« Laissez-nous faire notre travail »

Les ONG humanitaires à Gaza alertent sur l’effondrement de l’aide humanitaire

19 avril, par Rédaction Témoignages

Après 18 mois de guerre, un bilan humain accablant pour les civils et les travailleurs humanitaires, et désormais un siège total depuis six semaines, l’aide humanitaire à Gaza est en train de s’effondrer complètement. Les directeurs généraux de 12 grandes organisations humanitaires lancent un appel urgent : « Laissez-nous faire notre travail. »

95 % des ONG ont dû suspendre ou réduire drastiquement leurs activités

Une nouvelle enquête sur l’accès humanitaire menée auprès de 43 organisations humanitaires internationales et palestiniennes opérant à Gaza révèle que presque toutes les organisations – 95 % – ont dû suspendre ou réduire drastiquement leurs activités depuis la fin du cessez-le-feu, le 18 mars dernier, les bombardements indiscriminés qui rendent tous déplacements extrêmement dangereux.

La population de Gaza – en particulier les femmes et les enfants – en paie le prix. Les familles vivent parmi les décombres des maisons détruites. La famine n’est plus une simple menace : elle se développe rapidement dans presque toutes les régions de Gaza. L’ONU affirme que la crise humanitaire à Gaza est la pire depuis 18 mois.

Privés des tous moyens pour sauver des vies, les hôpitaux sont devenus des morgues. Les bilans font état de de 51 000 Palestiniens tués. L’un des derniers hôpitaux partiellement fonctionnels, l’hôpital Al-Ahli Arab dans le nord de Gaza, a été bombardé dimanche dernier.

« C’est l’un des pires échecs humanitaires de notre génération. Chaque personne à Gaza dépend de l’aide humanitaire pour survivre. Ce lien vital a été totalement rompu depuis qu’un blocus total sur l’aide a été imposé par les autorités israéliennes le 2 mars. Nous avons des stocks prêts. Nous avons du personnel médical formé. Nous avons l’expertise. Ce que nous n’avons pas, c’est l’accès – ou la garantie des autorités israéliennes que nos équipes pourront faire leur travail en sécurité. La simple survie devient impossible, et le système humanitaire est au bord de l’effondrement, » déclarent les directeurs généraux dans leur communiqué conjoint.

Vingt-quatre des organisations interrogées signalent l’augmentation des restrictions de déplacement à Gaza, entravant leur capacité à fournir de l’aide. Dix-neuf d’entre elles déclarent avoir du matériel humanitaire bloqué à l’extérieur de Gaza, représentant au moins 9 000 palettes d’aide.

Gaza détient désormais le triste record du territoire le plus meurtrier au monde pour les travailleurs humanitaires. Nous ne pouvons pas travailler sous les bombes ni rester silencieux pendant que notre personnel est tué.

Depuis octobre 2023, plus de 400 travailleurs humanitaires et plus de 1 300 professionnels de santé ont été tués à Gaza, en dépit du droit humanitaire international qui impose leur protection.

Le récent massacre de 15 secouristes et ambulanciers palestiniens, dont les corps ont été retrouvés dans une fosse commune, a déclenché une indignation mondiale. Pourtant, de nombreuses violations et attaques passent sous silence.

Malgré l’espoir qu’une trêve de huit semaines marquerait un tournant, la violence contre les civils et les humanitaires n’a fait qu’empirer. Depuis la reprise des bombardements par les forces israéliennes, au moins 14 organisations ont signalé que leurs employés ou installations avaient été directement ou indirectement touchés par des tirs israéliens.

Chaque jour, des humanitaires – pour la plupart Palestiniens – sont ciblés, arrêtés, empêchés de travailler ou tués. Et chaque jour, les règles censées protéger les civils en temps de guerre sont ignorées en toute impunité. Lorsque notre personnel, nos partenaires, nos convois, nos bureaux, nos entrepôts sont bombardés, le message est clair : même l’aide vitale n’est plus protégée.

C’est inacceptable.

Par ailleurs, les autorités israéliennes ont proposé un nouveau mécanisme d’autorisation pour la livraison de l’aide à Gaza, que le Secrétaire général de l’ONU a décrit comme « limitant l’aide jusqu’à la dernière calorie et au dernier grain de farine ». Ce mécanisme créerait un dangereux précédent mondial et éliminerait tout espace pour une aide indépendante de considérations militaires ou politiques. De nouvelles règles de visa et d’enregistrement des ONG, basées sur des critères flous, censureront les rapports humanitaires et nous empêcheront d’accomplir notre mission.

Nous appelons toutes les parties à garantir la sécurité de notre personnel et à permettre un accès sûr et sans entrave à l’aide humanitaire dans toute la bande de Gaza et par tous les points d’entrée. Nous demandons aux dirigeants mondiaux de s’opposer à toute restriction supplémentaire.

Nous appelons à la protection des civils et des infrastructures civiles, y compris les hôpitaux, écoles et abris, et au rétablissement immédiat des services de base – eau, électricité et assainissement – comme l’exige le droit international.

Nous appelons à la libération des otages.

Nous appelons à la libération de tous les Palestiniens détenus arbitrairement.

Nous appelons, encore une fois et avec force, à un cessez-le-feu immédiat et permanent.

L’aide humanitaire ne doit jamais être utilisée comme un outil politique. Sauver des vies ne devrait jamais être un sujet de controverse. Les lois de la guerre, développées au fil des siècles pour protéger les civils, ne doivent pas être balayées.

Laissez-nous faire notre travail.

Signataires :

INGER ASHING, Directrice générale, Save the Children International
ABITABH BEHAR, Directeur exécutif, Oxfam International
SEAN CARROLL, Président et Directeur général, American Near East Refugee Aid (ANERA)
STEVE CUTTS, Directeur général par intérim, Medical Aid for Palestinians (MAP)
NICOLAS DOTTA, Directeur général, Médecins du Monde Espagne
JAN EGELAND, Secrétaire général, Norwegian Refugee Council (NRC)
REENA GHELANI, Directrice générale, Plan International
MANUEL PATROUILLARD, Directeur général, Handicap International – Humanity & Inclusion
MORGANE ROUSSEAU, Directrice générale, Médecins du Monde Suisse
REINTJE VAN HAERINGEN, Présidente – Comité exécutif, CARE International
JOEL WEILER, Directeur général, Médecins du Monde France
ROB WILLIAMS, Directeur général, War Child Alliance


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