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Le récif de Tromelin, l’archipel des Glorieuses et les îlots Juan de Nova, Europa et Bassas da India

mercredi 28 janvier 2009


Suite à une émission sur les îles Éparses déjà proposée par Tempo, il y a quelques semaines, et reprise dimanche 25 janvier par le même canal de RFO, ce reportage sur le récif de Tromelin, l’archipel des Glorieuses et les îlots Juan de Nova, Europa et Bassas da India étant « manifestement très ancien », selon André Oraison, il estime qu’il « mériterait d’être actualisé » car « il contient deux anachronismes principaux » qu’il aimerait porter à la connaissance des lecteurs de Témoignages.


I- Contrairement à ce que dit le commentateur, les îles Éparses ne sont plus administrées par le préfet du département de La Réunion.

Certes, il est exact que le préfet de La Réunion a été à l’origine désigné à titre personnel - intuitu personae - pour administrer les îles Éparses. Un arrêté en date du 19 septembre 1960 dispose en effet dans son article 1er : « Jusqu’à une date qui sera fixée par un arrêté ultérieur, l’administration des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India est confiée au préfet du département de La Réunion en tant que délégué du Gouvernement de la République (c’est nous qui soulignons ce lambeau de phrase). À ce titre, le préfet relève directement du ministre d’État » (1). À cet égard, l’arrêté du 19 septembre 1960 apparaît comme une simple mesure de déconcentration administrative au profit du préfet de La Réunion. De fait, une circulaire non publiée du ministère de la France d’Outre-mer souligne à la même époque que le choix ainsi opéré par le Pouvoir central ne saurait en aucun cas être interprété comme une intégration des îlots dans le département français de l’océan Indien.

Ainsi compris et pendant quarante-cinq ans d’application, l’arrêté du 19 septembre 1960 est original dans la mesure où il consacre le principe scellien du dédoublement fonctionnel. Depuis son entrée en vigueur, une même autorité publique française en poste à Saint-Denis de La Réunion a en effet exercé des responsabilités administratives sur deux catégories de terres insulaires ou archipélagiques ultramarines distinctes ancrées dans la zone Sud-Ouest de l’océan Indien. Le préfet de La Réunion a principalement administré un Département d’Outre-mer et accessoirement les cinq îles Éparses « en tant que délégué du Gouvernement de la République ». Le système mis en place au début de la Vème République n’était pas dépourvu d’intérêt dans la mesure où il permettait de maintenir sans difficulté ces îlots au sein de la République française dans l’hypothèse où l’île de La Réunion aurait changé de statut pour accéder à un régime d’autonomie interne plus ou moins étendu ou, à la limite, à la pleine souveraineté internationale.

Mais cette solution est caduque depuis quatre ans. En effet, depuis un arrêté du 3 janvier 2005, les cinq îlots disposent d’un nouveau gestionnaire tout en conservant - pendant quelques mois encore - leur statut provisoire et singulier de « territoires résiduels de la République française » (2). Tous ancrés à la périphérie de Madagascar, ces territoires insulaires cessent en effet d’être administrés par le préfet de La Réunion en sa qualité de « délégué du Gouvernement de la République ». Véritables "curiosités juridiques" depuis 1960, classés pour la plupart en réserve naturelle intégrale dès 1975, ces "résidus d’Empire" sont désormais gérés par le « préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises » (TAAF), sans pour autant être encore officiellement rattachés à cette nouvelle collectivité territoriale sui generis de la République. Mais cette évolution radicale n’a pas tardé elle-même à se concrétiser.

Proposée par une partie de la doctrine des publicistes et par certains parlementaires (3), l’intégration des îles Éparses dans les TAAF est en effet désormais pleinement consacrée par la loi ordinaire du 21 février 2007, « portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’Outre-mer ». Cette intégration résulte plus précisément de son article 14 qui actualise la vieille loi statutaire du 6 août 1955 relative aux TAAF et désormais intitulée : « Loi portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton ». Ainsi mis à jour, l’article 1er de ce texte législatif doit désormais être lu de la manière suivante : « L’île Saint-Paul, l’île Amsterdam, l’archipel Crozet, l’archipel Kerguelen, la terre Adélie et les îles Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan de Nova et Tromelin forment un territoire d’outre-mer doté de la personnalité morale et possédant l’autonomie administrative et financière ». (4).

Manifestement, le préfet de La Réunion en poste à Saint-Denis n’a plus aucune responsabilité sur la gestion des îles Éparses depuis 2005. Tous ses pouvoirs ont été transférés au préfet des TAAF qui - lui - siège à Saint-Pierre (5).

II - Contrairement à ce que dit le commentateur, les stations météorologiques permanentes installées sur les îles Éparses du canal de Mozambique sont automatisées depuis une dizaine d’années.

