est vrai qu’il y eut beaucoup de dissidence.

Evoquons l’expérience d’Olds et Milner (1954), maintes fois rapportée par le Professeur Laborit. Il révèle qu’un rat à qui l’on fixe une électrode dans le faisceau cérébral du plaisir reproduit le comportement qui auto-actionne une pédale établissant une impulsion électrique produite pas un générateur pour s’auto-administrer une décharge procurant une sensation de plaisir. La conclusion logique de Laborit fut de dire, et ceci est transposable pour le bébé humain : « Lorsque nous ressentons une sensation de plaisir, nous cherchons à la renouveler ». Cela montre la valeur existentielle du plaisir. Et je rajouterais volontiers : « même si le renouvellement de cette expérience devait être préjudiciable pour l’environnement des tissus où se trouvent fixées les électrodes », ce que la personne (ou le rat !) ignore dans l’immédiateté de l’expérience. La recherche du plaisir rentrerait en « compétition » avec la conscience de ce qui est néfaste pour la santé. La conscience n’ignore-t-elle pas l’état physiologique de nos cellules ? De là à ressentir du plaisir lorsque la rétention procure de la douleur et d’en tirer un plaisir « masochiste », c’est une hypothèse qui mériterait de plus amples considérations. Ce qui peut se déduire serait que le bébé oscillerait dans son développement entre des potentialités expansives extraverties et des potentialités régressives introverties. Il nous faudrait entrer dans son intimité psychologique pour savoir ce qui le ferait « basculer » d’un côté ou de l’autre.
Il n’est pas question en une page de déconstruire le dogme freudien.


(*) Le cardia est un muscle situé entre l’œsophage et la zone gastrique, au niveau supérieur de l’estomac, qui sert à empêcher la nourriture ingérée de refluer.

Frédéric Paulus, (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien)

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