Les enfants bègues auront-ils droit, eux aussi, à une rentrée protégée ?

8 septembre 2006

Je profite de l’effervescence de la fin des vacances scolaires et des effets d’annonce concernant l’aide généreusement apportée aux élèves handicapés pour lancer un appel auprès des services médico-sociaux du Rectorat en faveur d’une catégorie d’élèves ne figurant pas dans le palmarès des bonnes actions et résolutions propres à toutes les Rentrées. À vous qui avez à coeur d’accueillir dans de bonnes conditions les enfants handicapés de notre département, je rappelle que 2.300 élèves, répartis dans les classes dont vous avez la charge, auront à faire face à une rentrée semée d’embûches. Il s’agit des enfants-bègues qui ne correspondent pas exactement aux trois secteurs habituellement définis : mental, moteur ou sensoriel. La principale raison est que l’étiologie de leur trouble recouvre à la fois plusieurs de ces domaines. Ayant du mal à les classer, on a trop souvent tendance à les oublier, d’autant plus facilement qu’ils sont capables d’inventer les stratégies les plus ingénieuses pour cacher leur infirmité (mutisme, fausse timidité, repli sur soi, révolte, refus de participer à la classe, préférant passer pour un mauvais élève plutôt que d’être pris en flagrant délit de bégaiement, jusqu’au refus d’être interrogé, prétextant ne pas avoir appris). Leur attitude est parfaitement excusable si on pense à la situation dans laquelle les place un environnement où le contact oral immédiat prédomine. Offrir une parole difficilement recevable et le plus souvent sujette à la moquerie, à des oreilles devenues inattentives, le tout doublé d’une frustration quasi permanente, entraîne inévitablement chez nos jeunes sujets une série de traumatismes négativement décisifs pour leur avenir si l’on ne s’en préoccupe pas en temps utile.
Pour nous, bègues, le fait de parler constitue déjà en soi une véritable épreuve. Cela devient une véritable torture quand il s’agit de s’exprimer sur un sujet précis et dans un laps de temps imposé, devant le public le plus critique qui soit, je veux parler des camarades de classe et ce, en s’adressant au censeur malgré lui qu’est le maître.
Face à une telle souffrance, le vieil enseignant bègue que je suis ne peut que rappeler à mes jeunes collègues et parents les trois priorités qui ont régi ma carrière d’enseignant :
1) Repérer au plus vite les enfants ayant des difficultés à s’exprimer dans un contexte où la timidité et la réserve n’ont pas lieu d’intervenir.
2) Adapter immédiatement à ce type d’élèves une méthode d’interrogation spécifique permettant de les inclure au travail collectif et d’éviter toute situation humiliante.
3) Diriger l’élève, si cela n’a pas déjà été fait, vers un orthophoniste formé à ce type de handicap.

J’ai une totale confiance en mes collègues que ce rappel ne laisserait pas insensibles. Pour les autres, ceux ne disposant pas suffisamment d’informations en la matière, je me tiens à leur disposition et à celle de leur école, pour leur faire part de mon expérience d’élève et d’enseignant bègue, soumis aux péripéties d’un parcours socioprofessionnel obligé, accordant à l’oral la place privilégiée que lui octroie le vingt et unième siècle.

François Esteve
S’adresser à : [email protected]


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