Certes, les postes d’observation établis sur les îles Éparses recueillent bien - aujourd’hui comme hier - des renseignements techniques qui sont envoyés quotidiennement et tout au long de l’année au centre météorologique régional spécialisé situé dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis de La Réunion. Celui-ci agit par ailleurs en liaison constante avec les services météorologiques des États voisins indépendants de l’océan Indien occidental et notamment avec ceux des îles Comores, de Madagascar, de Maurice, du Mozambique ou des Seychelles sans que leurs budgets n’aient à en supporter - faut-il le souligner ? - les charges financières d’entretien ou de fonctionnement.

Cependant, la presse réunionnaise a évoqué - dès 1997 - le désengagement progressif du personnel spécialisé (soit une douzaine de personnes) des trois stations météorologiques permanentes installées sur les îlots du canal de Mozambique et leur complète automatisation pour des raisons autant financières que techniques (6). De fait, le retrait des prévisionnistes est devenu effectif à Juan de Nova depuis le 1er avril 1999, à la Grande Glorieuse depuis le 22 juin 2000 et à Europa depuis le 26 septembre 2001 (7). C’est dire que le personnel de Météo-France n’est plus maintenu en permanence qu’à Tromelin en raison de la position "stratégique" du récif qui est situé sur la route des cyclones qui menacent chaque année la Grande île de Madagascar et l’archipel des Mascareignes (La Réunion et Maurice).

Faut-il encore préciser que le personnel de la station installée à Tromelin est lui-même réduit au minimum pour des raisons financières. Il comprend normalement deux observateurs météorologistes et deux aides-météos qui sont recrutés dans le département de La Réunion pour assurer l’entretien des locaux et du matériel. Construits près de l’extrémité Nord-Ouest et fermés par des hublots étanches, les locaux en dur de la station d’observation comprennent un bâtiment technique et de logement du personnel, une cuisine, un magasin de vivres, une citerne d’eau potable et un abri de gonflement de ballons de radiosondage. Pour être à jour dans ce courrier, il faut noter que les techniciens ont quitté la station de Tromelin de façon temporaire le 3 août 2007 afin de permettre la restauration des équipements de base qui étaient pour la plupart vétustes ou hors d’usage. Certes, après leur remise en état, ces techniciens sont bien revenus à Tromelin à compter du 1er avril 2008. Mais d’ores et déjà, des projets d’automatisation complète de la station météorologique sont envisagés (8).

Voici la réalité aujourd’hui.

André Oraison, Professeur de droit public à l’Université de La Réunion (Université Française et Européenne de l’Océan Indien)


Notes
(1) Voir l’arrêté du 19 septembre 1960, "relatif à l’administration des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India", in Bulletin Officiel du ministère des D.O.M.-T.O.M., 1960, n° 15, p. 95.
(2) Voir l’arrêté du 3 janvier 2005, "relatif à l’administration des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India (îles Éparses)", in J.O.R.F., 18 janvier 2005, p. 798.
(3) Voir en ce sens l’intervention faite au Palais-Bourbon le 6 avril 1987 par le député Jean-Louis MASSON in J.O.R.F., Déb. Parl., Ass. Nat., 22 juin 1987, p. 3599.
(4) Voir l’article 14 de la loi ordinaire n° 2007-224 du 21 février 2007, "portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer", in J.O.R.F., 22 février 2007, p. 3241. À la suite de leur rattachement aux TAAF et en raison de leurs spécificités, les îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India forment un nouveau et cinquième district au sein de la nouvelle collectivité territoriale sui generis. Voir l’arrêté n° 2007-18 bis du 23 février 2007, "portant création du district des îles Éparses de l’océan Indien", in Journal officiel des TAAF, 15 mars 2007, n° 33, p. 17.
(5) Pour ceux qui souhaitent plus de précisions sur les derniers sanctuaires océaniques que constituent dans la région de l’océan Indien occidental les îles Éparses, voir ORAISON (A.), "Le nouveau statut des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India à la lumière de la loi ordinaire du 21 février 2007, « portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer » (La métamorphose des îles Éparses sur le plan juridique : du statut de « territoires résiduels de la République » à celui de partie intégrante des Terres australes et antarctiques françaises)", R.J.O.I., 2008/8, pp. 133-187.
(6) Voir DECLOITRE (L.), "Météo-France veut quitter Europa, Juan de Nova et Glorieuses. Débat sur la présence française dans les îles Éparses ", Le Quotidien de La Réunion, mardi 9 septembre 1997, pp. 6-7.
(7) Voir DUPUIS (A.), "Les météos quittent les îles Éparses", Le Journal de l’Ile, vendredi 2 novembre 2001, p. 13.
(8) Voir FORTIER (J.-N.), "Avis de tempête sur Météo-France", Le Quotidien de La Réunion, mercredi 4 juin 2008, p. 3.


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