Le synode sur l’avenir de l’Eglise, pas de tournant majeure mais les « prémices d’un changement »

15 novembre, par Reynolds Michel

Lancé en 2021, le Synode sur l’avenir de l’Église catholique (1) s’est conclu le samedi 26 octobre 2024 à Rome, avec la publication d’un document final qui esquisse l’avenir d’une Église moins verticale et moins centralisée. Et ce après trois ans de travaux et de concertation où nous avons vu émerger des questions importantes pour la crédibilité de l’Église : l’égalité hommes/femmes dans l’Église, la possibilité de prêtres mariés, l’ouverture de la prêtrise à des hommes mariés, des femmes diacres (pour commencer), la place des divorcés, l’accueil fait aux LGBT, l’inculturation de la liturgie…

Toutes ces questions sensibles ont été écartées de cette dernière session du 2 au 27 octobre 2024, au grand regret de beaucoup de chrétiens. Toutefois, parmi les thèmes abordés dans le document final de 55 pages et 155 articles, celui du diaconat féminin a ressurgi par surprise. Le pape François l’avait pourtant écarté des débats (Entretien du 21 mai 2024).

Pas de grand tournant mais des pas des avancées significatives

Si l’heure n’est pas au grand tournant, « les prémices d’un grand changement sont bien là » constate la vaticaniste Eletta Cucuzza, à l’issue de ce synode (Ouest-France, 30/10/2024). Comme signe de ces prémices, nous pouvons retenir l’article sur la place de femmes dans l’Église. Que dit cet article en question ? Il invite à une pleine reconnaissance du rôle des femmes dans l’Église catholique : « Cette Assemblée appelle à la pleine mise en œuvre de toutes les possibilités déjà prévues par la législation actuelle concernant le rôle des femmes, en particulier dans les endroits où ces possibilités ne sont pas encore exploitées. Il n’y a aucune raison d’empêcher les femmes d"assumer des rôles de leadership dans l’Église : ce qui vient de l’Esprit Saint ne peut être arrêté. La question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste également ouverte. Un discernement plus approfondi est nécessaire à cet égard. »

Certes, cet article sur la place des femmes (paragraphe 60) a obtenu la moins forte adhésion à l’heure du vote, avec 97 voix contre (sur 355), mais il n’empêche que « la majorité l’a voté sans frémir. Quelque chose est en train de changer, même si la route sera encore longue  », analyse notre vaticaniste Eletta Cucuzza. Avec cette question, c’est celle de l’ouverture de l’Église aux laïcs qui est renforcée, observe le vaticaniste Francesco Peloso.Dans cette perspective, le document final ouvre la possibilité de solliciter ces derniers pour célébrer des « baptêmes et des mariages », tout en invitant à la création de « ministères laïcs », selon « la créativité » de chacun en fonction des besoins pastoraux locaux. De même, un « ministère de l’écoute et de l’accompagnement » pourrait être inventé, confié à des laïcs pour être à disposition de tous ceux qui auraient besoin d’être entendus.

Une Église débout qui entend le cri de l’humanité

Cette dernière session était centrée, rappelons-le, sur la participation en relation avec l’exercice de l’autorité, comme expression de la communion au service de la mission. D’où l’insistance dans le document final d’une autre manière de gouverner au sein de l’Église, de manière moins rigide, plus décentralisée et moins verticale, à tous les niveaux de compétences. Un programme qui prendra sans doute du temps, compte tenu de la structure autoritaire et cléricale actuelle.

Le document final voté le samedi 26 octobre et désormais publié. Le pape François a décidé qu’il devait être diffusé en l’état. « Ce document, a dit le pape François lors de son discours de clôture du synode, contient déjà des indications très concrètes qui peuvent servir de guide pour la mission de l’Église, sur les différents continents, dans des contextes différents : c’est pourquoi je le mets immédiatement à la disposition de tous ». Une manière pour le pape François de reconnaître la valeur du chemin synodal accompli, pour reprendre ses propres expressions.

Le dimanche 27 octobre, lors de la messe de clôture du synode, le pape François a plaidé pour une Église qui « se salit les mains pour servir le Seigneur ». « Pas une Église assise, une Église débout. Pas une Église silencieuse, une Église qui entend le cri de l’humanité. Pas une Église aveugle, mais une Église éclairée par le Christ qui apporte aux autres la lumière de l’Évangile. Pas une Église statique, une Église missionnaire qui marche avec le Seigneur sur les routes du monde », a déclaré le pape François devant 5 000 fidèles lors de cette célébration.

Pendant trois ans, les quelque 1,3 milliard de catholiques du monde entier ont été invités à s’exprimer sur leur vision de l’Église. C’était le projet du pape François qui voulait rendre le fonctionnement de l’Église moins pyramidal, en donnant plus de place aux laïcs dans la gouvernance de l’Église, notamment aux femmes. Et ce, tout en étant à l’écoute du monde. C’était un pari risqué, car une telle rencontre pouvait accentuer les désaccords entre communautés chrétiennes sur des sujets délicats. Pari risqué aussi du fait du risque de déception d’une trop grande attente de réformes, suivies de peu de décisions concrètes.

Certes les divergences sur les réformes à faire entre les chrétiens de divers continents sont toujours profondes Mais ils ont montré, tout au long de ce synode, qu’il est possible de cheminer ensemble dans la diversité sans se condamner l’un l’autre. Et comme « la forme du consensus a été privilégiée » dans le travail synodal, nous n’assistons pas à des grands bouleversements mais plutôt à une réforme en douceur. Le synode se termine…, le synode commence ! « Que les paroles soient accompagnées d’actes », dit le pape François.

Reynolds MICHEL

(1) MICHEL Reynolds, Le Synode sur l’avenir de l’Eglise catholique : ouvrir des horizons d’espérance, septembre 2023, cf. Médias locaux.


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